Parfois, on n’a pas les ingrédients. Parfois, on oublie. Parfois on n’a pas le temps. Et parfois on a tout simplement la flemme. Et puis, après deux ou trois heures de grimpe, on se retrouve avec cette désagréable baisse d’énergie qui accompagne le creux dans l’estomac et on regrette amèrement de ne pas avoir emporté un petit quelque chose à grignoter.
En falaise, à moins de grimper à proximité d’un verger, d’être un botaniste hors pair (histoire de ne pas finir comme Christopher McCandless), ou de supplier la cordée voisine de vous prêter quelques graines pour subsister, il faudra attendre de rentrer afin de se sustenter.
En salle, c’est différent. Tellement différent que pour atteindre la zone de grimpe dans certaines d’entre elles, il faut d’abord traverser une salle de restaurant puis régler son entrée au comptoir, à côté des cookies, gâteaux et autres barres chocolatées, de quoi re-sucrer une armée d’hypoglycémiques.
C’est ainsi qu’une chose en entrainant une autre, on se retrouve avec une barre énergétique dans les mains, à essayer de se persuader que non, ce n’est pas le packaging gentiment néo rétro et ciblé grimpe qui nous a attiré mais bien l’envie de découvrir un nouveau produit afin d’en analyser la composition. Dissonance cognitive, bonjour.
Il existait déjà des tas de barres énergétiques ciblées sport, la plupart d’entre elles visant les traileurs et autres forçats de la course à pied mais pour la grimpe, l’offre se limitait jusqu’à il y a peu de temps aux aliments lyophilisés à déguster dans son portaledge.
Aujourd’hui, avec l’engouement pour l’escalade et les salles privées qui poussent comme des champignons, les grimpeurs représentent désormais un marché non négligeable : en 2016, on estimait le nombre de personnes pratiquant l’escalade en France à un million, selon une étude de la FIFAS[1]. Il n’en fallait pas plus pour qu’une marque lance sa gamme de barres énergétiques à destination des grimpeurs néophytes ou confirmés.
Alors, que penser de cette barre actuellement déclinée en une petite dizaine de saveurs ?
Avant tout, il s’agit d’un aliment ultra-transformé emballé dans du plastique donc un aliment à consommer de manière tout à fait exceptionnelle que ce soit pour des raisons nutritionnelles ou environnementales.
Au niveau du goût, de la texture et de l’effet, la surprise est agréable car on ne ressent pas l’écoeurement caractéristique des barres chocolatées. La barre chocolat-noix de coco goûtée a un goût équilibré entre les deux saveurs annoncées du fait de l’utilisation de lamelles de noix de coco et non simplement d’arôme, et de vrai chocolat, c’est à dire de cacao et de beurre de cacao. La consommation d’une barre cale un petit creux sans déclencher une compulsion sucrée une demie heure plus tard contrairement à une barre de snacking ordinaire et c’est plutôt appréciable.
Une analyse détaillée de la composition permet de comprendre pourquoi ce produit est moins écoeurant que son équivalent de la grande distribution. La liste des ingrédients étant toujours classée par ordre décroissant de quantité, il apparaît que le sucre utilisé est principalement le sirop de riz brun et non le sirop de glucose. On note aussi la présence de sirop et de sucre de canne, mais dans des quantités moindres.
Le sirop de riz brun est issu de la fermentation du riz et est composé principalement de maltose[2] (deux molécules de glucose associées), qui a un pouvoir sucrant plus faible à quantité égale, ce qui en fait un sucre moins écoeurant que le sirop de glucose ou le saccharose (sucre de table). Cependant, le maltose provoque une augmentation forte de la glycémie très rapidement après son ingestion[3]. Les fibres présentes à hauteur de 6% du poids du produit, permettent de retarder l’assimilation de ce sucre et sont apportées principalement par l’adjonction de fibre d’avoine.
La teneur globale en protéines est assez surprenante. Avec 15 g pour 100g de produit elle contient trois fois plus de protéines qu’une barre « sport et énergie » vendue en grande surface, ce qui explique son caractère rassasiant. Enfin, la matière grasse utilisée est surtout l’huile de tournesol riche en acide oléique. Cette caractéristique rend l’aliment moins sensible au rancissement et évite le recours systématique à l’huile de palme. Le beurre de cacao permet quant à lui d’apporter aussi de la matière grasse tout en maintenant le parfum du chocolat dans la recette. Le reste des ingrédients est constitué de diverses vitamines de synthèse et de minéraux classiques : calcium, magnésium, vitamines A, D, E, C et groupe B.
On regrette cependant l’utilisation d’additifs peu recommandés tels que l’acide orthophosphorique[4], d’ingrédients totalement déstructurés (fibres, isolats de protéines, extrait de…) et de plusieurs dérivés du soja dont les isoflavones peuvent perturber le fonctionnement endocrinien dans la cas d’une accumulation alimentaire[5].
Malgré ces points négatifs, quitte à hésiter entre une barre « sport » de supermarché et la barre décrite dans cet article, le moindre mal se situe donc plutôt dans le choix de la barre spécialisée, du fait de son caractère satiétogène ainsi que de l’absence d’huile de palme et de sirop de glucose…tout en se promettant bien sûr de racheter son petit mélange de graines bio préférées ou fabriquer quelques en-cas maison pour la prochaine séance de grimpe
Texte: Amandine Verchère
[2] source: lanutrition.fr
[3] index glycémique = 105 pour le maltose pur, 100 pour le sirop de riz
[4] voir : https://www.quechoisir.org/comparatif-additifs-alimentaires-n56877/e338-acide-phosphorique-acide-orthophosphorique-p223517/
[5] https://www.quechoisir.org/enquete-soja-consommation-a-surveiller-n67071/