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Budget du sport en France sacrifié : quelles conséquences pour l’escalade ?

- Le 31 août 2025 -

Le mur d'Oloron Sainte Marie

Un an après les Jeux Olympiques de Paris qui ont fait vibrer le pays et placé la France sous les projecteurs, la ferveur populaire est encore palpable. Pourtant, au lieu de capitaliser sur cet élan historique pour renforcer la place du sport dans notre société, le gouvernement choisit une direction opposée. Le budget consacré au sport subit des coupes sévères et répétées, mettant en péril tout un écosystème.

Clubs en difficulté, projets d’infrastructures gelés, haut niveau fragilisé à long terme, et accès à la pratique sportive pour tous menacé : les conséquences sont nombreuses et alarmantes. Dans ce contexte, notre discipline, en plein essor depuis son entrée aux Jeux, risque d’en payer un lourd tribut.


Un contexte budgétaire alarmant pour le sport français

Souvenez-vous : quelques mois après les Jeux, nous assistions à une levée de bouclier de bon nombre d’athlètes français suite à l’annonce du budget pour 2025. Le ministère des sports, de la jeunesse et de la vie associative, annonçait le 10 octobre dernier une forte baisse du budget des sports dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025. Les crédits alloués au sport étaient alors amputés de 268 millions d’euros (soit une baisse globale de -24,9 %).

J’ai beaucoup de mal à comprendre ce genre de décision. Je crois que tout a démontré que le sport est fondamental, très utile à la société parce qu’il est vecteur de mixité sociale, de respect, de santé, d’excellence.

Il y a quelques semaines, le premier ministre François Bayrou annonçait le budget prévisionnel pour 2026, et le sport n’aura à nouveau pas été épargné, avec une nouvelle forte baisse de presque 18%. Notons tout de même que le ministère des Sports représente l’un des plus petits budgets de l’État, 0,2 %…

Un an tout pile après les JO, les voix continuent de s’élever pour dénoncer un sport sacrifié. Le patron des Jeux de Paris, Tony Estanguet lui-même, s’exprimait au micro de FranceInfo en marge de la cérémonie d’anniversaire de l’ouverture des Jeux parisiens: « J’ai beaucoup de mal à comprendre ce genre de décision. Je crois que tout a démontré que le sport est fondamental, très utile à la société parce qu’il est vecteur de mixité sociale, de respect, de santé, d’excellence. »

Zélia Avezou, JO Paris 2024 | © Planetgrimpe

Alain Carriere, président de la FFME, est du même avis: « Tout le monde est conscient qu’il y a des efforts à faire sur le budget de la France, mais un tel coup de rabot laisse sous-entendre que le sport est accessoire. »

L’incompréhension est encore plus forte lorsque l’on sait que, selon une étude conjointe du Centre de Droit et d’Économie du Sport (CDES) et de l’Observatoire des Métiers du Sport (CPNEF-AFDAS), chaque euro investi dans le sport permettrait à la collectivité d’économiser environ 13 € en dépenses sociales et publiques (santé, éducation, cohésion sociale…). Le sport produit ainsi des effets positifs mesurables, que la société n’a plus à financer directement.

Des infrastructures d’escalade sous tension et des clubs fragilisés

Ces dernières années, les murs d’escalade se sont multipliés dans les complexes sportifs publics. « Aujourd’hui, lorsqu’une collectivité construit un nouvel équipement, elle pense presque toujours à intégrer un mur. Il y a quinze ans, c’était loin d’être évident  », souligne Alain Carrière.

Mais cette dynamique risque de ralentir. La baisse des budgets alloués au sport, associée à un recul du soutien financier de l’État aux collectivités, pourrait freiner la création de nouvelles infrastructures, y compris pour l’escalade. Un paradoxe : depuis son entrée aux JO de Tokyo, la discipline jouit d’une visibilité inédite, mais faute de murs en nombre suffisant, les clubs doivent parfois refuser des licenciés.

Le Cime, un immense complexe d’escalade construit à Troyes.

Autre difficulté : recruter et rémunérer des encadrants qualifiés. Les clubs aux moyens limités sont les premiers à souffrir de cette situation. La baisse des budgets crée un cercle vicieux : pas assez d’argent pour embaucher, donc moins d’activités, ce qui freine l’arrivée de nouveaux licenciés… et réduit encore les ressources. Heureusement, les clubs peuvent compter sur l’engagement de nombreux bénévoles, mais ceux-ci ne peuvent pas porter à eux seuls l’ensemble des difficultés.

Les grandes structures, comme le club de Mineral Spirit à Valence par exemple, — qui exploite la Cité de l’Escalade et dépend très peu des subventions publiques — s’en sortent mieux. Mais ce modèle reste rare en France.

Pour le président de la FFME, le message envoyé par la baisse du budget du sport est préoccupant. De plus, si la FFME enregistre depuis vingt ans une croissance annuelle de 4 à 5 % de ses licenciés, cette progression aurait pu être plus forte sans ces freins successifs, et notamment depuis l’ère olympique.

Le haut niveau va-t-il en pâtir ?

