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Absence des grands noms de l’escalade en 2025 : le blues post-JO frappe les grimpeurs !

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Après les Jeux Olympiques, nombreux sont les athlètes qui choisissent de faire une pause. L’escalade, qui a fraîchement intégré le programme olympique, ne fait pas exception à la règle : la saison 2025 verra ainsi plusieurs grimpeurs s’éloigner du circuit.

Ce phénomène a un nom : le blues post-JO. On fait le point.


Les Jeux Olympiques représentent souvent l’aboutissement d’années d’efforts pour les athlètes. En escalade, se qualifier pour les JO, puis y performer, est un défi titanesque qui exige une préparation physique et mentale de longue haleine. Mais une fois l’événement passé, un autre défi, plus insidieux, peut surgir : le blues post-JO.

Un phénomène méconnu mais répandu

Le blues post-JO est cette sensation de vide qui frappe de nombreux sportifs après une échéance majeure. Après des mois, voire des années, où tout est minutieusement planifié autour d’un seul objectif, il est parfois difficile de retrouver une motivation ou un sens à l’entraînement. Ce phénomène n’est pas propre aux Jeux : les grimpeurs peuvent le ressentir après une saison de Coupe du Monde intense, une première participation aux Championnats du Monde, ou même après avoir atteint un projet en falaise qui leur tenait à cœur.

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Un nombre important d’athlètes de haut niveau, comme Michael Phelps, Simone Biles ou Adam Peaty, ont publiquement évoqué cette sensation de chute émotionnelle après les JO. D’après le Dr Karen Howells, spécialiste en psychologie du sport, “je n’ai jamais rencontré un Olympien qui n’ait pas ressenti un blues post-JO”.

En début d’année, lorsque nous avions rencontré Oriane Bertone, elle avait déclaré :

Quand pendant un mois et demi après les Jeux, tu ne touches plus une prise (alors que la plus grosse pause que tu avais faite jusqu’à présent c’était quatre jours), c’est qu’il s’est passé quelque chose d’assez violent ! D’assez violent et d’assez choquant ! J’ai quand même beaucoup évolué depuis et je ne suis plus du tout celle que j’étais…

Oriane Bertone

Une déclaration qui témoigne du choc mental et émotionnel que peuvent engendrer les Jeux Olympiques sur les athlètes.

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Quels sont les symptômes ?

La manière dont ce blues se manifeste varie selon les individus. Certains ressentent une perte de motivation, d’autres connaissent une véritable dépression. Le Dr Cody Commander, responsable de la santé mentale pour l’équipe américaine aux JO de Tokyo, explique que des signes précurseurs peuvent être identifiés comme un changement dans les habitudes de sommeil et d’alimentation, un retrait social, un sentiment de vide ou d’errance ou encore des comportements autodestructeurs, comme une consommation accrue d’alcool ou un surentraînement.

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Face à ce constat, plusieurs nations ont développé des stratégies pour accompagner les athlètes. Certaines équipe nationales propose un suivi psychologique incluant des bilans réguliers et des sessions de soutien après les Jeux Olympiques. Certains experts recommandent même aux sportifs d’anticiper cet état en prévoyant une période de transition post-objectif, afin d’avoir un plan clair pour la suite et ainsi éviter la sensation de vide.

Quand les grimpeurs sont touchés

En escalade, l’après-JO de Tokyo 2021 avait déjà montré plusieurs exemples marquants de cette phase de transition. Adam Ondra, après des années à se focaliser sur le format olympique, a exprimé un certain soulagement et une forme de relâchement post-Jeux.

D’autres grimpeurs, comme Akiyo NoguchiShauna Coxsey ou Bassa Mawem ont choisi de mettre un terme à leur carrière, estimant que les JO représentaient la conclusion idéale à leur parcours.

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Ce blues post-JO semble encore plus fort après les Jeux de Paris 2024. De nombreux grimpeurs habitués à truster les premières places en Coupe du Monde ont déjà annoncé qu’ils allaient prendre du recul sur la compétition.

Janja Garnbret, double championne olympique et l’une des plus grandes compétitrices de tous les temps, semble avoir choisi de ne participer qu’à deux Coupes du Monde et aux Championnats du Monde en 2025. Elle souhaite se concentrer sur le rocher et prendre une pause mentale après des années de domination sur le circuit. De son côté, Brooke Raboutou, médaillée d’argent à Paris, a également exprimé son désir de faire une pause dans la compétition pour se consacrer aux falaises et aux blocs en extérieur.

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En France, Oriane Bertone, qui incarnait le plus grand espoir de médaille pour le pays aux JO, nous confiait en janvier qu’elle ne reprendrait les Coupes du Monde qu’en fin d’année. Mais depuis, l’envie et la motivation semble de retour et nous la verrons finalement au départ des premières étapes: « Je me sens bien mentalement et physiquement, alors je me suis dit : pourquoi pas« .

Parallèlement, Adam Ondra et Alex Megos ont confirmé qu’ils ne participeraient pas aux Coupes du Monde de bloc cette année (à l’exception de la coupe du monde de Prague pour Ondra, et leur présence aux Jeux de Los Angeles 2028 est loin d’être actée bien que le bloc et la difficulté soient officiellement séparés.

D’autres grimpeurs suivent cette tendance, préférant délaisser le stress des compétitions pour retrouver le plaisir de grimper en extérieur.

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Un mal nécessaire ?

Si le blues post-olympique peut sembler être une épreuve difficile pour les athlètes, il est aussi une occasion de se redéfinir. Après des années de préparation intense, ces périodes de recul permettent de retrouver une relation plus saine avec la discipline, d’explorer de nouveaux horizons et parfois même de redécouvrir le plaisir pur de grimper.

Paul Jenft, finaliste des Jeux Olympiques de Paris 2024, en témoigne :

Participer aux J.O a été une expérience incroyable, tant sur le plan personnel que sportif, mais ce qui m’a le plus marqué, c’est une prise de conscience bien plus large. Ça n’a pas été facile de reconstruire mon projet sportif suite à cela… Il a fallu retrouver la motivation de faire des compétitions, alors que je savais que je ne revivrais sûrement pas une expérience comme les Jeux avant très longtemps.

Finalement, je suis reparti d’une feuille blanche et j’ai décidé que j’allais tout changer ! La curiosité de découvrir quelque chose de nouveau m’a redonné l’envie de retourner à l’entraînement. Tout est revenu naturellement comme avant et j’ai maintenant retrouvé la passion de la compétition !.

Paul Jenft

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Ce qu’a vécu Paul illustre bien cette phase de transition que vivent de nombreux athlètes après les Jeux : entre perte de repères et besoin de renouveau, c’est souvent en explorant de nouvelles approches qu’ils retrouvent leur élan.

Certains grimpeurs reviendront plus forts après cette pause, tandis que d’autres choisiront une nouvelle voie… Mais tous auront en commun d’avoir vécu l’expérience unique des Jeux Olympiques, avec ce qu’elle comporte d’exaltation… et de vertige une fois redescendus.


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