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Interview : Champion de France à 18 ans, Max Bertone se confie

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Tout juste auréolé de sa première médaille en Coupe du Monde, Max Bertone enchaîne avec un titre de Champion de France de difficulté. À 18 ans, le Réunionnais confirme son ascension fulgurante et revient pour nous sur ces dernières semaines intenses, marquées par des moments qu’il n’est pas prêt d’oublier.

À tout juste 18 ans, Max Bertone continue de faire parler de lui comme l’un des talents les plus prometteurs de l’escalade française. Une semaine seulement après avoir décroché sa toute première médaille en Coupe du Monde sénior à Bali, le Réunionnais s’est offert un nouveau sacre, en remportant le titre de Champion de France de difficulté à Gémozac.

Un enchaînement remarquable, mais que Max vit avec une lucidité désarmante : loin de se laisser griser par les résultats, il analyse ses performances avec recul, parle sans détour de ses doutes, de son manque d’influx mental à Gémozac, ou encore de son envie de progresser en bloc pour élargir ses perspectives.

Dans cette interview exclusive, Max revient sur les dernières semaines qu’il a vécues, sa progression fulgurante sur le circuit international, et son ambition de s’inscrire durablement parmi les meilleurs, avec en ligne de mire un objectif de taille : les Jeux Olympiques de Los Angeles 2028.

Entretien avec le nouveau Champion de France de difficulté 2025.

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Max, félicitations pour ton premier titre de champion de France senior en difficulté ! Qu’as-tu ressenti en réalisant cette performance, une semaine seulement après ta médaille en Coupe du Monde à Bali ?

Si je dois être honnête, j’étais un peu mitigé. Lors des qualifications et de la demi-finale la veille, je m’étais senti plutôt bien. J’étais même surpris d’avoir retrouvé aussi vite du jus après les 15 jours en Asie, notamment en rentrant lundi avec 6 heures de jet lag. Du coup, en finale, j’étais plus parti pour toper la voie que pour gagner la compet. Dans le run, je me suis senti mou d’entrée. J’ai hésité. J’ai grimpé sur les réserves et je me suis fait surprendre par le pas tordu en haut de la voie.

Quand je suis descendu et que mon père m’a fait signe de la main que j’avais gagné, j’étais vraiment partagé et j’ai presque eu du mal à sourire et à profiter du moment. C’est revenu un peu après, quand j’ai pu relativiser la perf du jour dont je n’étais pas satisfait.

La finale de ce Championnat de France s’est jouée sur des détails, avec une égalité sur la prise 36 entre toi et Jules Marchaland, départagée par les performances en demi-finale. Comment as-tu géré cette pression et cette compétition si serrée ?

Vu de l’extérieur, en effet, il y a un pas compliqué à la sortie du dernier toit de la voie et on tombe là pour la gagne. Mais la réalité est que j’ai eu l’impression qu’il était compliqué de tomber avant. J’ai mal grimpé mais je ne me suis pas senti en danger, ni au taquet. En général, on dit que dans ce type de voies, il ne faut pas « se faire endormir »… Et c’est précisément ce que j’ai fait. Je pense que Jules a dû faire pareil. Si le détail c’est ça, en effet, ça s’est joué à pas grand-chose !

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Tu as enchaîné trois tops en qualifications et en demi-finale, montrant une régularité impressionnante. Dans quel état d’esprit as-tu abordé cette compétition ?

En gros, je dirais qu’il y a eu deux compétitions en une. J’étais en mode training sur la première journée. Mon état d’esprit était de toper les voies. Il n’y avait aucun enjeu de sélection sur cette compétition et j’étais satisfait de ce que j’avais réussi à faire à Bali, du coup je n’étais pas dans l’attente d’un résultat.

Le lendemain, le fait de passer dernier avec un statut de « favori », ça m’a étonnamment remis sous pression. C’est là que j’ai vraiment senti que je n’avais plus beaucoup de ressources mentales pour passer en mode combat et que je me suis senti sans influx dans mon escalade.

La dalle finale semblait très piégeuse, et beaucoup de grimpeurs ont chuté dans cette dernière partie. À quoi pensais-tu en arrivant dans cette section ?

Du bas, à la lecture, elle ne semblait pas tant piégeuse que ça. J’ai été surpris par la position « en boîte » qu’il fallait prendre pour remonter le dernier pied, à tel point que je n’ai pas réussi à le trouver et j’ai engagé le mouv sur le pied gauche. La surprise quoi. `

Le fait de m’être retrouvé dans le baudrier en étant encore capable de monter en intensité a sans doute contribué à la frustration du moment.

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En rentrant de Bali, tu nous confiais que ce Championnat de France allait être « une compétition de reprise »… Et voilà que tu la remportes, malgré les 6 heures de décalage horaire ! Tu sembles donc dans une forme incroyable. Comment as-tu géré l’enchaînement de ces compétitions ?

Je n’ai pas vraiment cherché à gérer la série de compétitions. Pour moi, ce Championnat de France était surtout une reprise de l’entraînement, bien que le souvenir de la déception de l’an dernier ait été présent à certains moments.

Ta médaille d’argent à Bali marque ta première sur le circuit senior international. Selon toi, a-t-elle joué un rôle dans ta victoire à Gémozac ?

