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Compétition de bloc: la guerre des systèmes de résultat…

- Le 08 février 2018 -

© Greg Mionske

Quoi de moins compréhensible qu’une feuille de résultats qui affiche 3t5 4b8 ? Le grimpeur ayant fait ce score est classé devant celui qui a fait 2t7 2b3, mais derrière celui qui compte 3t4 4b7.

Imaginez maintenant une liste de résultats longue d’une centaine d’entrées comme celles-ci, tel que c’est souvent le cas en compétition… Et vous obtenez un bon mal de tête à essayer de chercher le pourquoi du comment qui différencie tel et tel grimpeur.

Pire encore, mettez-vous maintenant à la place du néophyte, qui allume sa télévision dans deux ans, et tombe en pleine épreuve de bloc lors des Jeux Olympiques de Tokyo. Impossible pour lui de comprendre un tel système de classement.

En course à pied, c’est celui qui signe le meilleur temps qui l’emporte.
Au hand, c’est l’équipe qui marque le plus de buts.
Au tir, celui qui a le plus de points.
Mais en bloc, c’est celui qui compte le plus de tops, avec le moins d’essais possible tout en ayant un nombre de prises de zone validées élevé, le tout en moins d’essais également que ses concurrents. Quatre chiffres, deux lettres, quatre paramètres différents, pour un seul résultat. Sans parler du fait qu’aux J.O, tout ceci sera ensuite remixé, pour obtenir un classement combiné des trois disciplines.

Sur chaque compétition, les commentateurs et speakers appréhendent toujours le moment où ils doivent expliquer à un public parfois novice, ce fameux système de score qui permet de départager les grimpeurs.

Bien comprendre le système de classement

Si vous-même n’êtes pas totalement au point sur le système de score en bloc, petite piqûre de rappel :

Prenons un exemple concret : sur le classement des qualifications des Championnats du Monde de bloc 2016 à Paris, voici le score qui est associé à Alban Levier : 5t5 5b5.

5t5 5b5 est le résultat d’Alban à l’issue de son circuit de qualification. Analysons un peu plus en détail la signification de ce résultat :

 

Ce premier chiffre correspond au nombre de blocs qu’Alban a validé. En qualification des Championnats du Monde, cinq blocs sont tracés pour départager les compétiteurs. Ici, Alban est monté au sommet de tous les blocs. 5t signifie 5 tops.

 

Le chiffre qui suit juste après correspond au nombre d’essais qu’il a fallu à Alban pour enchaîner ces cinq blocs.
Ici, il a mis cinq essais pour enchaîner les cinq blocs. Cela veut donc dire qu’il a mis un essai dans chaque bloc pour les enchaîner. En d’autres termes, il a sorti les cinq blocs à vue.

 

Les deux derniers chiffres concernent les prises de zone. Comme il arrive souvent que les grimpeurs enchaînent le même nombre de blocs en même nombre d’essais, il a fallu trouver une solution pour les départager. Il s’agit des prises de zone. Ce sont ces fameuses prises marquées d’un scotch, souvent situées au milieu des blocs. On considère un peu cette prise comme un top intermédiaire, un checkpoint. Le but est bien sûr de comptabiliser le plus grand nombre de prises de zone, en moins d’essais possible.

Dans notre exemple, Alban a validé les cinq zones en cinq essais.

5T5 5B5 est donc le score parfait. Cela signifie que l’on a sorti les cinq blocs à vue.


Petit exercice pour vérifier votre bonne compréhension du système :

  • Le grimpeur A compte 3t4 3b7
  • Le grimpeur B compte 3t6 4b3

Qui est devant au classement ?

∀ ɹnǝdɯıɹƃ ǝן :ǝsuodǝᴚ


L’IFSC change les règles

Si vous êtes compétiteurs, vous n’êtes pas sans savoir que le système de résultat vient tout récemment d’être modifié. Si vous avez déjà participé aux Championnats régionaux de bloc qui ont lieu en ce moment partout en France, vous avez même dû expérimenter pour la première fois ce nouveau classement.

Et pour cause, les membres du comité directeur de l’IFSC, la fédération internationale de l’escalade, ont décidé de modifier la façon de prioriser la performance des bloqueurs en compétition.

© Vladek Zuma

Comme dit précédemment, avant, le nombre de tops était le critère le plus important, suivi directement du nombre d’essais nécessaires pour enchaîner les blocs. Puis, on comptait le nombre de prises de zone validé, et enfin intervenait le dernier critère : le nombre d’essais pour valider les prises de zone.

Jusqu’à maintenant donc, un grimpeur A qui enchaînait 2 blocs à vue, mais qui ne bougeait pas dans les deux derniers blocs de finale était mieux classé qu’un grimpeur B, qui enchaînait 2 blocs en trois essais, mais qui chutait au sommet des deux derniers blocs, ayant réussi à atteindre les prises de zone, et donc, à monter plus haut que le grimpeur A.

C’est justement afin de valoriser l’escalade et la montée dans les blocs que la fédération internationale a décidé de changer le degré d’importance des quatre critères.

