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Interview: Carole Palmier, présidente de Greenspits

Salut Carole, comment vas-tu ?

Ça va plutôt bien car je suis actuellement en vacances en Espagne et c’est parti pour un trip grimpe à muerte !

Allé on commence par le début, tu peux te présenter pour ceux qui ne te connaissent pas ?

Présentement je m’appelle Carole Palmier, putôt tropical comme nom, normal je viens de la Réunion, « 974 represent » ! En fait je suis née là bas mais mes origines sont plutôt la Lozère et l’Allier… moins tropical ! J’ai 29 ans et je grimpe depuis mes 12 ans. Je suis Sage-femme de profession, un métier peu reconnu où l’on se tape 5 ans d’études pas faciles et où l’on a beaucoup de responsabilités. Le salaire ne suit pas vraiment mais j’adore ce métier qui est stimulant et enrichissant à tous les niveaux.

Tu viens de l’île de la Réunion, comment as-tu découvert l’escalade là-bas ?

L’escalade était proposée au collège en option sport et j’ai tout de suite adoré. Grimper partout et dès que possible me définissait déjà étant gamine. J’étais de nature « casse-cou » et aventurière… Avant l’escalade j’ai fait pas mal d’autres activités et notamment de la voile. Je partais déjà sur les compet nationales et internationales avec un groupe de jeunes réunionnais, ce qui a forgé en moi le goût pour le voyage et l’esprit d’équipe.

Quand l’escalade a pris une part plus importante dans ma vie de collégienne, j’ai arrêté la voile pour m’y consacrer pleinement. J’ai rapidement intégré le club « Escalade D’abord » du sud de la Réunion, et j’ai débuté les entrainements et compétitions.

A mon époque, on connaissait les réunionnais pour leurs performances sur les compétitions nationales espoirs, ils étaient très attendus chaque année, tu faisais partie de la troupe ? Quels souvenirs en gardes-tu ?

C’est clair que j’ai commencé l’escalade dans une dynamique de groupe ultra motivante ! En effet je faisais partie de la troupe des Réunionnais qui marchait bien en compet grâce à l’investissement de l’entraineur passionné qu’est Michel Barjolin. Il a su créer une cohésion de groupe qui perdure encore aujourd’hui même si on est à quelques milliers de kilomètres de distance ! J’en garde de très bons souvenirs et cela m’a beaucoup apporté dans la vie en général.

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Tu as donc démarré par l’aspect compétitif de l’escalade, et aujourd’hui on parle de toi pour tes performances en falaise, comment en es-tu arrivé là ?

Oui j’ai complétement changé ma pratique pour diverses raisons :

Tout d’abord, la compétition en catégorie sénior demande tant d’investissement au niveau des entrainements que je ne me sentais pas capable d’assumer cela à côté des études. De plus, après le lycée, s’entraîner seule n’avait pas du tout la même saveur qu’avec un groupe d’amis qui s’entendent super bien. Je crois qu’on a tous été un peu victime de cette émulation de groupe qui s’est éteinte d’un coup. Pour moi l’escalade devait rester un jeu et une source de plaisir.

J’ai repris l’escalade après 2 ans d’arrêt pour le concours de médecine, et grâce à de belles rencontres j’ai orienté ma pratique vers la falaise. J’ai pu grimper avec de réels passionnés qui m’ont transmis le « virus » de la falaise et de l’équipement. Forcément quand on aime son milieu, on partage aussi les valeurs et l’éthique qui va avec. Je souhaite à chacun d’avoir la chance ou la curiosité de goûter à l’essence de notre activité, à ce mode de vie qu’est l’escalade  « outdoor ».

La compétition ne te plaisait plus ?

Clairement la compétition ne me plaisait pas assez, et je n’étais pas suffisamment doué et forte mentalement pour faire une carrière dans le haut niveau en escalade. Au-delà du côté sympathique du voyage en groupe de copains pour aller sur les compétitions, l’échéance du championnat m’animait un peu moins… Je n’ai jamais réussi à vraiment m’exprimer et à gérer la pression. Je n’arrivais pas à retranscrire mon niveau de l’entrainement à la compétition. La compétition a souvent été une frustration pour moi car j’arrivais en finale mais je me hissais rarement sur le podium.

Quel regard as-tu sur les compétitions aujourd’hui ?

