Entretien avec Marine Thévenet, première grimpeuse française dans le 8C bloc !
La grimpeuse française Marine Thévenet vient de réaliser une performance exceptionnelle en enchaînant « Junero », un 8C bloc situé à Albarracín, en Espagne. Un exploit qui marque un tournant historique, puisque Marine devient la première grimpeuse française à réussir un bloc de ce niveau.
« Junero » est un bloc physique, niché dans le secteur Arrastradero etouvert en 2021 par Ruben Dias. Pour Marine, cette réussite est une véritable revanche après être tombée au dernier mouvement de ce bloc il y a un an. Cette fois-ci, elle a su assembler toutes les pièces du puzzle pour atteindre le sommet, grâce à un entraînement intense et une préparation physique minutieuse, adaptée aux exigences de ce bloc.
Le style de « Junero » est très à doigts, avec des prises exigeantes dès le départ et un engagement technique tout au long de l’ascension. Marine a dû travailler les mouvements clés, notamment une position complexe avec un talon et une contre-pointe pour atteindre une prise verticale. « Ce mouvement m’avait posé problème l’année dernière, mais cette fois, j’ai réussi dès ma première séance », nous confie Marine.
Il ne lui faudra que quelques sessions supplémentaires cette année pour faire la croix. En réussissant ce bloc, elle rejoint un groupe très sélect de femmes ayant atteint ce niveau, aux côtés de grimpeuses telles que Janja Garnbret, Tomoko Ogawa, Kaddi Lehmann, Katie Lamb, Brooke Raboutou, et Ashima Shiraishi. Elle devient ainsi la première Française à entrer dans ce cercle fermé.
Nous avons eu l’opportunité d’échanger avec Marine pour en savoir plus sur les coulisses de cette ascension. Elle nous parle des raisons qui l’ont poussée à choisir ce projet ambitieux, en partie pour la pureté de la ligne et la beauté du cadre, mais aussi pour le défi technique qu’il représente. Marine nous confie également son ressenti face à cette nouvelle étape dans sa carrière, tout en soulignant l’importance relative des cotations dans sa pratique de l’escalade. Pour elle, plus qu’une simple performance, l’enchaînement de « Junero » incarne l’escalade qu’elle affectionne : une grimpe où la précision des mouvements est cruciale.
Enfin, Marine nous parle de ses prochains défis en Espagne, où elle prévoit de rester encore un moment, tout en envisageant de troquer les blocs pour quelques voies.
Salut Marine, tout d’abord, peux-tu nous décrire « Junero » ?
C’est un léger dévers situé au milieu d’un bloc, entre deux classiques du secteur : « El Apeadero » 8A et « Esperanza » 8A+. C’est une ligne sur arquées où le mouvement clé consiste à tenir une arquée main droite, poser un talon et une contre-pointe pour se plaquer et aller chercher une verticale main gauche. La fin est plus simple, même si je suis déjà tombée au réta !
Pourquoi avoir choisi ce bloc ?
J’avais choisi ce projet car c’est un bloc ultra pur, au milieu d’un des plus grands secteurs d’Albarracín. La ligne est superbe, et j’adore les blocs où il faut juste suivre les prises évidentes !
Je l’ai essayé pour la première fois l’an dernier avec Hugo Bernard Brunel. On avait mis nos premiers essais à la fin de notre trip, après avoir réussi notre projet principal de l’époque, « Lost of Silence » 8B. On passait souvent devant « Junero », et un jour, on s’est dit : « Allez, go, on essaie. »
Peux-tu nous parler du processus d’enchaînement et des difficultés que tu as rencontrées ?
J’avais beaucoup de mal à attraper cette prise verticale main gauche. Je manquais de blocage pour rester assez longtemps statique sur la main droite. En 2023, j’avais réussi le mouvement une seule fois… et je suis tombée en haut du bloc parce que je n’avais pas bien repéré !
« Junero » est tellement simple dans sa ligne qu’il est assez facile de se préparer spécifiquement pour ce bloc. J’ai donc fait beaucoup d’exercices de blocages et renforcé mes jambes (notamment avec des exos pour les contre-pointes) et du gainage. Je me rappelais bien des sensations dans le bloc, et j’avais ma vidéo de l’année dernière pour bien analyser les mouvements. Cette année, je me suis surtout focalisée sur la fin pour être sûre de ne pas tomber une fois que j’aurais passé la première partie.
Tu viens d’entrer dans le cercle très fermé des femmes ayant réussi un 8C bloc, qu’est-ce que cela représente pour toi ?
Je suis très fière, bien sûr ! Mais en même temps, ce n’est qu’un chiffre et une lettre pour classer un bout de rocher. Ça ne change pas ma vision du monde ni ma pratique de l’escalade. Ça fait longtemps que je relativise sur les cotations et les performances. Mais c’est sûr que ça fait du bien à l’égo !
Je suis surtout contente d’avoir grimpé « Junero ». C’est un bloc qui compte beaucoup pour moi ; j’ai apprécié toutes les séances dedans et les mouvements sont vraiment classe. C’est exactement l’escalade que j’aime : il faut serrer des prises et s’engager !
Quels sont tes prochains projets ?
Je vais rester encore un petit moment en Espagne et, probablement, enfiler un baudrier pour essayer quelques voies !