Interview avec Anouck Jaubert, la grimpeuse la plus rapide du moment!
La Marseillaise a retenti à deux reprises en l’espace de quelques jours à peine dans le monde de la planète grimpe. C’est grâce à elle, Anouck Jaubert, victorieuse sur les deux dernières étapes de coupe du monde, à Chamonix puis à Villars. Elle est la grimpeuse la plus rapide du moment, avalant la voie officielle de 15 mètres en 7 secondes 82 lors des qualifications sur la place du Mont-Blanc. Oui, vous n’avez pas le temps de détourner le regard que la championne de France saute déjà sur le buzzer final.
Nous sommes donc allés à sa rencontre, pour tâcher d’en savoir un peu plus sur ces récentes performances…
– Salut Anouck et félicitation pour tes victoires! D’ailleurs, comment se sent-on quand on vient de remporter deux coupes du monde en moins d’une semaine ?
RAVIE !! C’est bizarre de se retrouver chez soi d’ailleurs, on aurait envie que ça continue quand tout se passe bien comme ça !
Mais d’un autre côté je suis bien fatiguée et courbaturée, on a eu trois journées intenses de compétition sous la pluie chamoniarde puis dans la fraîcheur Suisse ; je suis contente de pouvoir me poser.
– Comme l’année dernière, tu gagnes à Chamonix, la seule manche de coupe du monde en France. Est-ce une source de motivation supplémentaire pour toi de grimper devant un public français ?
C’est sûr que quand le public est de notre côté et nous encourage, ça nous pousse et on a envie de le remercier en grimpant vite !!! Et puis généralement, la famille et les amis font le déplacement pour les compétitions en France donc j’ai envie de montrer le meilleur de moi-même. D’un côté c’est une pression supplémentaire mais on peut réussir à la transformer en énergie !
Je crois que détenir le record du Monde est ce qui me ferait le plus plaisir.
– La saison a commencé en Avril par deux étapes chinoises, où tu n’as pas réussi à exprimer pleinement ton potentiel. Qu’est-ce qui a fait la différence cette semaine, et que tu n’avais pas en début de saison ?
Ce qui a changé depuis les étapes en Chine c’est déjà deux mois d’entraînement supplémentaires. En décembre j’ai décidé de faire un changement de méthode important sur le haut de la voie. J’ai passé beaucoup de temps là-dessus mais ce n’était pas assimilé à 100% en avril… J’étais en forme mais trop irrégulière. Au retour de Chine, je me suis beaucoup remise en question. Avec Syl (Sylvain Chapelle) on a tout repris depuis le début : on a décortiqué chaque mouvement de la voie pour trouver ce qui n’allait pas et le corriger. Et cela a été plutôt efficace !
Après la frustration des deux premières compétitions en Chine et le gros travail réalisé à l’entraînement, j’arrivais donc à Chamonix avec l’envie de tout démonter.
Je me suis sentie à l’aise dès le practice, j’ai fait deux très bons runs en qualification et j’ai géré chaque duel l’un après l’autre pendant les phases finales. Ça a payé !
Ça a été plus compliqué à Villars : il fallait remettre la même implication et la même intensité avec peu de temps pour récupérer à la fois physiquement et mentalement ! De plus j’ai croisé assez tôt (en quart) Anna Tsyganova qui était passée à côté de ses qualifications mais qui a fait un très gros run alors il a fallu « s’énerver » rapidement. Et il restait encore Kaplina à battre en finale… Je suis donc très contente d’avoir remporté cette compétition !
– Comment t’es-tu sentie dans ta grimpe sur ces deux dernières compétitions ?
Je me suis sentie sereine, j’étais toujours relativement bien placée dans les mouvements et je faisais simplement des ajustements d’un run à l’autre. Il y avait des petites imprécisions sur quelques prises de main ou de petites glissades des pieds en adhérence mais pas de grosse erreur. J’aurais aimé faire de meilleurs chronos mais je crois que je peux relativiser au vu des conditions météo…
– À Chamonix, la leader mondiale Iuliia Kaplina a été éliminée dès les qualifications. Tu étais alors la « favorite », n’a-t-il pas été trop difficile de gérer ce statut ?
En effet j’ai été surprise de voir Kaplina sortir dès les qualifications. À ce moment-là je me suis dit que la victoire était à portée de main… Et pourtant rien n’était fait, il y avait quatre duels à remporter, quatre adversaires déterminées à battre ! Je me suis d’abord rappelée que j’étais là avant tout pour me faire plaisir et m’amuser en grimpant afin d’enlever toute pression . Puis je me suis focalisée sur ma grimpe et ce que j’avais à faire pour vite atteindre le buzzer. J’ai réussi à être à la fois déterminée et relâchée et ça a marché.
– Que ressens-tu quand tu entonnes la Marseillaise aux côtés d’une autre française sur le podium, Elma Fleuret ?
De la fierté : toute l’équipe a bien progressé et ça fait vraiment plaisir !! Chanter la Marseillaise est toujours une superbe récompense mais à deux sur le podium, c’est encore mieux !! En peu de temps Elma est devenue championne du Monde cadette et s’est installée chez les senior, elle a toutes les qualités pour réussir, ça promet de belles choses…
– Quand tu es en compétition, est-ce un réel objectif pour toi d’aller chercher le record du monde ?
Je crois que détenir le record du Monde est ce qui me ferait le plus plaisir. Mais quand je suis en compétition, je pense juste à grimper : pousser sur les jambes, tirer sur les bras, gainer, être à la bonne distance du mur, être dans le bon tempo et l’objectif est surtout taper le buzzer en première. Une fois cela fait, je vois ce que ça donne niveau chrono !
– Te voilà maintenant en tête du classement général. Ton objectif maintenant ?
En 2014 j’étais 3ème du général, l’année dernière 2ème donc l’objectif est logique… la première place. Comme nous avons sept étapes cette saison, il y aura un joker. Actuellement, si on enlève le pire résultat à chacune, je suis en réalité 2ème donc rien n’est joué !! Bref, ne commençons pas à faire des calculs, il faudra grimper le plus vite possible sur toutes les étapes pour être la meilleure à la fin de la saison !
Et bien sûr, il y aura le championnat du Monde à Paris en septembre où je compte bien prendre ma revanche par rapport à Gijon 2014 !
– L’escalade est en passe de rentrer au programme des JO. Te vois-tu être l’une des premières médaillées olympiques de l’histoire ?
Les Jeux Olympiques sont LA compétition qui fait rêver tous les compétiteurs alors évidemment, j’adorerais avoir une de ces médailles autour du cou. Mais si c’est bien l’épreuve du combiné qui est retenue (comme le disent les bruits qui courent), je ne pense malheureusement pas que ce soit fait pour moi… J’avais un bon niveau en bloc en catégorie jeune mais je ne m’entraîne plus du tout pour et encore moins pour la diff. J’aurais un retard énorme à rattraper pour espérer rivaliser à l’international ! Et étant donné le temps que je passe à l’entraînement rien que pour la vitesse, ce serait très compliqué et la planification serait un vrai casse-tête…
- Photos: Eddie Fowke