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Direction le Groenland pour une expédition hors du commun avec Symon Welfringer

© Coll. Symon Welfringer

Symon Welfringer, entourés de ses amis Matteo Della Bordella, Silvan Schupbach et Alex Gammeter, a passé 35 journées en autonomie totale pour parcourir plus de 450km en Kayak le long de la côte Est du Groenland.  Arrivé sur le Fjord espéré, l’équipe a réussi à ouvrir un Big Wall de très grande ampleur sur un sommet encore vierge. La paroi de 1200m les a amené à grimper des longueurs très techniques (35) jusqu’à 7b. Voici leur aventure, racontée pr Symon Welfringer. 


Du Népal au Groenland

Pour comprendre ce projet fou au Groenland, il faut remonter quelques mois en arrière. Mai 2024, Symon Welfringer se lance dans une expédition au Népal où il réussit, selon ses mots, « l’une des plus belles ouvertures de sa vie »  sur sur les pentes de l’Hungchi à 7029m. Accompagné de Charles Dubouloz, ils ouvrent « Le cavalier sans tête », itinéraire technique de 1700 mètres…

Un mois après son retour, Symon prépare déjà un nouveau projet d’ampleur. Boulimique de projets hors du commun, cette fois il décide de se consacrer d’avantage sur l’aventure que la performance.

C’est un rêve pour moi que de réussir à combiner ces deux types d’expéditions et réussir à mettre en place l’entraînement physique et mental adéquat pour mener à bien ces projets : l’aventure à l’état sauvage et la performance en altitude.

L’Aventure Nordique débute fin juillet

Mardi 31 juillet, côte Est du Groenland, direction le Cap Moesting 

Voilà maintenant une semaine que les 4 compères ont débuté leur périple en kayak pour essayer de rejoindre un Big Wall plus au Sud sur la côte. La météo et les conditions de mer ne leur auront pas fait de cadeau. Cette année, la quantité de glace en mer est la plus élevée depuis 20 ans. De nombreux passages sont encore bloqués par les icebergs, même à cette période de l’année, et il aura fallu se faufiler adroitement pour avancer. Malgré tout, ils réussissent à faire de belles journées de navigation et se rapprochent petit à petit du Fjord où se trouve le mur qu’ils convoitent pour grimper.

« Arrivés avant-hier sur une petite île, nous y attendons abrités aux abords d’une grotte, le passage d’une tempête. Même si elle était bien prévue par la météo, nous ne nous attendions pas à une telle intensité, et nos tentes peinent à tenir en place, plus de 100km/h de vent et une pluie continue, nous trouvons des emplacements de plus en plus abrités et espérons surtout que d’ici un jour ou deux nous pourrons songer à faire sécher nos affaires et reprendre nos Kayaks »

© Coll. Symon Welfringer

Vendredi 2 août, l’aventure reprend

Après avoir essuyé une belle tempête, les aventuriers retrouvent le bonheur partagé d’être à nouveau sur l’eau. Le Fjord de destination se rapproche, et la motivation est au beau fixe bien que quelques habits soient encore mouillés.

Samedi 3 août, on y est !

Après 10 journées bien intenses, les voilà arrivé à destination. « Ces journées de Kayak étaient déjà un réel accomplissement en soit au regard des conditions que nous avons rencontrées. Avoir réussi à parcourir une telle distance avec nos bateaux chargés est une belle perf. Maintenant place au repérage des lieux et au choix de la ligne que nous aimerions grimper. Le mur que nous visons semble vraiment long, peut-être entre 1200 et 1400m, mais quelques vires se dessinent, plutôt rassurant vu le matériel que nous avons. Nous prévoyons environ 6/7 jours de grimpe si la météo tient bon… »

Jeudi 8 août, la pluie est de retour

Le temps est très humide et cette vilaine petite pluie reste bien installée sur leur camp. Les cm2 de tissus secs commencent à se faire rare : une semaine bien humide sur Skjoldungen. Déjà 7 jours installés dans ce magnifique fjord mais peu d’avancements en termes de grimpe. La météo a été bien capricieuse et les 4 aventuriers ont seulement pu profiter de deux belles journées pour grimper.

Nous avons parcouru environ 500m sur notre mur où nous avons fixé une partie des longueurs pour être le plus efficace possible à la prochaine montée.

