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Hugo Parmentier coche « Papi Chulo », 9a+ à Oliana: le récit complet

© William Barcelo

Il l’a fait ! Après plus de 35 jours de siège, Hugo Parmentier est venu à bout de son plus gros projet du moment, « Papi Chulo », célèbre 9a+ d’Oliana. Libérée par Chris Sharma en 2008, cette kingline a été répétée plus de 25 fois, et c’est au tour de notre Frenchi d’y poser son nom.


Des débuts difficiles dans la voie

Février 2024, Hugo faisait ses premiers pas dans cette immense ligne d’Oliana. Pour limiter son empreinte carbone, Hugo a choisi de réduire les allers-retours depuis Paris (deux en un mois et demi l’an dernier) et surtout de voyager en train. « Je laissais une voiture à la frontière, je prenais le train de nuit depuis Paris, et ensuite j’avais 1h30 de voiture pour rejoindre Oliana. C’était important pour moi d’éviter de faire des milliers de kilomètres en voiture. »

En 2024, Hugo était encore loin de l’enchaînement : il tombait dès la reprise après un gros repos, à une dizaine de mètres du sol. « La voie se décompose en plusieurs sections, et ça démarre par 10 mètres très intenses, c’est très court, et ça cote  environ 7C+ bloc pour arriver sur un énorme repos au niveau d’une vire où tu peux t’assoir. Et moi, j’avais beau me reposer énormément, je tombais dès le deuxième mouvement en repartant de ce repos, je n’avais donc même pas le temps de rentrer véritablement dans le game… »

Assez frustrant pour la bleausard d’adoption, car parmi les grimpeurs ayant enchaîné la voie, peu ont rencontré des difficultés sur ce passage. Hugo avoue que mentalement, ce n’était pas simple à gérer ; sur ce repos total, il avait tout le temps de cogiter et de ruminer.

La suite de la voie se décompose ainsi:

Un 8c+ d’une quinzaine de mètres, suivi d’un repos très moyen qui posera également des difficultés à Hugo, ce dernier n’étant pas un fin expert des repos de la sorte. « La grosse difficulté de cette voie c’était vraiment de réussir à récupérer à ce moment là pour ensuite pouvoir attaquer sereinement un long 7C bloc jusqu’à un autre repos moyen qui t’amène sur un 8b voie assez court, puis un très bon repos et une petite fin. »

Vous l’aurez compris, cette voie c’est un marathon, et c’est aussi pour ça qu’Hugo l’avait choisi comme projet, un vrai challenge pour lui. « C’est une voie vraiment à l’opposé de ce que je sais faire en escalade, des trucs très très longs avec des repos mauvais c’est vraiment pas du tout mon délire. Moi, toutes les voies dures que j’ai faites c’est plutôt des efforts très courts. »

© William Barcelo

Une année 2025 qui change tout

Après pas mal d’efforts l’année dernière, la voie continue de lui résister. Cette année, il repart à l’assaut de la voie avec toutes les cartes en main. Avec Tess, ils ont aménagé leur van, et un peu plus de confort, ça change tout pour la performance : « On dormait bien, on pouvait bien manger, bien se reposer alors qu’avant, dans le Kangoo, on vivait avec les sacs qui traînaient partout, pas moyen de se doucher, on faisait à manger par terre, c’est tout de suite plus compliqué d’être dans de bonnes conditions. »

L’autre différence majeure dans sa réussite, aura été de vivre ce projet avec sa copine cette année. Plus de soucis pour trouver une personne à l’assurage, d’autant que tous les deux avaient leur projet respectif sur cette falaise. Cette année, Hugo a donc repris le process, et beaucoup mieux préparé selon lui. « Pendant qu’on aménageait notre van, on avait un petit pan et je faisais des tours où je restais dix minutes, et ça m’a vraiment donné une conti suffisante je pense dès le début pour rattaquer dans cette voie quasiment là où je l’avais laissé l’année dernière. »

Autre élément clé : s’être accordé une année pour grimper avec Tess lui a permis d’aborder ses projets avec moins de pression. « Le soir évidemment, et le matin en me réveillant, je pensais à la voie. C’était un peu stressant mais au moment de taper des essais, j’étais beaucoup mieux psychologiquement. »

Ce siège de plus de 35 jours dans la voie aura donc été une véritable aventure, où Hugo aura appris à faire la part des choses, en se rappelant qu’un projet est avant tout un choix, et qu’il ne sert à rien de taper des runs pendant aussi longtemps si l’envie n’est pas là.

