Une nouvelle saison internationale s’est achevée il y a quelques semaines en Chine avec les dernières étapes de coupe du monde de difficulté et de vitesse. Il est donc temps pour nous de faire un petit bilan de cette saison en terme de résultats. En guise d’introduction, nous vous laissons juger par vous même cette petite statistique: toutes disciplines confondues, sur les coupes du mondes et les championnats du monde (hors combiné et hors handi-grimpe), la France récolte cette année 14 médailles (1 en bloc, 3 en diff, 10 en vitesse) et 48 finalistes (merci à la vitesse!). Le Japon quant à lui culmine à 26 médailles et 65 finalistes uniquement en diff et en bloc. Une différence énorme qui n’est pas sans poser de questions…
Nous allons donc tenter, à travers cet article, de vous éclairer sur les résultats des Français, d’analyser, de comprendre, et de soulever certaines questions qui nous semblent importantes.
Il ne s’agit ici de polémiquer, mais bel et bien de mettre en lumière certaines idées, et tout simplement de s’interroger. Dans un prochain dossier, nous irons d’ailleurs à la rencontre de certains protagonistes afin de multiplier les points de vue. À suivre donc!
Les statistiques de la saison internationale
Pour démarrer nous vous proposons un petit récapitulatif des résultats internationaux de l’équipe de France cette saison, que ce soit en bloc, en difficulté ou en vitesse.
La saison de bloc: 7 étapes, 1 seul podium international pour la France en coupe du monde
- Meringen: 2 finalistes (Micka Mawem et Fanny Gibert), 0 podium
- Moscou: 1 finaliste (Fanny), 0 podium
- Chongqing: 0 finaliste
- Tai’an: 1 finaliste (Fanny), 1 podium (Fanny, 3ème)
- Haichioji: 0 finaliste
- Vail: 1 finaliste (Fanny), 0 podium
- Munich: 2 finalistes (Micka et Fanny), 0 podium
Championnat du monde: 0 finaliste
La saison de difficulté: 7 étapes, 3 podiums internationaux pour la France en coupe du monde
- Villars: 2 finalistes (Romain Desgranges et Manon Hily), 1 podium (Romain, 2ème)
- Chamonix: 0 finalistes
- Briançon: 3 finalistes (Romain, Thomas Joannes, Nolwenn Arc), 1 podium (Romain, 2ème)
- Arco: 2 finalistes (Hélène Janicot et Manon), 0 podium
- Kranj: 0 finalistes
- Wujiang: 2 « finalistes » (Romain et Manon), 1 podium (Romain, 1er)
- Xiamen: 1 finaliste, 0 podium
Championnat du monde: 0 finaliste
La saison de vitesse: 8 étapes, 10 podiums internationaux pour la France en coupe du monde
- Moscou: 3 finalistes (Anouck Jaubert, Aurélia Sarisson, Elma Fleuret), 1 podium (Anouck, 1ère)
- Chongqing: 3 finalistes (Anouck, Victoire Andrier, Bassa Mawem), 0 podium
- Tai’an: 4 finalistes (Anouck, Bassa, Victoire, Aurélia), 2 podiums (Anouck et Bassa , 1ers)
- Villars: 6 finalistes (Guillaume Moro, Victoire, Anouck, Aurélia, Elma, Bassa), 2 podium (Anouck, 1ère et Victoire, 2ème)
- Chamonix: 5 finalistes (Anouck, Victoire, Aurélia, Bassa, Guillaume), 1 podium (Bassa, 3ème)
- Arco: 4 finalistes (Anouck, Bassa, Victoire, Capucine Viglione), 1 podium (Anouck, 3ème)
- Wujiang: 4 finalistes (Anouck, Victoire, Aurélia, Bassa), 1 podium (Anouck, 2ème)
- Xiamen: 4 finalistes (Anouck, Victoire, Guillaume, Bassa) et 2 prodiums (Anouck 2ème et Bassa 1er)
Championnat du monde: 1 podium (Bassa, 2ème)
Des critères trop strictes et une pression trop forte?