Alain Carrière le répète, le haut niveau et la pratique loisir ne s’opposent pas : ils se nourrissent mutuellement. « Le haut niveau donne à l’escalade une visibilité médiatique qui attire de nouveaux pratiquants vers les clubs ; et c’est la vitalité des clubs qui permet de faire émerger les champions de demain. »

En 2025, les aides de l’État représentent environ 10 % du budget fédéral, et sont presque exclusivement dédiées haut niveau. Elles ont même été ponctuellement renforcées cette année, en raison des JO d’hiver 2026 et des espoirs de médailles en ski-alpinisme. Mais cette hausse est conjoncturelle. Or, comme le rappelle Alain Carrière, « les Jeux ne se préparent pas en un an ». Pour viser Los Angeles 2028 ou Brisbane 2032, il faudrait investir dès aujourd’hui dans la préparation des athlètes et dans des infrastructures d’entraînement performantes.

Le haut niveau donne à l’escalade une visibilité médiatique qui attire de nouveaux pratiquants vers les clubs ; et c’est la vitalité des clubs qui permet de faire émerger les champions de demain.

Faute d’engagement public sur le long terme, la FFME doit financer une partie de cet effort sur ses fonds propres, ce qui entraîne déjà des répercussions : la licence augmentera de 10 € dès septembre pour la saison 2025-2026.

Les murs extérieurs du pôle France à Voiron | © FFME

Si les coupes budgétaires se poursuivent, c’est la compétitivité française sur la scène internationale qui sera menacée. Après Paris 2024, qui devait être un tremplin pour structurer l’élite et populariser la discipline, l’impression est amère : moins de moyens, plus d’obstacles, et un rendez-vous manqué pour l’escalade française.

Conséquences sociales : l’escalade moins accessible pour tous

Ici, nous allons plus particulièrement aborder les diminutions de budget liées au Pass’Sport. Pour rappel, le Pass’Sport est une aide financière de 50 € destinée à faciliter l’inscription d’un jeune dans un club sportif affilié. Il est attribué sous conditions de ressources, et notamment aux bénéficiaires :

  • de l’allocation de rentrée scolaire (ARS),
  • de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH),
  • de l’allocation adulte handicapé (AAH, pour les 16–30 ans),
  • ou aux étudiants boursiers.

L’objectif affiché, est de réduire le coût de l’adhésion à un club, qui peut représenter une barrière importante pour les familles modestes, et il s’agissait là d’une belle promesse de sport pour toutes et tous.

Hélas, le budget du Pass’Sport qui était de 100 millions d’euros en 2022, puis 85 millions en 2023 et 2024,  a finalement atteint 74,5 millions en 2025. Au delà de ces baisses successives, le Pass’sport était initialement ouvert à tous les jeunes entre 6 et 30 ans sous conditions de ressources.

Pour la saison 2025-2026, plusieurs modifications s’opèrent et les nouveaux critères d’éligibilité sont les suivants:

  • Jeunes 14‑17 ans bénéficiaires de l’ARS,
  • Allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH),
  • 16‑30 ans en situation de handicap (AAH),
  • Étudiants boursiers de moins de 28 ans.

Le ministère des sports justifie ces nouveaux critères de la façon suivante:  « le dispositif est ainsi plus ciblé à l’âge où la pratique sportive des jeunes décroche, autour de 14 ans. » Pour que vous puissiez vous faire une idée sur les réelles intentions de l’état, sachez que les jeunes de 6 à 13 ans, jusqu’alors éligibles via l’ARS, et qui sont désormais exclus du dispositif, représentaient environ 80 % des bénéficiaires (en 2024, environ 1,38 million de jeunes ont bénéficié du Pass’Sport en France).  Pour faire passer la pilule, le gouvernement augmente le montant de l’aide à 70€ par enfant, cela nous laisse sans voix.

Concrètement, c’est plus d’un million de jeunes qui n’auront plus accès au Pass’Sport pour la rentrée 2025 (tout sport confondu, les chiffres par discipline n’ont pas été communiqués aux fédérations).

Alors que l’effet des JO se mesure par une attraction toujours plus forte dans les clubs d’escalade, de nombreuses familles vont devoir renoncer à inscrire leurs enfants. L’escalade pour toutes et tous s’éloigne un peu plus, et plusieurs clubs que nous avons contactés semblent inquiets si rien ne bouge sur ce sujet.

Pour conclure…

Loin d’être une dépense accessoire, le sport devrait constituer un investissement stratégique pour la société. Les coupes budgétaires actuelles fragilisent un écosystème déjà sous tension : infrastructures à l’arrêt, clubs en difficulté, encadrement insuffisant, haut niveau menacé et accès restreint pour les jeunes issus de milieux défavorisés.

L’escalade, actuellement en pleine expansion, risque de voir sa dynamique freinée au moment même où son potentiel d’attractivité est le plus fort. Après l’élan historique des Jeux de Paris 2024, la France est loin de l’héritage sportif qu’elle s’était promis de construire. Reste à espérer que la mobilisation des fédérations et des athlètes pro rappellera aux décideurs qu’investir dans le sport, c’est investir dans la santé, la cohésion et l’avenir…

Publié le : 31 août 2025 par Charles Loury

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