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Interview: A la rencontre de Mathilde Becerra

Salut Mathilde, on commence par le commencement, comment vas-tu ?

Je vais très bien merci ! Je peux finalement souffler après avoir enchaîné pas mal de compétitions et finalement terminé mes études !

Tu viens de participer aux 24h du mur, cette compétition était la dernière de la saison pour toi. Peux-tu revenir sur ce week-end ?

Ma saison n’est pas tout à fait terminée puisque je compte participer à la dernière étape de Coupe du Monde à Kranj mi Novembre. Cette compétition signera la fin de cette belle saison.

J’ai participé aux 24h du Mur comme chaque année puisque cette compétition est avant tout pour moi un « retour aux sources ». Elle est synonyme de grimpe et de fun, tout ça dans l’ambiance unique du Sud Ouest qui m’est chère.
Cette année, j’ai abordé la compétition différemment puisque j’avais eu trois semaines assez chargées juste avant (Rockmaster d’Arco, Adidas Rockstars et soutenance de fin d’études). J’ai donc essayé d’être plus indulgente avec moi-même, sachant également que de très fortes grimpeuses seraient de la partie et qu’il serait dur de défendre mon titre ! Au final, même si j’ai terminé à la 3ème place, je suis satisfaite de mon week-end en terme de qualité de grimpe. Je tiens à féliciter Hélène Janicot qui nous a tous impressionné et qui est très en forme en ce moment !

Cette année tu as participé à plusieurs étapes de coupe du monde en difficulté, quel premier bilan personnel en tires-tu ?

J’attendais ce retour à l’international avec impatience. Après un an d’absence, c’était un peu quite ou double. Mais finalement mon entraînement a payé et je me suis révélée sur les premières étapes de Coupe du Monde. Je me suis sentie beaucoup plus à l’aise et j’ai vraiment pris confiance en moi. Je ne retiens que du positif de ces compétitions !

Que t’a-t-il manqué pour grignoter encore quelques places au classement et passer en finale ?

Les finales cette année se sont jouées dans un mouchoir de poche. Il m’a manqué entre un à deux mouvements pour passer dans le top 8, et je sais pourquoi. L’an passé, mon entraînement était majoritairement axé sur le physique, le but étant de passer un cap et d’installer une certaine « stabilité » physique. Je n’ai donc que très peu travailler la rési de fond, et c’est clairement ce qu’il m’a manqué pour atteindre les finales. J’en étais consciente sur chaque étape, et c’était assez frustrant ! Mais bon, chaque chose en son temps…

Parlons un peu entraînement, car les jeunes nous posent souvent la question : As-tu un entraîneur personnel où t’entraînes-tu au feeling ?

Depuis Juillet 2013, j’ai un entraîneur personnel. C’était un réel besoin pour moi, autant sur le plan sportif que personnel, d’autant plus que je sentais que je commençais à stagner. C’est d’ailleurs grâce à lui que ma grimpe et mon état d’esprit ont significativement évolué cette année.
Je pense qu’avoir un entraîneur est important seulement si le (la) grimpeur(se) en ressent le besoin. Il ne faut surtout pas se sentir contraint, au risque de se dégouter de l’entraînement… Cette relation doit être avant tout basée sur la confiance et l’envie commune de partager une aventure.

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 Tu suis une planification précise tous les jours ?

En grande partie, oui. Mon entraineur et moi sommes en contact presque tous les jours, du coup si je ne peux pas faire une séance pour x ou y raison, je lui dis et nous en parlons. Il n’y a aucune contrainte et beaucoup de flexibilité dans notre façon de travailler. Le plus important étant de communiquer et d’être à l’écoute de son corps. 

Bien sûr, quand il faut charger la mule pendant trois semaines, je fais ce qu’il me dit et je bosse sérieusement. Mais si un jour je veux aller en falaise à la place, j’y vais ! Le plaisir avant tout.

Quels ont été les changements après ton déménagement de Toulouse vers Chambéry ?

Une nouvelle vie ! Tout d’abord, il n’est jamais facile de quitter le cocon familial, et ça a été assez dur à gérer les premières semaines. En même temps, nous avons découvert le club de Chambéry Escalade qui nous a accueillis chaleureusement, un grand merci à eux. Puis la proximité avec mon entraîneur ainsi que de nombreux grimpeurs. On a également eu le plaisir de découvrir cette magnifique région et notamment les nombreuses falaises autour de Chambéry. L’ambiance ici est beaucoup plus axée vers les sports de nature, sans parler de la qualité de vie qui est remarquable ! Ici, on se sent plus dans notre élément même si la famille et les amis nous manquent.

