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Escalade et Nutrition – Sortie en falaise : les enjeux cachés du pique-nique

- Le 20 juin 2020 -

Avec le retour des beaux jours et le déconfinement, c’est en falaise que de nombreux grimpeurs se retrouvent pour faire des croix autant que pour prendre un bol d’air et de nature.

Le retour respectueux à la nature, c’est d’abord préparer soi-même quelques sandwiches ou des salades bien nourrissantes dans des récipients réutilisables. Passer la journée en pleine nature pour manger des chips goût barbecue, du pain de mie et tout un tas daliments ultra-transformés, c’est surfait. Fort heureusement, la communauté de la grimpe n’a pas attendu 2020 pour s’intéresser à la question. Cela étant, lorsqu’on grimpe régulièrement en extérieur  en visitant les carrières-écoles ou en alternant les week-ends à Céüse et à Saint-Léger (chacun son niveau…), une salade de riz le samedi et un sandwich le dimanche, au bout de quelques semaines on commence à rechercher la nouveauté, autant dans les topos que dans le pique-niques.

Ce faisant, en parcourant les sites de cuisine à la recherche de recettes faciles à transporter entre une corde et des chaussons, j’ai été surprise par l’omniprésence d’un ingrédient : l’avocat. Présenté comme un aliment aux mille vertus (comme tant dautres), ultra photogénique (à en juger des innombrables photos sur les réseaux sociaux), il semble être devenu un incontournable de la cuisine actuelle.

Effectivement, il se marie avec une multitude d’aliments, apporte une jolie couleur verte, prend un goût de noisette lorsqu’il est mûr à point. Et en guacamole, il représente une alternative de choix au beurre dans les sandwiches. Bref, de quoi devenir accro. Mais en creusant un peu, on se rend compte que pour ce fruit qu’on achète désormais avec la même désinvolture qu’une pomme, l’envers du décor n’est pas autant instagramable que les tartines hashtag « healthy food ».

C’est même parce que de plus en plus de personnes consomment de l’avocat à longueur de temps que son cours à explosé ces dernières années, entrainant de nombreuses dérives.

Au Mexique, premier pays exportateur davocats, les cultivateurs dédient de plus en plus de terres à leur production quitte à raser des forêts entières et planter clandestinement, ce qui menace la faune et la flore locale. La culture de l’avocat génère aussi un chiffre d’affaires croissant, à tel point que les cartels de narcotrafiquants menacent et rackettent les producteurs. Et comme un malheur n’arrive jamais seul, la culture intensive nécessite des quantités astronomiques d’eau (il faut 1000L d’eau pour produire 1kg d’avocats) et la monoculture génère une vulnérabilité aux maladies traitées à grand renfort de pesticides. Voilà qui coupe un peu l’appétit.

Alors comment assouvir sa gourmandise en restant fidèle à ses principes de protection de l’environnement et de développement durable ? Il n’y a pas vraiment de solution pour l’instant car il n’est pas possible de cultiver l’avocat sous les latitudes métropolitaines. De plus, on ne peut guère se rabattre sur la toute petite production Corse, d’une part parce qu’elle est commercialisée localement et d’autre part parce que les fruits à destination du continent sont pour la plupart vendus à des restaurateurs à prix d’or.

Le reste de la production française a lieu en Outre-mer, ce qui représente une certes une alternative mais au prix d’un bilan carbone pas terrible. De plus, comme souvent avec les aliments et surtout avec ceux qui sont très à la mode, mieux vaut privilégier une production bio. Le scandale du chlordécone dans les cultures de bananiers en Martinique est là pour nous rappeler les ravages que peuvent provoquer les pesticides. En définitive, la solution éthique et responsable semble plutôt être de considérer l’avocat pour ce qu’il est, un produit exotique et de luxe, et donc à consommer avec parcimonie.

Tomates cultivées hors-sol sous serre

Autre incontournable du pique nique : la tomate. Celles et ceux qui ont la chance de posséder un jardin ou ne serait-ce qu’un balcon pour en faire pousser quelques pieds connaissent bien la différence de goût entre les leurs et les ersatz achetés en grande surface. Pour les autres, accepter de consommer des tomates-cerises à 99 centimes la barquette, c’est aussi fermer les yeux sur la problématique plus générale de leurs conditions de production. La tomate est devenue peu à peu le symbole de l’agriculture intensive, hors saison et polluante, et de plus en plus de consommateurs refusent d’en consommer en hiver. Malgré tout, les premiers rayons de soleil ravivent chaque année l’engouement pour ce légume, faisant parfois oublier que le début de sa pleine période en France, en tout cas dans ma région, n’est pas le mois de mai ni même juin mais juillet. De l’autre côté des Pyrénées, là d’où provient la majeure partie des tomates vendues en France, le climat plus clément permet d’en obtenir avec un peu d’avance. Mais la course à la précocité a mené à une aberration agricole et écologique, des serres à perte de vue dans la région dAlmeria-El Ejido en Andalousiequi assèche petit à petit toutes ses nappes phréatiques.

Les tomates ainsi produites, bien moins chères que leurs concurrentes gauloises, n’ont pas connu une once de terre mais poussent dans des poches en plastique alimentées en solution nutritive. Ce mode de culture les rend très vulnérables aux maladies, ce qui entraine une débauche de traitements insecticides et fongicides.

Même si des initiatives tentent de limiter l’usage des pesticides dans ces milliers de mètres carrés de serres, il reste les conditions de travail pour les ouvriers dans « la mer de plastique » ainsi que la quantité de bâches emportée par le vent vers la mer et les alentours qui noircissent le tableau.

Vue de la Station Spatiale Internationale, la mer de plastique et ses 200 km2 de serres dans la région d’Almeria en Espagne, principal producteur de tomates pour l’Europe

En ce qui concerne la production française, la région qui produit le plus de tomates est la Bretagne. De fait, limpact du chauffage des serres et de leur éclairage pour compenser le manque densoleillement a un coût environnemental non négligeable. C’est pourquoi se rabattre sur la production française nécessite toujours de s’informer sur les conditions de culture, afin d’éviter les aberrations écologiques comme celles-ci, d’autant que les tomates poussent sans problème dans la moitié sud de la France.

En résumé, ces deux exemples – lavocat et la tomate – sont là pour nous rappeler que chacun de nos choix a une incidence sur lenvironnement, y compris pour le moindre pique-nique au pied des voies.

Or quand on aime la nature pour ce qu’elle nous permet de grimper, comment ne pas se soucier de notre impact environnemental. Ramasser ses déchets, ne rien laisser derrière soi (si ce n’est un maillon rapide lors d’une réchappe désespérée…), cela va de soi. Transformer soi-même ses aliments de saison – le calendrier des fruits et des légumes de saison est fort utile  https://www.greenpeace.fr/guetteur/calendrier/ – cest la base. Et tous ensemble remettre en question certaines de nos habitudes alimentaires, c’est le petit plus qui fait toute la différence.

Pour en savoir plus

Quelques idées de recettes à emporter en sortie falaise, testées et approuvées en famille

À compléter, pour les non végétariens par des rillettes de thon https://www.750g.com/rillettes-de-thon-r99628.htm  ou des rillettes de porc https://www.750g.com/rillettes-de-porc-r44462.htm, avec toutes les précautions qui s’imposent par rapport aux conditions d’élevage et dabattage des animaux.

Et tout cela sur de grosses tranches de bon pain, bien sûr.

Texte: Amandine Verchère

Publié le : 20 juin 2020 par Charles Loury

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