On peut se poser la question de savoir comment une nation comme la France, aussi dynamique dans le milieu de l’escalade, ne parvient pas à sortir de nombreux athlètes du lot (nous entendons par là des finalistes et/ou des podiums)? Nous insistons sur le terme « nombreux », car effectivement, quelques athlètes français se distinguent cette année (en terme de résultats purs): Romain Desgranges en diff, Fanny Gibert en bloc, Bassa Mawem et Anouck Jaubert en vitesse, qui sont le reflet de l’élitisme souhaité par la FFME. Nous parlons d’élitisme ici car l’accès aux étapes de coupes du monde est sans cesse remis en cause avec des critères toujours plus difficiles. Prenons pour exemple Romain Desgranges: ce dernier remporte le classement général des coupes du monde en 2017, mais n’est pas qualifié d’office pour tout le circuit 2018 (avec ce système, on sous-entend qu’il doit encore faire ses preuves, ce qui implique finalement de toujours grimper avec la pression de ne pas se qualifier pour la suite de la saison). Cette recherche d’élitisme met les athlètes sous pression, et par exemple, on se retrouve également avec une Julia Chanourdie hors jeu (bien qu’elle semblait la mieux placée pour défendre les couleurs de la France à l’international).
Certains nous diront qu’un athlète de haut niveau doit résister à la pression. Certes, mais il doit également être mis dans les meilleures conditions pour performer. Manon Hily en est un exemple frappant! Elle réalise cette année une très belle saison internationale avec ce rôle « d’outsider » qui lui permet de grimper plus aisément et sans pression. On peut alors se poser la question de l’avenir… Réussira-t-elle à se libérer autant l’année prochaine sans ce rôle d’outsider, avec des objectifs internationaux, et une pression sur les épaules à chaque étape? Affaire à suivre, quoiqu’il en soit nous lui souhaitons bien entendu le meilleur…!
Une équipe qui n’en est pas une?
Il suffit de faire les comptes dans une discipline pour se rendre compte que les critères sont trop strictes et ne permettent pas à la France d’engager de nombreux athlètes à l’international: sur la première étape de coupe du monde de bloc, à Meringen en Suisse, 13 français étaient au départ, contre 21 Japonais qui avaient fait le déplacement…! Pour vous donner une autre idée, sur l’étape japonaise nous avions 4 français (peut-on toujours parler d’équipe?) et 38 Japonais (coupe du monde à domicile oblige!). Histoire de comparer avec des pays plus proches de nous, l’Allemagne a envoyé 10 grimpeurs au Japon, la Grande Bretagne 8, ce qui nous semble être un minimum pour créer de la cohésion et de l’émulation au sein d’une équipe. Cette situation est dû aux critères de sélection qui, au fil des étapes, mettent la plupart des grimpeurs sur le carreau, comme nous l’avons vu précédemment. Pour être tout à fait précis, seules les étapes Américaines et Japonaises ont été très peu représentées par la France, ce qui, avouons-le, est déjà un beau progrès comparé aux année précédentes. Mais il reste encore beaucoup de chemin à accomplir, notamment pour permettre à plus de jeunes de venir se former en coupe du monde. Voici le classement des pays les plus représentés sur une étape Japonaise (5ème étape) puis sur une étape Européenne (Meringen, 1ère étape): Le constat est sans appel, le Japon se déplace réellement en équipe (et ce sur chaque étape), et visiblement ça paye…! L’émulation qui règne au sein de l’équipe Japonaise fait la différence sur la scène internationale. Alors bien entendu, il ne suffit pas de sélectionner 12 athlètes pour atteindre des résultats satisfaisants (nous reviendrons sur les quotas possibles un peu plus bas…) , mais disons que ce mode de fonctionnement y participe. Selon l’adage, c’est en forgeant qu’on devient forgeron, et le haut niveau ne coupe pas à cette règle! En effet, faire ses armes à l’international nous semble primordial pour avoir de bons résultats, et actuellement, le système de sélection ne permet qu’à une très petite élite d’aller tenter sa chance sur toutes les étapes.
Les quotas sont ils illimités en coupe du monde?
Bon c’est bien beau de parler de l’équipe Japonaise qui loue un airbus à chaque déplacement, mais l’équipe de France peut-elle faire la même chose? Pour y répondre, nous avons fouiner dans les règles de l’IFSC, et voici quelques explications… Sur les étapes de coupe du monde, les nations peuvent sélectionner au maximum 6 femmes et 6 hommes. Lorsque la compétition se déroule à domicile (en France par exemple), les quotas passent à 18 femmes et 18 hommes, soit 36 grimpeurs au total. À ces quotas peuvent s’ajouter les champions du monde et les champions continentaux (jeunes et seniors) dans la discipline en question (au début de la saison), les champions du mondes ou continentaux du combiné, et enfin les grimpeurs parmi les 10 premiers du classement mondial en début de saison. Voilà comment le Japon parvient à déplacer une équipe de 22 grimpeurs en Suisse par exemple!
