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Interview exclusive avec Sylvain Chapelle, responsable de la préparation olympique de l’équipe de France

© FFME

Alors que le championnat du monde 2019 à Tokyo était l’un des événements incontournables de la saison, c’est naturellement qie nous sommes allés à la rencontre de Sylvain Chapelle, entraîneur national de l’équipe de France de vitesse et responsable de la préparation olympique.

Il s’est donc prêté au jeu des questions réponses afin de tirer un premier bilan de ces championnats du monde.


Avant de parler des championnats du monde, peux-tu nous rappeler le fonctionnement de cette équipe de France? Qui entraîne qui et où? Quel est le rôle de chacun? Qui fait quoi? A quoi servent les entraîneurs des équipes de France si les athlètes ont d’autres coaches personnels?

Nous sommes trois entraîneurs : Cécile Avezou qui est sur la difficulté, Daniel Dulac qui est sur le bloc et moi-même avec une double casquette, la vitesse et la coordination de la préparation olympique. Enfin, Damien You est le directeur des équipes de France. Nous avons également un staff de kinésithérapeutes qui tournent sur l’ensemble des coupes du monde de la saison et les championnats du monde et d’Europe (Alicia Daniel, Yohann Farges, Antoine Béraud, Pascal François).

Daniel, Cécile et moi-même nous nous occupons chacun d’organiser la filière dont nous avons la charge. Tout cela avec un objectif que nous ne perdons pas de vue : qualifier un maximum d’athlètes pour les Jeux Olympiques. Forts de cette conviction portée par l’ensemble de la fédération, nous avons mis en place un programme de stages tout au long de l’année qui mêlait plusieurs disciplines (bloc + vitesse, diff + vitesse ou les trois disciplines). Il y avait une nécessité de beaucoup de coordination pour faire en sorte que les athlètes ne soient pas sollicités de toute part et d’avoir la plus grande cohérence dans la préparation.

Certains athlètes sont entraînés par les entraineurs nationaux, d’autres non, c’est leur choix et ça les regarde, je leur laisse le soin de te répondre sur leur choix à ce niveau-là. Le métier d’entraineur national et d’entraineur perso est bien différent mais toujours complémentaire. L’entraîneur perso va « programmer » et entrainer un athlète tout au long de l’année sur du travail quotidien voir bi-quotidien. Cependant, c’est l’entraineur national qui va sur les compétitions internationales, il organise les déplacements, et la logistique sur place. De plus, l’entraîneur national impulse une dynamique d’entraînement et fait des choix stratégiques concernant sa discipline avec en ligne de mire d’avoir une équipe nationale performante sur du court, moyen et/ou long terme.

Comment as-tu vécu à titre personnel ces championnats du monde en tant qu’entraîneur national? L’objectif pour les JO rend il ce championnat du monde particulièrement tendu pour un coach?

Sur la vitesse : Anouck termine 3°, Bassa 13° et Aurélia 15°. Pour les grimpeurs du combiné : Micka 21°, Julia 28°, Manu 41°, Fanny 46°, Romain 93°. Je pourrais te faire un debrief pour chacun mais ça risquerait d’être trop long. Anouck et Aurélia se retrouvent toutes les deux en 1/8 de finale donc on sait forcément que l’on perd une Française à ce tour, et c’est toujours frustrant. Bassa est en grande forme, mais comme tout le monde, il est humain et il lui arrive aussi parfois de faire des erreurs, il faut les accepter et retourner au boulot. Enfin, Anouck prend une belle troisième place, on attend toujours d’elle qu’elle gagne car elle a tant gagné de compétitions mais c’est loin d’être si simple. Je lui souhaite de pouvoir avoir ce titre de championne du monde. Les grimpeurs du combiné ont fait de belles performances en vitesse compte-tenu de leur expérience et de leur niveau. Micka a été très très bon, Manu méritait mieux vu ce qu’il fait à l’entraînement, Julia et Fanny ont été au top, enfin Romain a donné tout ce qu’il avait. Sur le côté combiné, on avait 3 qualifiés pour les qualifications du combiné : Julia, Anouck et Micka. Anouck a fait une très bonne qualification, il a manqué de rien à Julia en difficulté pour faire un peu mieux. Et elles finissent respectivement 11° et 12° et donc première et deuxième non-sélectionnées pour les JO. C’est extrêmement frustrant car elles méritaient toutes les deux d’être dans les 10. Micka nous a fait des qualifications de vitesse et de bloc de très haut niveau, ça a été un peu moins bien en diff mais on le savait. Micka se qualifie pour les JO d’une part et à la finale d’autre part : Génial. En finale, il a été un peu moins bon en vitesse que sur la qualif et les autres aussi ont été meilleurs, le circuit de bloc était compliqué mais il nous a sorti un essai dans le bloc 3 à 45 sec de la fin, incroyable. Le mot d‘ordre de ce championnat était de ne jamais rien lâché et je crois qu’il a tout résumé dans ce dernier essai !

