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Coupe du Monde d’Arco: un scénario de finale que personne n’aurait soupçonné !

Alex Megos qui ne fait que dix mouvements, Adam Ondra en difficulté, Janja Garnbret qui chute sur un mouvement dynamique, Anne-Sophie Koller qui se transcende… Ces finales n’étaient décidément pas comme nous l’avions imaginé.

Adam Putselnik, chef ouvreur de cette compétition, avait annoncé la couleur: les demi-finales avaient été très dures afin d’établir un vrai classement et ainsi prendre plus de risque sur les voies de finale.

Les principales difficultés que devaient gérer les finalistes ? La voie, certes, mais aussi la chaleur, étouffante à Arco. Le taux d’humidité dans l’air était extrêmement élevé en cette fin d’après-midi. L’autre facteur qui a fait trembler les grimpeurs ? Le chrono ! Le temps a été le pire ennemi des finalistes hier soir. Difficile de venir à bout d’une voie d’une cinquantaine de mouvements en seulement six minutes… Nous y reviendrons plus loin dans l’article, pour le moment intéressons aux belles performances de ces finales.

Jaïn Kim renoue avec la victoire !

Cela faisait près de deux ans que Jaïn Kim n’était plus montée sur la plus haute marche d’un podium international. Deux ans et treize Coupes du Monde plus tard, la coréenne est de nouveau décorée d’or. Une médaille amplement méritée pour elle, qui a été la plus impressionnante hier soir.

Elle négocie parfaitement la lignée de volumes qui composaient la voie de finale féminine. L’équilibre et la sensation sont de rigueur dans ce tracé.

Pourtant, dans la partie la plus délicate du mur, Jaïn Kim hésite: elle tente de shunter le crux mais se ravise. Elle opte pour la méthode prévue par les ouvreurs: envoyer la contrepointe sur le bord du mur, aller chercher cette épaule main gauche et engager le mouvement suivant. Là encore, deux options: tenter d’envoyer directement la main droite dans l’élan, ou bien, enlever en douceur sa contrepointe et gainer le ballant. La coréenne opte pour cette deuxième méthode, qui s’avère fonctionner pour elle !

Mais à ce moment, il ne reste plus que vingt secondes à Jaïn, qui n’est qu’aux deux tiers de la voie… Elle avance encore quelques mouvements, jusqu’à ce que le temps soit définitivement écoulé… Quelle frustration pour la coréenne, qui semble encore bien fraîche, mais qui est contrainte par les juges de stopper nette son ascension…

« Le temps est passé si vite dans cette voie de finale ! C’est dommage que je n’ai pas eu la chance d’aller jusqu’au sommet de cette voie. Je pense que j’aurais pu continuer encore beaucoup plus. »

Heureusement pour elle, aucune grimpeuse n’égalera sa prestation. Jaïn Kim monte ainsi sur la plus haute marche du podium.

Janja Garnbret, Anak Verhoeven, Ashima Shiraishi, Julia Chanourdie, piégées dans le crux.

Ce fameux crux ne s’est pas laissé dompter si facilement… Janja Garnbret, Julia Chanourdie et Ashima Shiraishi se font avoir au moment de lâcher la contrepointe et d’envoye la main droite dans l’élan. Retour au sol plus vite que prévu pour Ashima Shiraishi, qui est tout de même ravie de sa performance.

Julia Chanourdie a loupé de peu son premier podium en Coupe du Monde ! À l’aise dans tout le début de la voie, elle ne sait pas comment appréhender ce passage, qui lui sera fatal. Départagée avec Ashima et Janja sur les résultats des demi-finales, elle prend de nouveau la 4ème place de cette compétition, après avoir déjà été au pied du podium à Briançon. Mais la progression de la chambérienne se fait sentir cette année. Sur chaque compétition, elle joue à chaque fois pour la gagne, au milieu des meilleures mondiales.

Déception également pour celle qui gagnait tout depuis le début de la saison. Janja Garnbret n’ira pas chercher une quatrième médaille d’or d’affilée. La slovène ne parvient pas à tenir la prise et se fait emporter dans son élan. Elle termine tout de même sur la troisième marche du podium.

Anne-Sophie Koller ne lâche rien !

Elle ne monte pas sur la première marche du podium, mais pour elle, cette deuxième place est déjà une victoire ! La jeune suissesse de 21 ans a assuré le show hier. Le style de la voie semblait bien lui convenir, si bien qu’elle se retrouve dans le crux de la voie encore bien lucide.

Elle n’opte pas pour la méthode statique comme Jaïn, mais envoie la main droite dans l’élan. La suissesse se retrouve alors en plein ballant, pendue à une main sur la petite prise. Anne-Sophie recolle les pieds sur le mur et poursuit son ascension. Encore quelques mouvements et la suissesse se fait rattraper par la gravité.

L’année dernière à Arco, Anne-Sophie réalisait la meilleure performance de sa carrière. Cette étape italienne semble bien lui convenir, car cette année, elle améliore, en montant sur son premier podium international.

Première Coupe du Monde de l’année, première médaille pour Jakob Schubert !