Donc si vous avez bien suivi, la France ne peut guère emmener plus de 12 grimpeurs à l’étranger. Si on prend l’exemple de la difficulté cette fois, et qu’on regarde les deux dernières étapes Chinoises, seulement 4 français étaient sélectionnés (sur 12 possibles), 15 Japonais (oui le trajet est moins long me direz-vous…) mais 8 Autrichiens ont fait le voyage par exemple. L’exemple le plus flagrant (et le plus inquiétant) se voit sur les étapes françaises… Prenons l’exemple de Briançon, où 20 grimpeurs français étaient sélectionnés. Pas mal me direz-vous, sauf que le quota maximum est de 36 pour rappel. Donc nous nous posons la question de savoir pourquoi les quotas, au moins à domicile, ne sont pas plus remplis? N’avons-nous pas de compétiteurs forts et motivés pour venir se tester en coupe du monde, et progresser par la même occasion? Les Japonais avaient quant à eux rempli leur quota sur l’étape Briançonnaise, avec 12 grimpeurs au départ.
La vitesse, l’exception qui confirme la règle?
Nous avons beaucoup parlé de la difficulté et du bloc, avec des résultats en demi-teinte. La vitesse est la discipline cette année où la France aura le plus brillé, notamment grâce à 2 grimpeurs qui font la différence, Anouck Jaubert et Bassa Mawem. Effectivement, aux premiers abords, 10 médailles pour 8 étapes est un très bon score. Mais derrière cette élite, la France a-t-elle de la ressource? Chez les femmes, on peut dire que oui, avec la montée en puissance d’Aurélia Sarisson et Victoire Andrier qui participent régulièrement aux phases finales, et qui sont, sans doute, tirées vers le haut par Anouck Jaubert. Chez les hommes, c’est un peu moins flagrant, seul Bassa Mawem parvient à de très bons résultats régulièrement. Certes les résultats sont excellents en vitesse (avec Anouck Jaubert et Bassa Mawem sur le toit du monde en remportant tous les 2 le classement de la coupe du monde 2018), mais, tout comme en diff ou en bloc, pourquoi ne mise-t-on pas sur l’avenir en remplissant pleinement les quotas pour tirer plus de monde vers le haut en profitant de cette superbe émulation d’équipe? Nous irons à la rencontre de la FFME pour avoir certaines réponses prochainement.
Les grimpeurs spécialistes laissés de côté au profit du combiné?
Autre point noir cette année, cette amertume ressentie par plusieurs grimpeurs spécialistes d’une discipline suite aux sélections des équipe de France. En effet, comme nous l’avons dit plus haut, les critères sont tellement élevés que nous nous retrouvons rapidement avec peu de grimpeurs sélectionnés sur les dernières étapes. Par exemple, sur les 2 dernières étapes Chinoises en diff, la France avait certes 4 engagés, mais seulement 2 spécialistes de la diff, à savoir Romain Desgranges et Manon Hily. Les 2 autres grimpeurs, Fanny Gibert et Anouck Jaubert, participaient pour se former dans une autre discipline que la leur, en vue d’une préparation olympique. Le critère retenu étant celui-ci: « Sélections nominatives relatives à une stratégie de préparation ou de qualification olympique sur proposition de la commission de sélection. »
Pour nous, cette sélection d’Anouck et Fanny est une bonne chose, car comme on le disait plus haut, il est important de faire ses armes. Mais pourquoi cette optique n’est-elle pas appliquée également aux spécialistes de la discipline? Thomas Joannes? Salomé Romain? Julia Chanourdie? Mathilde Becerra? Nina Arthaud? Nao Monchois? etc… Beaucoup de questions restent actuellement sans réponse, mais nous irons à la rencontre de certains protagonistes du haut niveau en France (FFME, entraîneurs, athlètes …) afin de connaître également leur point de vue pour tenter d’apporter certaines réponses.