La Sportiva
Il est arrivé. Fruit de plusieurs années de réflexion, de tests, et d’ajustements entre le géant italien La Sportiva et le grimpeur de légende Adam Ondra, le Ondra Comp marque l’entrée fracassante d’un nouveau chausson haut de gamme dans l’arène très concurrentielle de la grimpe de compétition.
Pensé pour répondre aux exigences ultra-pointues de l’escalade moderne – volumes XXL, grattons microscopiques, blocs à coordination, prises planes – ce modèle promet un équilibre inédit entre adhérence, précision et sensibilité. Mais tient-il vraiment ses promesses ? Et surtout, mérite-t-il son prix, parmi les plus élevés du marché ?
Après plusieurs mois de test, voici notre verdict.
Le cahier des charges était clair : créer un chausson capable d’exceller sur tous les types de prises rencontrées en compétition, du gratton microscopique au volume XXL en dalle. Ces dernières années, les chaussons ultra-souples ont dominé les tapis, mais ils montrent parfois leurs limites lorsqu’il s’agit de pousser fort sur une petite prise fuyante ou anguleuse.
Adam Ondra et La Sportiva ont voulu créer un chausson performant sur toutes les prises qu’on peut rencontrer en compétition.
© Planetgrimpe
Mais comment ont-ils fait ? C’est dans la semelle que tout se joue, avec le concept de « smearing », un concept hybride inédit. Pour réussir à créer un chaussons à la fois capable de « smearer » (pousser sur des surfaces lisses) et de tenir sur de petites prises (« edging »), La Sportiva a intégré un insert en plastique rigide en forme de fer à cheval sur le pourtour du chausson. Cela apporte un soutien sur les petites prises, tandis que le centre de l’avant-pied reste volontairement souple et sensible, pour conserver toute l’adhérence nécessaire sur les volumes.
Le Ondra Comp se distingue aussi par une conception innovante de sa semelle : La Sportiva a choisi de raccourcir la demi-semelle, une approche déjà popularisée par Scarpa sur des modèles comme le Drago. Résultat : le chausson se plie sous l’articulation du gros orteil, ce qui permet d’épouser au maximum les volumes et d’augmenter la surface de contact lors des adhérences.
Alors verdict ? Pari réussi pour la marque italienne ! Là où la plupart des chaussons souples trouvent leur limite sur les petites prises, les Ondra Comp se démarquent en étant capable de se tenir et de pousser fort sur des micro-prises. Le résultat est bluffant. Au moment de la poussée, on sent cet insert en forme de fer à cheval qui apporte de la rigidité au chausson et qui permet de développer la force adéquat sans zipper.
© Planetgrimpe
Attention toutefois : cette flexibilité très marquée peut surprendre au début ! Il m’a fallu plusieurs séances pour adapter ma pose de pied avant de commencer à comprendre le chausson. Il faut en effet adapter sa gestuelle (pied plus relevé, talon plus haut) pour en tirer tout le potentiel. Les grimpeurs lourds ou ceux recherchant un chausson rigide pour griffer de petites prises pourraient trouver le Ondra Comp un peu trop souple dans ce domaine.
Autre innovation phare de ce modèle : l’apparition de la SenseGrip™, une technologie qui permet d’améliorer la sensibilité et la déformation du chausson autour des prises, tout en ajoutant un léger amorti pour les mouvements répétés (comme les contrepointes par exemple).
La semelle intermédiaire est en réalité constituée de trois parties distinctes : la gomme Vibram XS Grip2 (3,5 mm), l’insert en forme de U en LaSpoFlex (1,1 mm) pour soutenir les grattons, et enfin un pad souple inséré au centre, juste sous l’articulation du gros orteil. C’est ce dernier qui donne au chausson ce « point de charnière » si particulier et qui explique sa sensation presque « chaussette » sur les volumes.
Concrètement, le chausson épouse mieux les formes des prises et offre une accroche active, aussi bien sous le pied qu’au-dessus, ce qui est devenu crucial dans les blocs modernes très axés sur les coordinations et les crochetages sous toutes leurs formes.