Non, je ne pense pas. Au contraire, je suis arrivé à Gémozac plutôt avec le sentiment du devoir accompli que dans l’optique de confirmer quelque chose ou de devoir remporter une compétition.

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Qu’est-ce qui t’a procuré le plus d’émotion : ta première médaille en Coupe du Monde à Bali ou ton premier titre de Champion de France de difficulté à Gémozac ?

Ce n’est pas comparable honnêtement. L’an dernier, le Championnat de France était un objectif pour moi. Cette année, pas vraiment. Aller jouer avec Alberto et Satone en Coupe du Monde sur des voies extrêmes a été pour moi un accomplissement absolu ! J’ai rarement ressenti une satisfaction équivalente et un sentiment d’aboutissement de tout le travail accompli, à la fois dans l’intersaison à La Réunion… et durant toutes ces années où il a fallu que j’attende pour pouvoir vraiment jouer en senior.

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On sent que tu t’installes durablement dans le haut du tableau français. Est-ce que ce titre marque un tournant pour toi dans ta carrière ?

Ces deux dernières années ont marqué un tournant, en effet. L’an dernier, le fait d’avoir eu accès à toutes les demi-finales et à deux finales en Coupe du Monde a déjà été une amorce de tournant.

Cette année, je retiendrai la confirmation en diff, mais aussi le fait de remporter les demis de bloc à Anse et d’avoir été proche du titre en bloc. Ça signifie énormément à mes yeux. J’espère pouvoir commencer une petite expérience en Coupe du Monde de bloc cette année pour pouvoir garder cette perspective ouverte l’an prochain, notamment si j’arrive à combler encore un peu de mon retard physique et de croissance dans l’intersaison.

À seulement 18 ans, tu as déjà un palmarès impressionnant, avec des titres en jeunes et maintenant en senior. Comment vis-tu cette transition vers le circuit senior et quelles sont tes ambitions pour la suite ?

Mes ambitions sont de remonter sur la boîte en senior bien sûr ! Ensuite, à moyen terme, il faudra faire des choix pour savoir où m’engager en priorité dans le parcours de sélection pour Los Angeles. J’adore le bloc et j’ai vu que je pouvais parfois jouer en senior aussi dans cette discipline, du coup c’est en partie là-dessus qu’il faudra aussi que je trouve ma voie, sans jeu de mots 🙂

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Tu as grandi à La Réunion et tu as commencé l’escalade avec tes sœurs Oriane et Margot. En quoi ta famille a-t-elle influencé ta passion et ta progression en escalade ?

La famille a compté pour beaucoup et compte encore énormément. En effet, je m’entraîne une bonne partie de l’année loin de tout et l’ancrage familial remplace l’émulation des partenaires d’entraînement.

Quelle a été la réaction d’Oriane en apprenant que tu venais de remporter le titre de Champion de France de difficulté 2025 ?

Elle était presque plus contente que moi. On se prend le chou souvent, mais on est toujours là l’un pour l’autre, dans les bons comme dans les mauvais moments.

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Tu nous confiais récemment vouloir jongler entre bloc et difficulté cette saison, afin de peut-être te spécialiser par la suite. Où en es-tu aujourd’hui ?

C’est en effet la bonne surprise de l’année. En diff, j’ai réussi des choses l’an dernier, mais en bloc ça date de la demi-finale du Championnat de France à Anse où je tope les 4 blocs en 6 essais si mes souvenirs sont bons. J’ai des lacunes majeures en bloc, notamment lorsqu’il faut envoyer des watts sur de l’escalade « basique ».

Pour m’ouvrir des perspectives en bloc, il faudra que je les comble, sinon je vais me faire écarter en qualif avant de pouvoir m’exprimer sur des blocs plus « joueurs » ou techniques. J’en suis donc là. Je peux me spécialiser en diff, mais je n’ai pas encore envie de trancher pour l’instant. Je me donne encore une année.

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Tu es reconnu pour ton style dynamique et ta détermination sur le mur. Peux-tu nous parler de ta préparation mentale et physique pour atteindre ce niveau de performance ?

J’essaie d’être discipliné et de grimper le moins possible quantitativement. Peu d’entraînements, souvent diversifiés, courts et intenses, et le maximum de récupération pour arriver avec les crocs à l’entraînement et en compet. De toute façon, je n’arrive pas encore à supporter des charges d’entraînement lourdes et fréquentes. Je n’ai pas trop le choix 🙂

Avec tes récentes performances, tu es désormais considéré comme l’un des plus grands espoirs de l’escalade française. Quelles sont tes aspirations à long terme, notamment en vue des Jeux Olympiques de Los Angeles 2028 ?

J’ai parlé de LA 2028, mais pour l’instant, je dois encore confirmer. Il y a eu beaucoup d’espoirs par le passé et rien ne garantit que je parvienne à les concrétiser. J’ai ce projet-là dans le viseur, en effet, et je donnerai tout pour y arriver avec l’aide de mon entourage.

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Un dernier mot à ajouter ?

Je veux remercier Gabo et Juliette pour le cadre qu’ils m’offrent à La Réunion, mais aussi Mathieu Ternant et Clément Ozun, récemment arrivés sur l’île, pour les ouvertures incroyables qu’ils m’offrent. Sans ces soutiens, ce serait tellement plus compliqué.


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