Concrètement comment as-tu réussi à concilier ta vie d’étudiante à l’INSA avec le sport de haut niveau? Tu as du faire des concessions ? Comment s’organisaient tes semaines?

Mes trois premières années à l’INSA étaient « ordinaires » dans le sens où je n’avais pas d’aménagement particulier. Ce n’était pas facile de tout gérer, mais grâce à mon statut SHN, les professeurs étaient conciliants et m’ont beaucoup aidé lorsque je devais m’absenter. Les deux dernières années, j’ai décidé d’aménager mon emploi du temps et donc d’étaler mon cursus sur 6 ans au lieu de 5. Cela a été une délivrance et m’a vraiment permis de jongler entre les entraînements, les cours, et le repos (indispensable !).

En général, j’avais cours soit le matin soit l’après-midi, ce qui me permettait de m’entraîner le reste de la journée. Ce rythme m’a très bien convenu !

Tu viens de passer ta soutenance de fin d’étude… Tu comptes te consacrer d’avantage à l’escalade l’année prochaine ? Des nouveaux objectifs… ?

En effet, je viens de finir mes études. J’ai beaucoup bossé ces dernières semaines pour ma soutenance et je suis vraiment très contente d’avoir fini en beauté, c’était important pour moi.

J’ai bien réfléchi à la question, et cela fait un petit moment que j’ai pris ma décision. Je souhaite vivre ma carrière sportive en priorité puisque mon objectif général est d’atteindre le top 3 mondial dans les 2-3 années à venir.

Le mieux pour moi serait de trouver un emploi à temps partiel (en tant qu’ingénieure ou autre) afin de pouvoir continuer l’escalade à haut niveau. Je suis bien consciente qu’avec la conjoncture actuelle, ça risque d’être vraiment dur à trouver ! Mais je pense qu’il est important de garder un équilibre entre vie professionnelle et vie sportive.

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Récemment, Charlotte Durif (membre de l’équipe de France) a publié un article concernant l’anorexie en escalade de haut niveau, quel est ton avis la dessus ?

Je pense que Charlotte a été très courageuse d’aborder un sujet aussi épineux et je la soutiens dans sa démarche. Je souhaiterai seulement ajouter que selon moi, il est important de faire la distinction entre l’anorexie (qui touche tout type de personne) et l’anorexie athlétique (bien spécifique aux sportifs de haut niveau). Ce sont deux problématiques différentes et il ne faut pas mettre tout le monde dans le même panier, au risque d’être maladroit et de blesser des personnes. Mais je suis bien d’accord avec Charlotte et je fais partie de ceux qui souhaitent lutter contre ce démon dans l’escalade.

Entre 2 compétitions, on te voit également un peu en falaise… Peux-tu nous résumer ton année sur le caillou en quelques lignes ?

Après notre trip à Hueco où j’ai fait mon premier 8A bloc, j’étais vraiment motivée pour toucher plus de caillou ! Depuis mon arrivée à Chambéry, j’ai commencé à découvrir les falaises autour du Lac du Bourget et c’est un réel plaisir. Je n’ai pas pu y aller autant que j’aurai voulu (temps de chien cet été…) mais je compte bien me rattraper en Octobre ! Ca commence plutôt bien puisque je viens juste de sortir mon tout premier projet en 8b+ en cinq essais ! Il me reste plus qu’à trouver un nouveau projet, mais je ne m’inquiète pas pour ça J

As-tu des projets de voyages, ou des projets de voies pour les mois qui arrivent pendant la saison creuse ?

J’ai des projets de voyage, plus personnels que grimpe. Je vais aller à Vancouver où j’espère pouvoir découvrir le site de Squamish. Après ça, nous avons prévu une croisière aux Caraïbes pour fêter mon diplôme, entre autre 😛

En février, nous pensons peut être retourner à Hueco Tanks. Rien n’est encore fixé puisque je suis actuellement en recherche d’emploi…

Sinon par ici, je file en falaise dès que je peux avant de reprendre l’entraînement pour Kranj !

Et pour finir, je souhaiterai sincèrement remercier mon entraîneur Thomas, mon amoureux et compagnon de grimpe Sean, mais aussi mes amis et ma famille qui me soutiennent au quotidien ! Sans oublier mes sponsors Mammut, La Sportiva et Agüita ! 

  • Crédit photo: Sam Challéat et The Circuit Climbing

Publié le : 07 octobre 2014 par Charles Loury

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