Aujourd’hui je ne suis pas trop à la page concernant les compétitions, je ne prends pas le temps de m’y intéresser, donc j’ai des échos via des copains qui suivent ça de près. Le spectacle et l’émulation que cela crée comme récemment à Bercy est plutôt positif. Je suis juste impressionnée par le niveau actuel des compétiteurs !

Notre sport est très riche et il a de multiples facettes, chacun peut y retrouver du plaisir dans ce qui lui correspond le mieux. Je suis satisfaite aujourd’hui d’avoir choisi l’escalade en falaise car cela me permet d’allier le dépassement de soi, la performance, les rencontres, les voyages… De plus, la variété du support et de la gestuelle est assez unique dans la grimpe en falaise. C’est la nature et le rocher qui nous dicte l’itinéraire, pas l’inverse.

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Au delà des performances en falaise, tu es aussi très investie dans la protection et le développement de notre terrain de jeu naturel. Tu as donc crée Greenspits… Peux-tu nous raconter la naissance de ce projet ? Et quel en est le but ?

C’est Antonin Rhodes qui a eu l’idée de créer Greenspits. Antonin est quelqu’un de profondément généreux, qui a donné de son temps et de son argent pour équiper plus de 500 voies dans le sud de le France. Il a toujours œuvré dans l’ombre en tant qu’équipeur passionné, puis s’est posée la problématique du rééquipement et de la maintenance des secteurs: comment gérer le vieillissement des secteurs et éviter les accidents ? Qui pourrait s’en occuper et avec quels moyens ? Comment gérer l’affluence de grimpeurs et les mauvais comportements sur certains sites ?

La fédération semble dépassée par l’ampleur du chantier, et montre un réel désintérêt pour notre terrain de jeu naturel. Greenspits est née avant tout pour se poser les bonnes questions face au climat actuel qui met en jeu la pérennité de l’escalade libre en falaise. Plusieurs pistes de réflexion s’imposent : Pourquoi ne pas sensibiliser les grimpeurs eux-mêmes aux bonnes pratiques et à la sécurité ? Pourquoi ne pas créer un réseau collaboratif entre grimpeurs et équipeurs pour gérer les sites naturels?

Cela fait maintenant 9 mois que nous travaillons pour créer les bases d’une association solide et crédible. Il faudrait s’investir à temps plein au vue des objectifs ! Nous tentons avant tout de nous entourer de personnes aux compétences variées et de former une équipe de passionnés investis pour le futur de l’escalade.

Dans la description de cette asso, on peut y lire « Notre but est de promouvoir l’escalade en milieu naturel en créant un réseau d’acteurs conscients et investis dans leur pratique. » Aujourd’hui, cela semble en contradiction avec toutes les salles qui poussent comme des champignons. Selon toi, les 2 pratiques sont-elles complémentaires ? Comment toucher également ces grimpeurs de salles qui sortent quelques fois en falaise ?

Il est clair que l’escalade est un sport à la mode et en plein essor, mais se cailler en falaise l’hiver et prendre des plombs sur les spits pas toujours reluisants attire moins les foules. Naturellement, la première approche se fait aujourd’hui en majorité en salle. Je trouve cela très bien que l’escalade se démocratise avec l’ouverture de nouvelles salles car c’est un sport vraiment intéressant, qui peut apporter beaucoup sur le plan physique mais aussi psychique, et qui peut se pratiquer toute la vie !

Cependant certaines personnes vont en salle comme ils iraient faire de la muscu, sans aucune culture de la grimpe. Le problème et de savoir faire la transition de la salle à la falaise, et logiquement d’apprendre quelques codes.

Pour moi l’escalade en salle et en falaise peuvent être complémentaires si on sait faire cette transition. L’exemple actuel montre que les meilleurs grimpeurs mondiaux sont plutôt polyvalents.

Il y a dans l’avenir un gros travail à faire pour sensibiliser les jeunes grimpeurs qui souhaitent s’initier à la falaise.

Greenspits est une association qui a pour ambition première de changer les mentalités des grimpeurs. Pour l’instant nous nous adressons plutôt à un public d’initiés, mais pourquoi pas jouer un rôle directement auprès des « sallistes » afin de les informer et de leur transmettre notre passion pour le patrimoine de l’escalade, c’est à dire l’escalade en falaise !

