Ils sont ceux qui ont remporté le plus de Coupes du Monde cette saison.
Ils sont ceux qui comptent le plus grand nombre de finalistes.
Ils sont ceux qui ont gagné le plus de médailles.
Ils sont… Ils sont… L’équipe japonaise de bloc !
Cette année, le maillot du Japon brille de mille feux sur les compétitions internationales. Ils sont montés sur chaque podium de Coupe du Monde, dans n’importe quel pays depuis le lancement de la saison 2017.
Depuis toujours, les japonais excellent en escalade. Mais cette année, ils semblent avoir franchi un nouveau cap. Ils sont de loin, les meilleurs mondiaux.
Nous avons voulu en savoir plus sur les raisons d’un tel succès.
Comment fonctionne cette équipe japonaise ? Quel est leur secret ? Enquête !
Plus de 100 salles de bloc à Tokyo seulement !
« Une telle réussite cette année est due à plusieurs paramètres » commente Takato Hoshi, la coach assistante de la fédération japonaise d’escalade.
« Vous savez, tout le monde pense que le Japon est un petit pays. C’est vrai, lorsque l’on regarde une carte du monde, le Japon paraît si petit… Mais si on reporte la taille de notre pays sur l’Europe par exemple, on recouvrirait le continent du Danemark jusqu’au Portugal. Donc finalement, c’est plutôt un gros pays !
Mais chez nous, l’avantage c’est que nous avons une communauté de grimpeurs très marquée sur tout le pays. Nous avons des entraîneurs vraiment passionnés par l’escalade, des ouvreurs d’une créativité impressionnante et surtout des salles de blocs, qui sont littéralement en train d’exploser partout au Japon. Elles poussent comme des champignons. Encore plus à Tokyo, où nous avons plus de 100 salles d’escalade dans cette ville seulement. »
Parole à Hiroshi Yasui, l’entraîneur de cette équipe.
Qui mieux que l’entraîneur de cette équipe nationale pour parler de ses grimpeurs ? Afin de comprendre les raisons d’un tel succès, nous avons donné la parole à Hiroshi Yasui. Calme, réservé, il est l’un de ces coachs à se faire très discret sur le circuit international. Pourtant, il fait partie des meilleurs entraîneurs asiatiques.
Pour lui, les grimpeurs japonais ont changé cette année. Physiquement, mais aussi mentalement. La victoire de Tomoa Narasaki au général des Coupes du Monde, puis sur les Championnats du Monde à Paris au mois de Septembre a eu un impact direct sur toute l’équipe. Un impact positif, bien sûr, qui a amené tous ces athlètes dans une spirale positive.
Et même si chaque grimpeur à un entraîneur personnel, et travail sur ses points forts et ses faibles, pour Hiroshi, la cohésion de l’équipe est la clé. Si avant les rencontres regroupant l’équipe entière se faisaient rare, de plus en plus de stages nationaux s’inscrivent dans le calendrier de chacun, pour se réunir et échanger tous ensemble.
Et comme tout entraîneur qui se respecte, Hiroshi a déjà les yeux tournés vers l’avenir: « Je ne l’ai pas encore fait, mais il est vrai que maintenant, il est l’heure pour moi de les pousser à s’entraîner pour les Jeux Olympiques de Tokyo en 2020 ! »
L’équipe japonaise, une grande famille ?
Pour l’une des coachs de cette équipe, il ne fait aucun doute: « Pour moi, l’une des raisons principales d’un tel succès cette saison est la cohésion de notre équipe. »
En effet, il va sans dire que la communauté des grimpeurs est très présente au Japon.
Takato Hoshi le confirme: « Après une compétition, tous les athlètes se retrouvent constamment, tous ensemble, pour partager leur ressenti. Ils débriefent ensemble sur les méthodes qu’ils ont employé dans les blocs, les uns les autres.
Le partage est vraiment au centre de cette équipe. Quand ils se retrouvent pour partager leurs différentes solutions, après les finales par exemple, ils n’hésitent pas à échanger sur ce qui était bien et ce qui ne l’était pas. Ils savent se complimenter, et aussi accepter les conseils de chacun. Cela créer une émulation incroyable au sein de cette équipe. »
S’améliorer. Telle est la culture transmise au Japon d’année en année. On pense par exemple à la démarche Kaizen, notamment appliquée dans l’industrie automobile, qui implique un processus d’amélioration continue. « S’améliorer, apprendre des uns et des autres… C’est dans notre culture ! »
Bien connaître son corps… Le secret ?
Et si finalement le secret, c’était bien connaître son corps ? Se connaître, se contrôler. Doser la force appliquée dans chaque mouvement, ni trop, ni trop peu. Gérer son centre de gravité dans les dalles à équilibre. Savoir positionner son corps dans l’espace.
Pour Keita WAtabe, il ne fait aucun doute. Le « body control » l’a clairement aidé à passer du rang de 23ème mondial à celui de 1er, en quelques mois seulement. « Connaître son corps est pour moi très important. Je pratique le body control, autrement dit, contrôler son corps et savoir comment appliquer la force sur telle ou telle prise. »
Difficile pour lui de nous expliquer plus en détail cette nouvelle pratique. « La pratique va bien au-delà d’une simple description. En gros, c’est être conscient et savoir où commencer à tracter sur une prise par exemple, et quand s’arrêter. »
Doser sa force de manière précise, positionner son corps dans l’espace… Un exercice compliqué, qui demande de l’expérience. Pour cela, une nouvelle pratique a bon vent dans le monde de l’escalade: le yoga.