La face est immense avec sûrement plus de 1400m d’escalade, mais les longueurs se semblent pas extrêmes aux yeux de Symon. « Cela ne devrait pas dépasser le 7, du moins on l’espère. »

Déjà de superbes passages alternant fissures rectilignes et dalles techniques se dessinent. Ces deux derniers jours, c’est la neige qui s’est invitée aux alentours de 800/1000m, mettant leur patience à rude épreuve. Ayant emmené le stricte minimum dans leurs kayaks pour leur campement,  leurs envies de confort s’éloignent de jours en jours : duvets et vêtements mouillés, moustiques à volonté, panneaux solaires à l’arrêt. « La semaine qui arrive devrait nous libérer le créneau de 3/4 journées nécessaires à gravir ce mur vierge, cette idée nous tient en haleine et réchauffe nos corps à elle seule. »

© Coll. Symon Welfringer

Mercredi 14 août , 19h20

« Je peine à trouver le sommeil, le réveil est prévu pour 1h. Demain on part vers le mur. Ça va être quelque chose »

Lundi 19 août, jour 26 de l’expé, enfin de la réussite 

Aujourd’hui c’est l’anniversaire de Silvan et nos 4 aventuriers rentrent au camp avec un beau cadeau, fiers d’avoir atteint leur objectif. Après trois tentatives stoppées par la météo cette semaine, l’équipe  commençait à perdre espoir et la satisfaction de la réussite n’en est que plus belle.

D’abord c’est la neige qui a recouvert leur mur et rempli les fissures de glace, puis le vent leur aura fait faire demi tour et aura coûté la vie à quelques-unes de leurs cordes fixées sur le mur.

Finalement, à raison de patience, ils tentent un dernier essai avant la date imposée du retour, et la magie opère, la délivrance! Hormis le froid qui reste bien présent et aura rendu les bivouacs peu reposants, les conditions sont idéales. Ils progressent efficacement. Les voilà au sommet de cette face vierge de 1200m, après 35 longueurs, sûrement la plus belle vue qu’ils aient eu l’occasion d’observer entre océan et banquise qui s’étendent vers l’infini. « Nous terminons les rappels et nous voilà déjà à la tâche pour remplir à nouveau nos Kayaks et entamer le chemin du retour. Nous allons maintenant essayer de rattraper au mieux notre retard sur le planning de retour initial, la météo a l’air d’être à nouveau à nos côtés ».

Samedi 24 août, jour 31 de l’expé, vers Otte Krumpens Fjord

« Il y a deux semaines nous avons vu pour la première fois un ours polaire autour du camp, il avait gardé ses distances et paraissait très calme. Il y a 4 jours, lorsque nous préparions nos kayaks au retour, il est réapparu. Cette fois beaucoup plus proche et plus agressif. Quelques coups de fusil dans les airs et nos cris ont suffit à l’éloigner mais depuis, nous restons sur nos gardes. La région est connue pour ça et ils peuvent parcourir plus de 50km par jours. Depuis, toutes les nuits, à tour de rôle nous tenons la garde, 3h chacun. La fatigue s’intensifie mais les conditions pour le Kayak sont clémentes, les journées sont longues mais les paysages d’autant plus beaux. La fin de notre périple approche ! »

Lundi 26 août, la quintessence

« J’aime cet état. Usé, fatigué. 33 jours, seuls face aux éléments, dans l’immensité et la beauté des paysages Groenlandais. Seule une petite brise nous sort de nos pensées. Je suis déjà mélancolique d’une liberté éphémère. Le retour à la norme est comme un choc, mettre des mots sur les images, s’efforcer de raconter. Laisser les aurores boréales nous bercer, une dernière fois »

Mercredi 28, jour 35

« La fin. Je me suis payé un pack de bières au Duty free de Reykjavik. Je le sirote tranquillou dans l’avion qui m’emmène à Lyon via Vienne.

Mes pensées s’émoustillent à mesure que les canettes disparaissent.

La mélancolie m’envahit.

Souvenir d’une beauté passée, quête de liberté.

Je trie les images de notre voyage, chacune ramène à une sensation plus qu’à un souvenir.

Un inconfort qui paraissait désagréable devient aujourd’hui un manque.

Donner un sens.

Grimper , pagayer, certes.  Mais que cherche-t-on par là-bas ?

Pourquoi se différencier, chercher l’inconnu, le danger, la peur ?

Se sentir vivre.

J’en prends une dernière et j’arrête. Promis. »

Publié le : 05 octobre 2024 par Charles Loury

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