Pour reprendre notre exemple précédent, aujourd’hui, le grimpeur B serait mieux classé que le grimpeur A.

Pourquoi ? Car le nombre de prises de zone validées devient le deuxième critère le plus important. Bien sûr, le nombre de top reste l’élément le plus important. Mais au lieu de regarder dans un second temps le nombre d’essais pour toper les blocs, on compte maintenant le nombre de prises de zone que le grimpeur a validé. En cas d’égalité, on regarde ensuite le nombre d’essais pour valider les blocs, puis le nombre d’essais pour valider les zones.

Aujourd’hui, sortir un bloc à vue a moins d’importance que d’être capable de sortir un bloc en 5 essais et grimper jusqu’aux prises de zone de tous les autres  blocs.

Grâce à cette nouvelle priorisation des critères, l’escalade est donc plus valorisée.

Le système de points américain

Bien que la plupart des fédérations nationales appliquent le même système de classement que la fédération internationale, rien ne les oblige de le faire.

Ainsi, c’est pour cette raison que depuis de nombreuses années, la fédération américaine a choisi un tout autre système de classement pour ses compétitions de bloc. Avantage : leur système est unique et semble bien fonctionner. Inconvénient : les athlètes américains qui participent aux Coupes du Monde ou à d’autres compétitions internationales doivent se rappeler que le système n’est pas le même que le leur.

Pourtant, le système US semble bien plus intéressant… Voici un extrait du document officiel des règles en compétition de bloc :

« Le système de score vise à fournir un classement clair et simple pour les compétiteurs et les spectateurs. Dans un contexte où les règles du bloc sont compliquées, les objectifs généraux du système de score sont :
– Créer un classement équitable du point de vue des compétiteurs et du public
– Présenter le classement d’une manière simple et facile à comprendre et à suivre à la fois pendant le déroulement de la compétition qu’à la fin de celle-ci. »

Explications détaillées de ce fameux système de score :

Aux États-Unis, un bloc de compétition est divisé en quatre parties. Premièrement, seules les prises de main sont identifiées pour le départ. Les grimpeurs sont libres de mettre leurs pieds où bon leur semble. Un top vaut 25 points et entre les prises de départ et la prise de fin, on vient identifier trois prises de zone : une première qui vaut 5 points une fois atteinte, une autre, située plus haut, qui vaut 10 points et enfin, une dernière prise de zone, positionnée sous la prise finale, qui rapporte 15 points.

Ainsi, si le grimpeur sort le bloc, il obtient un score de 25 points. S’il n’enchaîne pas le bloc il obtient 5, 10 ou 15 points, selon la prise de zone la plus haute qu’il a atteint. Enfin, si le compétiteur ne parvient pas à grimper jusqu’à la première prise de zone, on lui affecte 0 point.

© Greg Mionske

Dans ce système-là, la grimpe est vraiment valorisée. On se rapproche presque du classement établi en difficulté, où chaque prise compte. Là, le système ne va tout de même pas aussi loin… Car compter toutes les prises serait trop long et compliqué, et un bloc constitué simplement d’un jeté serait moins valorisé qu’un long bloc composé de beaucoup de prises.

Ce système de score américain est le système le plus moderne qu’il existe pour le moment. Tout est pris en considération : les tops, les prises de zone et le nombre d’essais. Car à chaque essai, on soustrait 0.1 point au grimpeur.

– Si le grimpeur sort le bloc à vue : 25 points
– Si le grimpeur sort le bloc lors de son deuxième essai : 24.9 points
– Si le grimpeur sort le bloc lors de son troisième essai : 24.8 points

Cerise sur le gâteau, le score de chaque grimpeur est donc un simple nombre. Ainsi, il est aisé de classer et départager les compétiteurs suivant leur nombre de points. Par exemple, Nathaniel Coleman, sacré champion américain de bloc le week-end dernier à Salt Lake City, a fait un score de 100 points en finale. Il a sorti les quatre blocs à vue : 4 x 25 = 100 points

Simple. Efficace.

D’autant plus qu’il est intéressant de remarquer le fait que le classement des Championnats américains de bloc 2018 aurait été bien différent s’ils avaient utilisé le système de classement de l’IFSC.
Ce n’est pas Alex Puccio qui aurait gagné, mais Ashima Shiraishi. D’ailleurs Alex n’aurait même pas terminé deuxième, mais troisième. En effet, les deux grimpeuses ont sorti le même nombre de blocs, mais Alex a validé deux zones de plus, tandis qu’Ashima a mis moins d’essais.

© Greg Mionske

Chez PG, nous pensons que la fédération internationale devrait s’inspirer de ce système. Plus simple, plus valorisant pour les grimpeurs et surtout, plus facilement compréhensible par tous.

Bien qu’ayant récemment modifié son système de classement, l’IFSC n’a pas encore garanti le fait que c’est celui-ci qui sera utilisé pour les Jeux Olympiques. Rien n’est définitif et tout peut encore évoluer.

Sinon, pour éviter tous problèmes, on vous conseille d’enchaîner tous les blocs… à vue !

Publié le : 08 février 2018 par Nicolas Mattuzzi

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