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Entretien avec Janja Garnbret : entre compétitions, projets et rêves d’avenir…

© Emiliano Villani

Lors du Rock Master 2025 à Arco, nous avons eu l’occasion d’échanger avec la légende Janja Garnbret. Entre compétitions et projets en falaise, la Slovène s’est confiée sur son approche de l’escalade, ses rituels, sa vision du sport et ses envies pour l’avenir.

À Arco, après une élimination inattendue dans l’épreuve des Duels (discipline où Janja a toujours dominé et qui a été remportée cette année par l’Américaine Brooke Raboutou), la Slovène s’est imposée avec une nette avance le lendemain en bloc. Mais là où elle a le plus impressionné, c’est après le Rock Master ; Janja a réalisé la première ascension flash de « Pure Dreaming », une voie cotée entre 8c+ et 9a !

Dans cette interview, Janja nous parle des compétitions, de ses rêves et de ses objectifs futurs.


C’est au cœur d’Arco, quelques heures après la fin du Rock Master, que nous retrouvons Janja. Assise à l’ombre des oliviers, la Slovène savoure enfin un moment de calme après un week-end intense. Souriante, détendue, elle accepte volontiers de revenir sur sa compétition, mais aussi sur ce qui la fait avancer au quotidien.

L’importance du challenge en compétition

Quand on regarde Janja Garnbret grimper, tout semble facile. Mais pour la Slovène, la facilité est presque une frustration. Ce qu’elle recherche avant tout, c’est le défi : des voies et des blocs qui la font douter, réfléchir, se dépasser. « Quand on s’entraîne pendant des années et que la voie est trop simple, on ne peut pas montrer ce pour quoi on s’est préparé. Dans ce cas-là, une petite erreur peut suffire à te priver du podium ! ».

À l’inverse, ce qu’elle apprécie le plus, ce sont les voies variées et exigeantes qui permettent à chaque compétiteur de se surpasser. « Ce sont les ouvreurs qui fixent les standards. Ce sont eux qui décident du niveau de difficulté d’une compétition ; ils déterminent si elle sera plutôt facile, aléatoire ou dure physiquement. Pour moi, c’est leur rôle de nous pousser dans nos retranchements et de tirer le meilleur de nous-mêmes ».

© Emiliano Villani

Quand on lui demande comment elle gère les (rares) moments où un bloc ne se passe pas comme prévu, Janja explique : « Je réfléchis simplement à ce qui n’a pas fonctionné et à ce que je peux faire différemment. La concentration est clé, et la musique m’aide beaucoup à me mettre dans l’état d’esprit du training, même lors d’une compétition ».

Écouter de la musique, identique à celle qu’elle écoute à l’entraînement, lui permet de se replonger dans de bonnes sensations et de retrouver son état d’esprit idéal pour grimper. « Les jours où je me sens un peu moins bien, ça m’aide à retrouver cet état d’esprit, à me reconnecter à ce moment où je me sentais forte ».

© Emiliano Villani

Mais sa passion ne se limite pas à l’escalade. En dehors de la grimpe, Janja adore la cuisine. « J’aime expérimenter de nouvelles recettes. C’est quelque chose qui me fait du bien et me permet de déconnecter un peu de l’escalade, qui prend une grande place dans ma vie ».

Mix hommes-femmes : pour le fun, pas en compétition

Nombreux sont les fans à travers le monde qui rêvent de voir Janja affronter les hommes sur des blocs ou des voies, simplement pour voir jusqu’où elle pourrait aller. Si on lui propose de participer à une compétition mixte, Janja est enthousiaste… mais avec réserve. Elle souhaite que ce soit un moment de plaisir, une session de grimpe bon-enfant, et non un affrontement officiel. « Ce serait fun de grimper tous ensemble, hommes et femmes, mais pas en compétition officielle ».

© Emiliano Villani

Elle explique que dans un cadre officiel, la perception serait biaisée : « Si je gagne, certains diraient que c’est à cause du style de la voie ; si je perds, d’autres diraient qu’on savait que je n’étais pas assez forte. Parce que l’escalade est un sport si beau, avec tant de styles différents, parfois certaines voies avantagent plutôt les femmes, parfois les hommes. Et nous pouvons tous apprendre les uns des autres. Je ne veux donc pas gâcher cet équilibre. Parmi tous les sports au monde, je pense que l’écart entre hommes et femmes en escalade est vraiment très réduit ».

Si tu veux être fort en compétition aujourd’hui, tu dois t’entraîner en salle. Avant, on pouvait encore faire les deux, mais ce n’est plus possible.

Falaise ou compétition ? Les deux !

En matière de grimpe en extérieur, Janja explique que ses priorités ont évolué : « Ces dernières années, je me suis concentrée sur les compétitions et les Jeux Olympiques, mais cette année, j’ai passé plus de temps à grimper dehors, pour repousser mes limites ».

© Emiliano Villani

Janja apprécie autant la grimpe en compétition que sur le rocher, mais elle souligne les différences : « Pour être performant en compétition aujourd’hui, il faut s’entraîner sur des prises en résine, avec des volumes, des mouvements de coordination ou dans des dalles… On ne retrouve pas tout ça sur le rocher, c’est devenu deux disciplines à part ».

En falaise, le temps n’est jamais compté et l’expérience est plus relax. Cette année, elle consacre davantage de temps à l’extérieur, tout en continuant à préparer les compétitions. « J’aime les deux, mais au fond de moi, je reste une compétitrice. Depuis toute petite, j’ai été éduquée comme ça, et je pense que quand on est compétiteur, on le reste toujours. Mais c’est sûr que le jour où j’arrêterai ma carrière — ce n’est pas pour tout de suite ! —, je grimperai surtout dehors ».

Voyages, nouvelles destinations et projets rêvés

Grande voyageuse, Janja aime découvrir de nouveaux lieux, tester des cultures et surtout goûter à toutes les cuisines du monde. Parmi ses projets en falaise, elle rêve d’enchaîner « Bibliographie » à Céüse, une voie longue et exigeante. « « Bibliographie, c’est ma voie de rêve ! Elle compte environ 80 mouvements, elle est très longue, très difficile et très atypique. C’est vraiment une ligne que je souhaite réussir ».

© Coll. Garnbret

À Arco, avec « Excalibur » tout proche, la Slovène ne cache pas son intérêt pour le 9b+ : « Je reviendrai pour essayer, même si ce n’est pas une voie qui m’excite énormément… C’est court et ça ressemble presque à un bloc long plus qu’à une voie. Mais je reviendrai certainement pour essayer, c’est le 9b+ le plus près de chez moi ».


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Publié le : 19 novembre 2025 par Nicolas Mattuzzi

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