« Je n’ai pas très bien grimpé, je ne me sens pas encore super fort en difficulté. Je pense que j’ai besoin d’un peu plus de temps encore. Cette voie m’a vraiment fatigué. Il n’y a pas de mouvement très difficile, je suis sûr que des gars vont monter bien plus haut que moi ! »

Ce sont les mots de Jakob Schubert, tout juste de retour au sol après son run de finale. L’autrichien se trompait amplement… Il ne s’attendait pas du tout à cette victoire hier. « Pour moi, le simple fait d’être en finale était déjà une victoire. »

Retour tonitruant pour Jakob, qui participait ce week-end à sa première Coupe du Monde de difficulté de l’année, après avoir participé à la saison entière de bloc.

L’autrichien sera le premier grimpeur à monter si haut dans la voie. Il dépasse la verticale limite fixée par les autres finalistes, avant de se faire lui aussi arrêter par le temps.

Une médaille d’or inespéré pour lui, qui n’avait pas gagné depuis 18 compétitions.

Adam Ondra VS Alex Megos: le duel n’aura pas eu lieu…

On attendait avec impatience le duel final entre les deux falaisistes Adam Ondra et Alex Megos, venus s’inviter à cette Coupe du Monde de difficulté.

Ex-aequo en qualification, c’est Alex Megos qui prenait haut la main la première place des demi-finales. Heureux d’être en finale, l’allemand n’aura malheureusement pas le temps d’en profiter…

Il chute dans les tous premiers mètres de la voie, sur un jeté qui aura déstabilisé plus d’un grimpeur. Pourtant pas loin en terme de distance, sur une prise très bonne, il faut néanmoins contourner l’arête du mur pour l’atteindre. Alex hésite un moment entre une méthode statique ou dynamique, et finit prématurément au sol, en ayant loupé son jeté. Dommage, nous n’aurons pas le temps d’admirer son potentiel dans cette voie de finale…

Pour Adam Ondra, ces finales furent difficiles à gérer. « Les conditions étaient les pires que je n’ai jamais connu sur une Coupe du Monde de difficulté. Il fait peut-être moins chaud que lors des demi-finales, mais le taux d’humidité est juste impressionnant. J’étais plutôt bien dans la voie, mais à l’endroit où je tombe, j’avais l’avant-bras complètement en sueur. Et comme il fallait tenir une prise vissée sur le côté d’un cratère dont l’extérieur est lisse, mon avant-bras glissait littéralement contre la prise. Au moment d’envoyer l’autre main, j’ai glissé du bras tout simplement… »

Tout est dit. Adam Ondra ne parviendra pas à aller chercher cette médaille d’or. Il prend tout de même la deuxième place de cette Coupe du Monde. Maintenant, retour à l’entraînement pour lui. Dans peu de temps, il sera de nouveau à Flatanger, pour peut-être enchaîner le premier 9c du monde.

Les autres finalistes ?

L’autrichien Max Rudigier, qui semblait déjà très en forme lors des demi-finales, confirme hier soir. Il rejoint son compatriote Jakob Schubert, et monte sur son premier podium de Coupe du Monde.

Notons également l’incroyable performance de Yoshiyuki Ouata. Le japonais, plutôt habitué aux podiums internationaux en bloc, participait ce week-end à la première Coupe du Monde de difficulté de sa carrière. Hé bien le nippon n’en espérait pas tant. Être en finale sur cet énorme mur était déjà grandiose pour lui. Mais alors terminer au pied du podium de cette étape mondiale était inespéré !

Du côté français, Thomas Joannes, qui avait été très solide en demi-finale, prend la 6ème place des finales après s’être bien battu dans la première partie de la voie.

La règle des six minutes continue de faire des ravages…

Jusqu’à cette année, les grimpeurs disposaient de huit minutes maximum pour atteindre le sommet de la voie de finale. Depuis le début de la saison, le règlement international a changé. Les finalistes n’ont plus droit à huit minutes, mais à six, soit un quart de temps en moins, pour des voies toujours aussi longues.

Un changement qui avait déjà fait couler beaucoup d’encre dès le début de la saison. Pourquoi mettre la pression aux grimpeurs de difficulté, qui doivent maintenant être plus concentrés sur le temps qu’il leur reste plutôt que sur les prochains mouvements de la voie ?

Non, depuis le début de la saison, les grimpeurs ne profitent plus des temps de repos pour regarder vers le haut les prochains mouvements. Maintenant, on les voit baisser la tête et chercher du regard le (peu) de temps qu’il leur reste.

Le spectacle n’est-il pas gâché quand on contraint Jaïn Kim, qui pouvait sûrement libérer la voie de finale, de descendre ?

Il y a des murs où cette règle des six minutes posent moins de problèmes. Mais sur des structures immenses comme Imst, ou Arco, les six minutes ne suffisent pas pour empiler les cinquante mouvements que compte la voie. N’est-il pas triste, qu’en pleine finale, en étant au beau milieu du mur, un grimpeur se dise que de toute façon il n’aura pas le temps d’atteindre le sommet de la voie, alors qu’il est encore bien physiquement…?

C’est à se demander si l’on cherche bien à récompenser le grimpeur le plus fort sur une Coupe du Monde de difficulté…

Les podiums:

Les résultats complets ci-dessous.