Adam Ondra: « Pour être honnête, j’étais intimidé par Perfecto Mundo »
Adam Ondra est toujours à Margalef, en plein combat dans « Perfecto Mundo ». Cette voie constitue le seul 9b+ de la planète que le tchèque n’a pas encore enchaîné. C’est aussi le seul 9b+ dont il n’est pas l’auteur de la première ascension. En effet, les trois autres 9b+ du globe (« Change » en Norvège, « La Dura Dura » en Espagne et « Vasil Vasil » en République Tchèque) ont tous été libérés par Adam Ondra.
En mai 2018, l’allemand Alex Megos parvenait au sommet de « Perfecto Mundo ». Puis quelques mois plus tard, c’est l’italien Stefano Ghisolfi qui atteignait à son tour le relais de cette voie. Enfin, il y a quasiment un an jour pour jour, en novembre 2019, l’autrichien Jakob Schubert réalisait lui aussi la voie, faisant de « Perfecto Mundo » le 9b+ le plus enchaîné au monde.
« Mais que fait Adam Ondra ? ». « Pourquoi ne va-t-il pas à son tour défier cette longue ligne de résistance ? ». Beaucoup de grimpeurs se posaient des questions. En effet, gourmand des lignes les plus extrêmes du monde, pourquoi Adam Ondra n’avait encore pas pris le temps de se rendre dans cette voie ?
Dès son arrivée à Margalef il y a quelques jours, le tchèque s’est confié. Il nous a révélé, en toute humilité, les raisons pour lesquelles il n’avait pas souhaité travailler cette voie plus tôt:
Margalef est une falaise avec laquelle j’ai une relation difficile. À plusieurs reprises, je suis reparti de cette falaise les mains vides, avec des doigts douloureux et gonflés par ses trous réputés aiguisés. Et je n’étais pas vraiment prêt à y retourner. Grimper sur des monos et bi-doigts est ce qui définit l’escalade à Margalef. Il y a des milliers de voies et littéralement des millions de petits trous. Et ce sont les prises que je préfère le moins. Non seulement parce qu’elles sont douloureuses, mais surtout parce que je suis NUL dans ce style d’escalade. Plusieurs fois, je me suis dit que j’allais enfin m’améliorer, mais plusieurs fois je me suis fait botter le cul de nouveau.
Puis, Alex Megos a fait la première ascension du projet extrême de Chris Sharma, « Perfecto Mundo », le cotant 9b+. Cette ligne a l’air absolument stellaire. Un bombé de roche bleu et jaune, à la fois parfait et impossible à regarder, véritable monstre de résistance du sol jusqu’au sommet. Une ligne qu’on ne peut pas manquer. Et surtout, c’est l’un des rares 9b+ au monde ! Mais pour être honnête, j’étais intimidé par « Perfecto Mundo ». Je savais que cette voie ne serait pas facile pour moi. C’est pourquoi j’ai décidé que je n’irai que quand je me sentirai prêt.
Dans le cadre de ma préparation à long terme pour les Jeux Olympiques, j’ai pour objectif de me débarrasser de mes points faibles. J’ai pensé que ce serait le bon moment pour essayer de me débarrasser de mes faiblesses sur les monos et bi-doigts. Et le défi ultime pour le prouver serait cette voie, « Perfecto Mundo ». Je suis presque sûr que les ouvreurs ne traceront pas une voie pleine de ce genre de préhensions à Tokyo 2021, mais on peut toutefois rencontrer quelques monos et bi-doigts sur les compétitions. Il vaut mieux être prêt.
J’ai passé quelques semaines à m’entraîner spécifiquement pour cette voie. J’ai laissé mes doigts s’adapter aux monos et bi-doigts, et j’ai travaillé la résistance que cette ligne exige en grande quantité. Je suis arrivé à Margalef motivé, déterminé et avec le sentiment « J’ai enfin hâte de grimper dedans ! ». Mais en même temps, l’escalade à Margalef est influencée par la « gestion de la peau ». Le succès ou l’échec dépend de minuscules parties de peau au bout des doigts, il faut être tactique, et parfois décider de s’arrêter même si votre esprit veut continuer à grimper. »