Un autre facteur de sa réussite aura été l’aide Laura Rogora qui lui a soufflé une méthode avec un talon très haut, ce qui lui a permis de ne plus faire ce mouvement d’épaule qui lui posait tant de problème l’année dernière et donc de progresser rapidement. « Je suis très vite tombé là-haut.  À la fin il y a un dernier mouvement dur dans le 8b où les gens tombent encore, après 35 mètres d’escalade complètement rôtis, et après trois chutes à ce moment là j’ai fini par refaire la voie. En plus ce jour là il y avait un pote qui était là, Hugo Meunier, qui prenait des vidéos. C’était cool car on a carrément discuté un peu ensemble pendant le run, tu échanges trois mots mais ça ça te fait descendre la pression. »

Ce jour-là, tout était réuni : sa bande de potes, Tess à l’assurage, et même ses parents, venus pour la première fois à la falaise. Un moment parfait pour enfin réaliser ce projet de longue date !

© William Barcelo

Des apprentissages et plein de futurs projets déjà en tête

Si Hugo a choisi un projet comme ça, qui à la base n’était pas du tout dans ce qu’il savait faire, ce n’était pas un hasard. Il fallait selon lui passer par là pour espérer progresser dans sa grimpe. « Il faut que je sois capable de faire des voies très longues, car en falaise, et même en compète, il me manque beaucoup de conti et de rési, donc c’était un projet parfait pour ça. »

L’autre difficulté pour Hugo aura été de tenir dans la longueur. En effet, ce n’est pas son premier 9a+ : en 2019 il cochait déjà « La moustache qui fâche » à Entraygues, et il lui aura fallu beaucoup moins de temps pour en venir à bout (5 jours). « Papi Chulo » n’étant pas réputée pour être extrême dans cette cotation, mentalement il fallait rester accroché.

« C’était difficile psychologiquement de voir les jours se succéder sans avancer dans le projet. Et parfois je me suis même demandé si j’étais vraiment fait pour l’escalade. Et puis finalement, en ce moment j’ai vraiment la forme, donc ça prouve aussi que faire ces efforts-là, ça paye. »

Hugo aura également appris la patience et la persévérance, deux maîtres-mots qui ont toute leur importance dans ce genre de projet. « Ma stratégie à la fin, c’était de mettre un seul essai par jour dans la voie, parce que ça me coûtait trop d’énergie psychologiquement d’en mettre plus, j’avais l’impression de perdre mon temps. Donc voilà, je pouvais aller grimper d’autres lignes, j’ai fait des voies super stylées, de « Fisheye » à « Joe Blau », et j’ai même essayé un peu de « Joe Mama » (9a+)  juste à côté. »

Il nous confiera être ressorti de cette expérience grandi, et il pense d’ores et déjà à ses futurs projets. « Joe Mama » fera incontestablement partie des futures lignes où il posera ses chaussons, après avoir été tout proche de l’enchaînement. D’autres projets lui tiennent également à coeur: « On a un projet d’association, on va essayer de réaliser des fresques du climat dans des clubs, dans quelques salles d’escalade, sur quelques événements, pour sensibiliser aux enjeux environnementaux. »

Et puis bien évidemment, la saison en Espagne va bientôt se terminer, et il sera temps pour Hugo d’aller tâter d’autres falaises, et notamment Céuse prévue pour ce mois d’avril. On vous tiendra bien évidemment informé de la suite de ses aventures sur PlanetGrimpe.