Suite à ce championnat du monde 2019, nous avons pu analyser d’un peu plus près le format retenu pour les JO, le combiné. Si aux premiers abords, on pourrait croire qu’il faut être très polyvalent pour avoir ses chances, ce n’est au final pas toujours le cas. Explications.
Quelques rappels s’imposent
Comme nous l’avons déjà expliqué de nombreuses fois, le classement du combiné s’obtient en multipliant les places obtenues sur les 3 disciplines: le bloc, la difficulté et la vitesse. Par exemple, si Janja Garnbret gagnait les 3 disciplines, son score final serait de 1x1x1 = 1, soit un meilleur score qu’Akiyo Noguchi qui ferait 2ème partout (2x2x2=8), l’objectif étant bien entendu d’obtenir le plus petit score au total.
Bon jusque là, rien de bien neuf. Maintenant imaginons les performances suivantes avec une grimpeuse ultra spécialiste dans une discipline, et une autre plutôt polyvalente dans toutes:
- La grimpeuse spécialiste gagne la difficulté, fait 30ème en bloc et 50ème en vitesse, soit un total de 1500 points
- La grimpeuse polyvalente prend la 15ème place dans toutes les disciplines (vitesse, bloc et difficulté), soit un total de 3375 points
Avant le calcul des points, on aurait pu croire que la polyvalence aurait payé, mais il n’en est rien puisque la grimpeuse polyvalente (dans ce cas précis) obtient un score deux fois plus élevé que la grimpeuse spécialiste. Attention cependant, nous parlons bien de spécialistes étant capables de remporter une épreuve.
Quoiqu’il en soit, pour une épreuve du combiné, ce système de comptage des points ne semble donc pas forcément toujours avantager la polyvalence, et ce au profit des grimpeurs spécialistes. Voici ci-après un exemple plus concret, et surtout réel.
Analyse de l’épreuve du combiné sur les championnats du monde 2019
Reprenons les résultats de ce championnat du monde…
Chez les femmes, il ne fallait pas dépasser les 420 points en qualifications pour aller jouer en finale, et pour les hommes, 432 points. Donc, avec 20 grimpeurs par sexe, si un grimpeur remportait sa discipline de prédilection et prenait la dernière place dans les 2 autres épreuves, il obtiendrait 20x20x1 = 400 points et serait donc rentré en finale! Et c’était d’ailleurs presque le cas de la grimpeuse de vitesse Aleksandra Miroslaw, qui, en qualif, gagne la vitesse, prend la 20ème place en difficulté et la 19ème en bloc, et qui prend son ticket pour la finale (et elle n’est même pas la dernière qualifiée!).
Alors oui on pourrait croire que ce format avantage les grimpeurs de vitesse, mais non, il avantage les purs spécialistes, que ce soit en bloc, en diff ou en vitesse, et nous irions même plus loin en disant qu’il avantage les purs spécialistes de bloc ou de difficulté… Pourquoi? Car il est plus simple d’être un pur spécialiste en difficulté et de sortir du lot en bloc ou vice versa, plutôt que d’être un pur spécialiste en vitesse et de sortir du lot en bloc ou en difficulté: on ne vous apprend rien, la vitesse est une discipline techniquement et physiquement éloignée du bloc et de la difficulté.
Et pourtant, si on regarde le classement final des championnats du monde du combiné, chez les hommes on retrouve un spécialiste de vitesse sur le podium avec Rishat Khaibullin qui prend la médaille de bronze. Mais ne vous y trompez pas, il termine sur le podium pour deux raisons: Il gagne certes la vitesse, mais il ne se laisse pas démonter en difficulté avec une 5ème position, et sans ça, il ne terminerait pas sur le podium… Donc spécialiste de vitesse certes, mais pas bon dernier en difficulté non plus.
Et si on analyse un peu plus finement les podiums de ces championnats du monde, Rishat est le seul spécialiste de vitesse qui répond présent. Tous les autres sont des spécialistes de la difficulté, du bloc, voir des 2 pour certain(e)s.
Autre analyse, pour être sur le podium du combiné, sur les 3 femmes et 3 hommes, seule Shauna Coxsey ne remporte pas une des 3 disciplines (sa meilleure performance est tout de même 2ème en vitesse):
Podium Femme du combine:
- Janja Garnbret remporte la difficulté
- Akiyo Noguchi remporte le bloc
- Shauna Coxsey 2ème en vitesse
Podium Homme du combiné:
- Tomoa Narasaki remporte le bloc
- Jakob Schubert remporte la difficulté
- Rishat Khaibullin remporte la vitesse
Pour résumer, cette épreuve du combiné semble donc bel et bien favoriser les ultras spécialistes d’une discipline puisqu’une victoire dans une des épreuves permet de monter très haut dans le classement. Et au regard de ce que nous avons vu précédemment, il semble plus facile pour le combiné d’être spécialiste de bloc ou de difficulté.
Mais si on y réfléchit bien, ce n’est pas plus mal pour le spectacle de retrouver nos spécialistes (vitesse bloc ou difficulté) habituels en haut du classement combiné, ne serait-ce que pour le spectacle.
À l’avenir, l’idéal serait donc sans doute pour les JO de différencier 4 disciplines, le bloc, la difficulté, la vitesse et le combiné, et, pour que le combiné récompense réellement la polyvalence, réfléchir à un autre système de comptage des points (en les additionnant au lieu de les multiplier? A voir…)