L’attente des résultats pour les garçons et les filles est un moment très compliqué à gérer. On fait les calculs dans tous les sens, on espère que nos athlètes restent à leur place dans le classement. Les coachs étrangers font beaucoup d’appels. Nous, on est scruté au moindre mot que l’on dit. Bref, c’était électrique comme jamais.

D’un regard extérieur on trouve que l’équipe de France s’est fait malmenée sur ces championnats du monde, quel est ton avis ? Avec une médaille de bronze et une qualif pour les JO, les objectifs sont-ils tenus?

Nous français, nous sommes toujours très critiques. Nous pourrions avoir 0 médaille et personne de qualifié aux JO. Concernant les équipes dont je m’occupe :

• la vitesse, je serais satisfait quand tous les grimpeurs de l’équipe seront sur le podium, mais c’est aussi très compliqué à réaliser. Maintenant il faut aussi savoir relativiser. Bassa ne fait pas de podium sur cette compétition comme il a pu le faire l’an dernier ; mais Anouck, elle, prend une troisième place. Tous les deux sont nos leaders en vitesse et se sont engagés dans l’aventure olympique ce qui implique de moins s’entrainer en vitesse. Le résultat d’Anouck est à mon sens excellent compte tenu des circonstances.

• Pour le combiné : l’objectif est d’arriver à qualifier un maximum d’athlètes (maximum 4 compte-tenu des quotas par nation imposés par le CIO), on en qualifie un seul aujourd’hui tout en étant tout proche d’en qualifier trois (Anouck et Julia sont toutes proches). Donc les athlètes vont encore s’entraîner pour venir se qualifier à Toulouse, où l’équipe de France aura besoin de monde pour la soutenir.

Que peut-on remettre en cause?

On peut toujours tout remettre en cause, mais encore faut-il en avoir le temps. Il nous reste 3 mois pour qualifier 3 athlètes, on ne va pas faire de révolution mais essayer de faire progresser les athlètes du mieux possible.

Comment expliquer la réussite du Japon avec une telle densité de grimpeurs? Que nous manque-t-il pour en arriver là?

Je crois que leur culture est bien différente, ils ont une volonté poussée à l’extrême de travailler et donc de s’entrainer, qui est énorme. Le respect qu’ils ont pour leurs anciens athlètes est magnifique. Yuji Hirayama est un « demi dieu » au Japon. Nous, nos jeunes ne connaissent malheureusement pas nos anciennes gloires de l’escalade et de fait, on ne les écoute pas non plus. Mais se comparer de cette manière n’a pas forcément de sens : en ce qui nous concerne, nous devons aller de l’avant, croire que les choses sont possibles, nous entraîner fort, écouter les conseils, rester humble. Et surtout arrêter de croire que parce qu’un jeune a fait une fois un résultat, il est le futur de l’escalade. C’est « facile » de faire une performance un jour, ce qui est dur, c’est de rester au plus haut niveau pendant des années.

Comment vont être suivi les athlètes qui n’ont pas encore décrocher leur ticket pour les JO?

Il y a des stages de prévus sur les trois prochains mois

La prochaine échéance pour les JO, c’est le TQO à Toulouse-Tournefeuille. Seulement 2 femmes et 2 hommes par pays peuvent y participer. Comment le choix va-t-il s’opérer, notamment chez les femmes avec 3 grimpeuses qui bataillent pour les JO ?

Anouck, Julia et Fanny ? Rien n’est tranché pour le moment, il y a de nombreuses options possibles. Nous devons nous réunir pour réfléchir à la solution la plus efficiente.

Si tu as un dernier mot à ajouter?

L’escalade commence à connaitre un essor très important avec les JO mais aussi avec un grand nombre de médias qui s’intéressent à notre sport, nous vivons quelque chose d’incroyable. L’escalade est un sport qui mérite tout cet engouement. Venez soutenir et supporter l’équipe de France à Toulouse-Tournefeuille fin novembre !

Publié le : 02 septembre 2019 par Charles Loury

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