Aventures sans voiture : le topo qui invite les grimpeur·ses à repenser leur approche de l’escalade

Et si la véritable aventure commençait avant même d’enfiler ses chaussons ? C’est le pari un peu fou de Florian Garibal, auteur du topo Aventures sans voiture – Escalades depuis Grenoble. Un ouvrage hybride entre topo, carnet d’aventure et manifeste pour une pratique plus douce, plus consciente, mais toujours aussi passionnée.
De l’écran aux falaises : une belle reconversion
À 30 ans, Florian Garibal a déjà eu plusieurs vies. Toulousain d’origine et Grenoblois d’adoption depuis quatre ans, il vient du monde de la tech : « Sorti d’un IUT info puis de l’ENSEEIHT, j’ai eu la chance de travailler sur trois projets entrepreneuriaux… qui m’ont finalement vacciné du modèle très capitaliste des startups où levée de fond et greenwashing sont rois. » Ce besoin de sens le pousse à passer son diplôme d’État d’escalade, qu’il termine cette année : une reconversion guidée par la passion, l’envie de transmission et la conviction qu’un autre rapport à la montagne est possible.
C’est d’abord au collège, au club du TAG de Tournefeuille, que Florian découvre l’escalade, sans pour autant tomber immédiatement amoureux de la discipline. « Ce n’est qu’en 2017, avec l’arrivée des salles de bloc, que j’ai vraiment accroché. » Depuis, la grimpe a pris une très grande place dans son quotidien : falaise, grande voie, trad, bloc…
« Je touche à tout sans jamais devenir monomaniaque d’une pratique ! » Cette curiosité, cette envie de diversité, se retrouvent aujourd’hui dans son topo.
Mobilité douce : une révélation grenobloise
Son arrivée à Grenoble marque un tournant. « Je voulais me rapprocher des montagnes et éviter les 3h de route par jour nécessaires pour grimper depuis Toulouse. » Là, il découvre qu’il peut partir grimper… sans voiture. « S’en suivent pas mal d’aventures à la journée ou sur plusieurs jours, où je teste différents itinéraires. Désormais, j’essaie de faire un maximum en mobilité douce, même si parfois le contexte ne s’y prête pas. »
De ces expériences naît un blog, La Crèmerie, où il partage de nombreux récits d’aventure sans voiture. Rapidement, l’idée d’un livre/topo s’impose :
« Les copain·es me demandaient toujours : t’as pris quel bus ? C’était long à vélo ? Comment tu fais avec les sacoches ? » Quand son entrée en formation pour le DE lui demande de porter un projet « structurant pour la discipline », l’occasion est toute trouvée. Avec Fanny, aquarelliste et compagne de longue date, il se lance dans la création de ce topo unique.