On voit de plus en plus de grimpeurs s’essayer au yoga, ou au body control. Une manière d’apprendre de son corps, tout en faisant le lien avec son esprit.
On se souvient également qu’avant d’aller à Flatanger travailler son projet en 9c, Adam nous avait révélé travailler avec un physiothérapeute. Allongé sur le sol, il mimait les mouvements du crux de « Project Hard », simulant les positions de son corps, s’imprégnant de ces mouvements si délicats pour les « apprendre » et les rendre familier.
Keita Watabe, la révélation de l’année !
Il avait 8 ans la première fois qu’il a enfilé une paire de chaussons à ses pieds. Depuis Keita Watabe n’a pas raccroché. Il ne participera qu’à deux compétitions internationales en catégorie jeune. Deux Championnats du Monde de difficulté, en 2008 et 2012, où il terminera 10ème et 28ème.
Puis, pendant cinq ans, Keita Watabe ne participera à aucune compétition internationale. Il réapparaît en 2015 sur le circuit international de bloc senior pour participer à la tournée des Coupes du Monde. Il terminera dans les six dernières lignes du classement mondial, comptabilisant 3 points symboliques.
Deux ans plus tard, âgé de 23 ans, il est le numéro 1 mondial, dominant le classement général des Coupes du Monde de bloc. Pourtant, Keita n’y aurait pas cru il y a quelques mois de cela. Meiringen, première étape de la saison. Première finale de sa carrière. Premier podium, première médaille. L’ascension de Keita était lancée. Il remportera sa première Coupe du Monde quelques semaines plus tard, lors de l’étape de Nanjing en Chine.
Nous sommes allés à la rencontre de la révélation de cette année 2017.
« Comment je me sens ? Très heureux. Une première victoire en Coupe du Monde est très honorable pour moi. Mais je ne peux pas me satisfaire d’une seule victoire.
J’ai rencontré un nouvel entraîneur l’année dernière, Chiba. Il est devenu mon entraîneur personnel et pour moi, il est la raison de mes progrès en un an. Cet hiver, durant ma préparation, j’ai beaucoup grimpé, pour renforcer mon expérience des mouvements. J’ai également travaillé sur mes points faibles, pour m’améliorer. »
En chiffres !
Souligner la performance de ces athlètes japonais, c’est bien… L’illustrer avec des chiffres, c’est encore mieux !
Sur les sept manches de Coupe du Monde que compte cette année 2017, nous en sommes à cinq. Ce qui signifie que nous sommes 70% de cette saison… qui n’est donc encore pas finie.
Pourtant en seulement cinq étapes cette année, le nombre de japonais sur le podium d’une Coupe du Monde est plus important que sur toutes les Coupes du Monde entre 2008 et 2015 !
Parmi les 11 premiers du classement général qui n’est que provisoire pour l’instant, on retrouve 7 grimpeurs japonais. Cela signifie donc que parmi les 11 meilleurs mondiaux, plus d’un grimpeur sur deux nous vient du Japon. C’est la première fois de l’Histoire qu’une nation domine de cette façon une saison internationale.
Nous nous sommes amusés à illustrer l’évolution de cette équipe japonaise, pour mettre en avant la progression fulgurante de cette team depuis ces deux dernières années. Les résultats sont sans appel.
Voici ci-dessous, l’évolution du nombre de grimpeurs japonais masculins médaillés sur les Coupes du Monde de bloc, depuis 2008 jusqu’à aujourd’hui:
Si parvenir à faire monter un grimpeur japonais sur le podium d’une Coupe du Monde était un exploit entre 2008 et 2015, depuis l’année dernière, il est devenu normal de voir un nippon se faire remettre une médaille autour du cou. Alors qu’il reste encore deux étapes de Coupe du Monde cette année, les japonais ont déjà égalé leur record de médaillés sur une saison. Soyons sûr que d’ici la semaine prochaine, ce record sera battu sur l’étape de Navi Mumbai en Inde.
Et pour prouver que le Japon regorge de talent, quoi de mieux que d’illustrer l’évolution du nombre de grimpeurs japonais masculins en demi-finale d’une Coupe du Monde de bloc, depuis 2008 jusqu’à aujourd’hui ?
Oui, il n’est pas rare cette saison que la moitié des demi-finalistes d’une Coupe du Monde soient japonais. Depuis le début de l’année, on dénombre près d’une quarantaine de demi-finales, uniquement pour l’équipe masculine.
Vous l’aurez compris, c’est un tout qui rend cette équipe japonaise si forte. Des structures adéquates, une cohésion inébranlable, un suivi pointilleux, et de l’envie. Beaucoup d’envie. Ces raisons font de cette équipe la meilleure équipe mondiale de tous les temps.
Et quelque chose nous dit que ce n’est pas fini, et qu’il va falloir se méfier de l’équipe japonaise de difficulté d’ici peu…