Laura Pineau signe la première ascension féminine de « Wet Lycra Nightmare » (8b, 270 m) au Yosemite

© Logan Calder
Il y a des projets qui s’imposent à vous sans prévenir. Pour Laura Pineau, « Wet Lycra Nightmare » est arrivé un soir d’été 2023, dans une salle de projection du festival Arc’teryx à Squamish. Sur l’écran : l’ascension de Jordan Cannon et Sam Stroh… Et au fond d’elle, une évidence !
Le film était magnifique, il m’a profondément marquée. Je me suis dit qu’un jour, moi aussi j’irai dans cette voie, pour aller faire ce mouvement de “chicken wing” à 600 mètres du sol, les pieds dans le vide.
Un an plus tard, la Française signe la première ascension féminine de cette grande voie (8b, 270 mètres) au Yosemite, après un travail de fond de six semaines et trois jours d’effort en paroi.
Une voie aussi belle qu’exigeante
Ce qui attire Laura dans « Wet Lycra Nightmare » ? La pureté du granite, mais surtout sa diversité : dalle, fissures, pas de bloc intenses et une cheminée finale « hyper exposée ».
Je voulais voir si j’avais assez de bagage sur granite pour réussir une voie à mon niveau max.
Sauf que rien ne démarre comme prévu. Fin juillet, Laura fait une grosse chute à vélo : épaule blessée, entraînement réduit à néant pendant deux mois. La Française arrive au Yosemite « physiquement plus faible que jamais », mais avec une détermination intacte.
Mentalement, j’avais une vraie envie : me lancer dans un gros projet et voir si j’étais capable d’y arriver !

© Miya Tsudome
Six semaines pour déchiffrer la ligne
Avant de s’élancer pour les trois jours consécutifs, Laura passe six semaines dans la voie. Dix-sept jours exactement. Dix-sept journées à apprivoiser le granite, à tomber, à remonter, à chercher, à comprendre.
La première lueur d’espoir arrive lors de la huitième séance : elle enchaîne enfin la fameuse longueur en 8b, en tête. La suite reste dure (deux longueurs en 7c+ à dompter) mais la machine est lancée. Elle sait que c’est possible.
Jour 1 : 4 700 calories et un premier vrai rendez-vous
Laura grimpe tôt, entre 6h00 et midi, pour profiter de l’ombre. Les trois premières longueurs passent. Dans les 7c et 7c+, elle chute, mais finit pas réussir. Elle arrive au pied du 8b avec encore deux heures d’ombre. Elle lance cinq essais, mais la fatigue la rattrape.
Le crux du 8b est très intense (autour de 7C bloc environ). Il faut tenir une mauvaise pince main droite, descendre la main gauche en paume, et monter dessus en perdant les pieds. Et ce n’est pas tout : une fois ce mouvement réussi, il reste un jeté à faire à la fin de la longueur. Le mouvement n’est pas très difficile en soi, mais si tu hésites une seule seconde, tu tombes… Et c’est ce qui rend cette longueur si impitoyable !
Elle s’arrête alors sur « The Awahnee Ledge », une vire incroyablement confortable pour passer la nuit. Sa montre indique 4 700 calories brûlées. Elle force son corps à manger. Le lendemain sera déterminant…

© Miya Tsudome
Jour 2 : le vrai combat
La journée sera difficile pour Laura.
J’ai mis dix essais dans le 8b. Au septième, je passe enfin le réta… puis je zippe dans un passage où je n’étais jamais tombée. J’ai vu mon ascension partir en fumée.
Elle vacille, le doute s’installe. Et puis, un geste simple change tout : elle sort son téléphone et lance sa playlist de musiques dansantes. La tension retombe et le sourire revient. Le flow est de retour et au dixième essai, ça passe. Enfin !
Il lui reste 40 minutes d’ombre. Elle se lance dans la longueur suivante… Et ça passe encore ! À cet instant précis, elle le sait : elle va le faire.

© Miya Tsudome
Jour 3 : tout en contrôle… ou presque
Le dernier jour, que Laura qualifie comme « l’un des plus beaux de sa vie », ressemble à une délivrance. Le 7c+ tombe au premier essai. La longueur facile aussi. Reste la cheminée finale, la dernière longueur et la plus exposée de toute la voie.
Après un premier essai loupé, Laura reste bloquée plus d’une minute lors de sa seconde tentative, tétanisée, incapable de monter.
J’ai cru que j’allais vomir tellement tout mon corps était en tension !
Mais elle refuse de renoncer. Elle finit par débloquer le mouvement, avance centimètre après centimètre… et sort enfin au sommet.

© Miya Tsudome
« Une énorme fierté »
Quand elle clippe le dernier relais, Laura savoure.
Cette ascension est très spéciale pour moi parce que c’est le premier big wall que j’enchaîne seule. Même si j’avais un super partenaire, sur le plan mental j’étais seule face à ces neuf longueurs et à mon objectif.
2025 restera son « année Yosemite » : sept mois à vivre au rythme du granite, à rencontrer des grimpeurs du monde entier, à écrire sa propre petite ligne dans l’histoire du lieu. Mais ce long séjour aux États-Unis, Laura change d’horizon.
Bye bye les US, bonjour l’Europe ! Mes projets à venir sont surtout en France et en Italie. J’ai vraiment hâte de retrouver la bonne nourriture et de continuer à grimper dans le sud de la France, qui m’est tellement cher.
Ce que vous ne saviez pas sur Laura Pineau :
- J’ai fais mes études supérieurs aux Etats-Unis, c’est pour ça que j’y ai vécu pendant six ans au total
- J’ai enchaîné « Freerider » 7c+ sur El Capitan (novembre 2023)
- J’ai réalisé la deuxième ascension de « Greenspit » 8b/+ à Valle Orco (octobre 2024)
- Avec Kate Kelleghan, on a réussi à battre le record en speed climbing du « Naked Edge » dans le Colorado (mars 2025)
- Toujours avec Kate Kelleghan, on a réalisé la première ascension féminine du « Triple Crown » (juin 2025)
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