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Analyse des OQS : l’oeil de Laurent Lagarrigue, coordinateur olympique de l’équipe de France

Alors que la première manche des OQS s’est achevée dimanche, nous sommes allés à la rencontre de Laurent Lagarrigue, coordinateur de la préparation olympique au sein de l’équipe de France. Présent à Shanghai tout au long de la compétition, Laurent avoue avoir vécu des émotions fortes aux côtés de nos athlètes tricolores !

Alors que cinq Bleus ont terminé dans le top 15 de la compétition (Manon Hily, Zelia Avezou, Mejdi Schalck, Sam Avezou et Paul Jenft), marquant de précieux points dans la course aux Jeux, Laurent a accepté de revenir pour nous sur cette première manche, où la pression était palpable.

Que retenir de cette compétition ? Comment analyser la performance de nos Français ? Quels sont les axes d’amélioration avant la deuxième manche des OQS le mois prochain ? Réponses du coordinateur olympique.


Salut Laurent, tout d’abord, comment se sont déroulés ces derniers jours sur place à Shanghai ?

Il y a eu des tempos très différents au fil de la compétition. On a eu des phases de qualification et de demi-finale vraiment très denses et stressantes, puis, ça s’est un peu relâché sur les phases finales, car la course aux points était déjà bien avancée pour ceux qui accédaient à la finale (malgré les enjeux pour les places d’honneur). La dynamique était donc bien différente au fil de la semaine.

Si toutefois on devait caractériser ces derniers jours sur place en un seul mot, ce serait « endurance », ou même « résistance ». L’enchaînement des épreuves, la pression, la chaleur ambiante, tout cela faisait partie de l’équation. On le savait avant de partir à Shanghai mais tout le monde s’est fait un peu surprendre malgré tout.

De ton œil d’entraîneur, que retiens-tu de cet OQS ?

Premièrement, que nous sommes à mi-chemin de cette ultime épreuve de qualification pour les Jeux Olympiques.

Deuxièmement, que les épreuves sont extrêmement longues. Par rapport au programme, on savait tous que ça allait être très long, mais c’est quand même assez rare d’avoir des épreuves qui durent autant, sans jour de break. C’est une expérience forte pour la suite, car on sera exactement sur le même format à Budapest. Donc ce que je retiens principalement, c’est une forme d’acclimation à ce format-là et ça me semble très important pour la suite.

© IFSC

Es-tu satisfait des performances de l’équipe de France ?

C’est toujours délicat d’analyser des performances d’un point de vue global. On a eu quelques déceptions, on a aussi eu pas mal de grimpeurs dans le top 15, ce qui est plutôt positif pour la course aux points.

Mon questionnement premier concerne les attitudes. J’ai l’impression que de nombreux grimpeurs n’ont pas réussi à mettre en place ce qu’ils savent faire habituellement, donc il y a un peu de régulation à faire dans les jours à venir.


Des compétitions de cette intensité-là sur le plan psychologique il y en pas eu beaucoup dans l’Histoire de l’escalade.

Laurent Laguarrigue


Quel est le débriefing global que vous avez fait aux athlètes suite à la compétition ?

Plusieurs choses, d’abord notre envie de garder l’unité de cette équipe de France et l’image qu’ils ont étayée, par le charisme et leur bienveillance. Au cours de notre débriefing, on les a félicité pour ça. Parce qu’il ne faut pas oublier qu’il y a aussi une sorte de compétition entre Français d’un point de vue des classements. C’est une difficulté supplémentaire que tout le monde doit affronter et il faut s’assurer que ça se passe bien. On leur a dit qu’ils avaient su composer avec les deux, dans un climat sain et apaisé, ce qui est franchement honorable.

© FFME

Quel est le ressenti général des grimpeurs suite à ce premier OQS ?

Ce qui ressort beaucoup de la bouche de nos grimpeurs c’est la fatigue, le ré-échauffement entre les tours, l’usure de la peau et surtout la résistance psychologique et physiologique à l’impact de ces quatre journées consécutives.

Quels sont donc les éléments à renforcer pour la suite ?

Il faut qu’on arrive avec un plan. Un plan qui va à la fois inclure ce qui est déjà prévu d’un point de vue de l’entraînement, car on ne va pas tout bouleverser à un mois de la prochaine échéance. En revanche, on va travailler sur de l’optimisation de pas mal d’aspects.

Il va également falloir que l’on travaille sur la notion de stress. On connaissait les enjeux de cette compétition, mais il y a eu énormément de stress sur cette épreuve. Une des clés à activer va être de réussir à faire ce que l’on sait faire. Bien sûr, c’est le propre des compétitions, mais là il faut bien imaginer que des compétitions de cette intensité-là sur le plan psychologique il y en pas eu beaucoup dans l’Histoire de l’escalade. Il y a eu les Jeux Olympiques de Tokyo, quelques moments lors des Championnats du Monde de Berne, mais là je pense qu’on est encore monté en puissance en terme d’impact psychologique.

On a une équipe de France relativement jeune, qui sait s’exprimer sur des circuits habituels de type Coupe du Monde, où il y a certes des enjeux et un stress notable, mais il a été fortement décuplé ces derniers jours à Shanghai.

On aimerait donc qu’ils aillent au plus près de ce qu’ils savent faire à l’entraînement, notamment en difficulté, où l’on a remarqué des progrès notables ces huit derniers mois. Je leur souhaite à tous de pouvoir en montrer les effets et en avoir les bénéfices à Budapest !

© IFSC

Justement, là deuxième échéance à Budapest arrive à grands pas. Quelle va être la stratégie jusque-là ?

Nous rentrons aujourd’hui en France et la fin de semaine va être consacrée à débriefer à froid cette compétition. On va ensuite établir le plan dont je vous parlais pour chacun d’entre eux, en y ajoutant les ingrédients que j’ai mentionné plus haut. Ajouter à cela un dernier cycle d’entraînement et plan d’optimisation, qui va de l’aspect dermatologique (comment préserver la peau de ses doigts ?) jusqu’à l’aspect psychologique.

Un dernier mot à ajouter ?

Oui, nous sommes contents et fiers de notre équipe de France. Maintenant il faut qu’on continue et surtout qu’on arrive à décrocher ces places restantes pour les Jeux. Je pense qu’ils en ont les capacités, et nous sommes confiant pour la deuxième manche de ces OQS.


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