Quels sont les prochains projets / événements pour l’association ?

Le prochain évènement à venir pour l’association est l’assemblée générale, on devrait fixer la date incessamment sous peu. Notre projet le plus « urgent » est de former une équipe afin de se répartir les tâches, pour gérer plus efficacement l’administratif, la communication et répondre aux diverses sollicitations dans les temps ! Nous avons eu beaucoup de mails et témoignages de personnes motivées pour rejoindre l’aventure donc ça devrait prendre une belle tournure dans les mois à venir. Sinon les projets et idées ne manquent pas … On va orchestrer tout ça et présenter un plan pour 2017, on vous tient au courant !

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Allé, parlons un peu Jeux Olympiques, on ne posera pas de question, on te laisse carte blanche pour nous donner un avis sur la récente intégration de l’escalade aux JO de 2020 à Tokyo.

J’ai un avis plutôt mitigé sur l’intégration de l’escalade aux JO. A la fois c’est très positif dans tout ce que cela représente pour la reconnaissance de l’escalade comme un sport et non plus comme un loisir, et des grimpeurs comme des athlètes plutôt que des hippies…. Mais d’un autre côté on s’éloigne de la pratique en falaise qui définit pourtant notre sport. L’escalade a bel et bien commencé sur du caillou, avec la recherche de la difficulté bien sûr mais surtout la quête du sommet ! Pour moi l’escalade est un sport de pleine nature au même titre que le VTT ou le surf … Quand je vois Adam Ondra je m’identifie à lui et je l’admire car il représente notre sport dans sa globalité, j’ai peur que ce ne soit plus le cas avec les nouvelles « générations JO ».

Un point que je trouve scandaleux et injuste est le mur officiel de vitesse qui est à la fois une manne économique pour le fabriquant et une perte de chances pour ceux qui ne peuvent pas s’entraîner dessus…

A juste titre l’olympisme vient en récompense à tant d’investissement de la part des grimpeurs qui sont de réels athlètes, mais la vitesse est pour moi un sport différent et le combiné ne retranscrit pas au grand public ce qu’est réellement l’escalade.

Récemment, les bruits de couloirs disent que la FFME refuse de conventionner de nouvelles falaises, et souhaiterai se désengager progressivement des falaises actuellement conventionnées (problème de responsabilité qui coûte très cher en cas d’accident). Qu’en penses-tu ? As-tu des idées pour solutionner ce problème qui semble très complexe ?

Pour faire la transition, j’ai quand même un petit goût amer car Tokyo c’est une victoire qui cache pourtant une défaite de la FFME concernant la gestion des SNE (sites naturels d’escalade). Les grimpeurs qui payent leur licence comme moi et qui ne font pas de compétition ont l’impression d’être un peu oubliés. Le sujet du déconventionnement des falaises par la FFME est en effet un sujet complexe. Je souhaiterai simplement être informée en tant que licenciée et en tant que grimpeuse ! J’ai l’impression que la FFME ne joue pas la carte de la franchise concernant ces problématiques.

Je n’ai pas envie que l’on arrive à un système à l’américaine où l’on cherche à tout prix un bouc émissaire en cas d’accident. Les idées pour solutionner ce problème sont nombreuses mais pas toujours faciles à appliquer. Encore une fois l’escalade en falaise se rapproche plus de l’alpinisme et ne sera jamais un sport sans risque et aseptisé. Chacun doit prendre conscience de cela et se sentir responsable dans sa pratique.

Je tiens à préciser que Greenspits n’est pas une association « anti fédé » et qu’au contraire nous souhaitons dans l’avenir travailler ensemble en toute transparence pour trouver les meilleures solutions dans le respect des pratiquants falaisistes.

Si tu as un dernier mot à ajouter… ?

Je suis à Margalef au café Vernet donc je dirai… Una cerveza mas con patatas bravas por favor !

Plus sérieusement, restons humbles et respectons-nous en tant que grimpeurs, toute performance est à saluer même si elle ne fait pas partie de notre domaine de compétences. Soyons honnêtes avec nous-mêmes, ce qui apporte vraiment est le don de soi et l’investissement plus que le résultat. Ah oui j’oubliais la règle numéro 1 qui se perd parfois : on paye son coup quand on fait la croix !

Publié le : 21 novembre 2016 par Charles Loury

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