Côté talon, La Sportiva innove avec l’un de ses modèles les plus fins à ce jour. Une bonne nouvelle pour toutes celles et ceux qui ont le talon fin (comme moi) ou qui recherchent un ajustement plus précis dans les crochetages talon. C’est d’ailleurs l’un des points qui nous a le plus bluffé sur ce chausson. Habitué au talon étroit et précis des Drago LV, j’avoue que le talon des Ondra Comp est encore plus précis et marqué. Même lors des crochetages sur petites prises, on se sent maintenus et en confiance.
La pointe est quant à elle recouverte d’une large couche de gomme, similaire à celle que l’on retrouve sur la Solution Comp, mais poussée encore plus loin ici. Grâce à l’ajout de la mousse SenseGrip™ sous la gomme, les crochetage de pointe deviennent plus efficaces et surtout moins douloureux.
© Planetgrimpe
Autre point fort du dernier né de La Sportiva : son chaussant. Plus large à l’avant que la moyenne des modèles La Sportiva, tout en conservant un talon ajusté, il conviendra particulièrement aux grimpeurs avec un avant-pied fort mais un talon fin.
Et bonne nouvelle : ce chausson a été conçu pour être performant sans avoir à trop comprimer les orteils. On peut donc opter pour une taille légèrement plus confortable qu’à l’accoutumée sans compromettre la performance – une rareté dans le monde des chaussons agressifs ! Je porte habituellement entre 38,5 et 39 chez La Sportiva, et j’ai opté pour du 39 sur ce modèle. La raison ? La Sportiva a conçu ce chausson pour éviter de trop comprimer les orteils. Il doit permettre de bien s’aplatir pour les adhérences, mais aussi ne pas faire souffrir les orteils lors des griffages.
Mon conseil : si vous hésitez entre une taille serrée et une plus confortable, optez pour la taille légèrement plus grande pour en tirer le meilleur.
© Pavel Klement
Impossible de parler de l’Ondra Comp sans évoquer le prix : à 195 €, c’est l’un des chaussons les plus chers du marché. Une somme qui en fait tiquer plus d’un… Mais pourquoi ce prix ? Ce n’est pas juste parce que « Adam Ondra » est écrit dessus. Le coût est dû au nombre de composants et au temps de fabrication bien plus élevé que pour d’autres modèles.
À titre de comparaison, des modèles comme le Solution Comp ou certains chaussons No Edge de la marque sont aujourd’hui vendus autour de 170 €.
Faut-il donc craquer ? Si vous grimpez uniquement en falaise, peut-être pas. Mais si vous êtes un ou une compétitrice dans l’âme, à la recherche d’un chausson ultra technique, sensible et polyvalent, alors le Ondra Comp pourrait bien devenir votre meilleur allié.
Ce chausson n’est clairement pas un modèle à tout faire. C’est un outil de performance, taillé pour les blocs de compétition ou les projets en résine exigeants. Il prendra tout son sens lors d’un run décisif en demi-finale ou d’un dernier essai sur un bloc complexe à coordination.
Et surprise : nous l’avons trouvé redoutable en extérieur également ! Dans certaines voies ou blocs qui demandent beaucoup d’adhérence, le Ondra Comp se montre étonnamment performant et confortable, bien plus polyvalent que son image de « pur chausson de salle » ne le laisse penser. En revanche, oubliez-le pour les voies de dalle à grattons microscopiques : là, un modèle plus rigide comme le TC Pro restera imbattable !
© Pavel Klement
Alors pensez à ce chausson comme à un outil : vous ne prendriez pas un tournevis pour enfoncer un clou. Les grimpeurs ont aujourd’hui plusieurs paires dans leur sac : une paire confortable pour l’échauffement, une plus rigide pour la falaise, et une comme l’Ondra Comp pour briller en compétition. Ce n’est pas un chausson à tout faire. Gardez-le dans votre boîte à outils et sortez-le quand ça compte vraiment. Utilisé de cette manière, ce chausson pourrait vraiment faire la différence. En ce sens, il mérite sa place dans votre panoplie de grimpeur·se !
Alors, est-ce le meilleur chausson du marché ? Il en fait très clairement partie. Pour certains profils et certains usages, c’est clairement l’un des plus innovants et des plus efficaces actuellement !
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