Sublime vue sur les falaises de Presles depuis le retour à vélo des Cournourses
Un topo comme aucun autre
« Aventures sans voiture » n’est pas un topo comme les autres. Il propose une sélection d’itinéraires contraints par une règle simple mais forte : tous doivent être accessibles sans voiture.
« Je ne voulais pas proposer des itinéraires élitistes. L’idée était de rendre cette approche accessible, donc de dénicher des secteurs avec le moins d’effort possible, tout en offrant une répartition large de cotations, du 4 au 8a+, avec des secteur équipé comme en trad. »
Le résultat ? 400 pages mêlant conseils pratiques, réflexions sur la mobilité et plus de 80 aquarelles originales signées Fanny. Un projet colossal porté par la passion, mais qui reste un véritable défi financier : si plus de 10 000 € ont déjà été réunis grâce à la mobilisation des grimpeur·ses, il manque encore environ 7 000 € pour concrétiser l’impression du topo. Une belle occasion pour chacun·e de contribuer à un projet qui redonne du sens à notre façon de consommer l’escalade.
Militant, auteur, grimpeur : trois casquettes pour un seul projet
Florian assume le triple rôle :
« Au-delà d’un “simple” topo, c’est un guide qui explique comment partir en mobilité douce, pourquoi le faire, et quelles réflexions sociétales se cachent derrière. » Sans jamais donner de leçons, il invite à rêver d’une autre manière de grimper, plus cohérente avec les enjeux actuels.
« C’est une façon de rendre désirable une pratique durable, et de montrer qu’on peut continuer à grimper dehors sans tout détruire autour. »
L’aventure commence avant la voie
Pour Florian, la mobilité douce ne se résume pas à un geste écologique : elle redonne tout son sens au mot aventure. « Partir à vélo, bus ou train, c’est redécouvrir un territoire, partager des moments intenses avec ses ami·es, rencontrer des gens, observer des paysages qu’on ne voit jamais depuis une voiture. »
Il se souvient d’une sortie dans le Vercors :
« En montant à vélo, on a croisé un renard, des marmottes, des chevaux de trait… La journée était déjà superbe avant même de poser les mains sur le rocher. » Pour lui, c’est simple : l’approche fait partie de l’expérience.
« Partir en mobilité douce, c’est augmenter le temps d’aventure et les souvenirs forts créés avec ses ami·es. Et ça, ça n’a pas de prix ! »
Grenoble, un terrain de jeu idéal
Difficile de rêver meilleur laboratoire que Grenoble pour expérimenter cette approche. Entre Chartreuse, Belledonne et le Vercors, la capitale des Alpes offre une diversité rare.
Florian vous a sélectionné trois secteurs coups de cœur accessibles sans voiture :
- Le plateau des Petites Roches, connu pour son calcaire d’exception et ses grandes voies.
- Chamrousse, un super spot sur gneiss et gabbro, parfait en mi-saison, largement faisable à la journée grâce au bus et au télécabine.
- Le Gerbier, les Agnelons ou les Rochers de l’Ours, dans le Vercors : un gisement de pépites sur calcaire gris, faisables à la journée avec un peu de vélo.
Une belle invitation à (re)découvrir son propre territoire autrement.

Les aquarelles de Fanny subliment les paysages, la faune et la flore
Changer nos imaginaires de la performance
L’ouvrage pousse également la réflexion sur notre rapport à la performance, en évoquant la notion d’éco-point, chère à Éline Le Menestrel, Lena Müller et bien d’autres.
« Redéfinir la performance en intégrant l’approche me paraît essentiel. Nous ne pouvons plus valoriser des performances déconnectées de la réalité climatique. »
Mais il nuance :
« Cette approche n’est pas possible partout, ni pour tout le monde. Ce qu’il faut, c’est créer un nouvel imaginaire collectif où la mobilité douce devient désirable, et où les médias et les marques valorisent ces initiatives. »
Un rapport au temps profondément transformé
Ce projet a également transformé le rapport de Florian à sa pratique : « Fini la consommation pure de l’escalade. Le plus gros changement, c’est mon rapport au temps. »
Il poursuit : « J’ai compris que tout le monde a le même temps, et que seuls nos choix déterminent comment on l’occupe. »
Ralentir, observer, s’émerveiller : « Partir différemment m’a permis de redécouvrir des choses que je considérais avant comme de simples détails : un lever de soleil, un arbre majestueux, un renard au détour d’un sentier. » Une philosophie simple mais puissante : grimper autrement, c’est aussi vivre autrement.
Un topo à la croisée des chemins
Entre réflexion, inspiration et itinéraires concrets, Aventures sans voiture propose une autre façon d’aimer l’escalade : plus lente, plus consciente, sans mettre la passion de côté. Un ouvrage qui tombe à point nommé pour les grimpeur·ses d’aujourd’hui — celles et ceux qui cherchent à concilier performance, plaisir et respect de l’environnement.
Pour les plus curieux, le duo présentera le topo sur plusieurs événements phares : les Rencontres Ciné Montagne, le Festival du Film d’Autrans, ou encore le Salon de l’Escalade à Paris. De beaux moments d’échange en perspective, pour continuer à semer l’idée d’une grimpe plus consciente et accessible.
Et après ?
L’aventure ne s’arrête pas là.
« Notre rêve serait de voir émerger plusieurs livres Aventures sans voiture dans les librairies et magasins spécialisés. Que ce soit pour d’autres villes, d’autres sports ou d’autres pratiques, tout est possible ! »
Florian et Fanny lancent d’ailleurs un appel : « Si vous souhaitez créer un guide dans votre région, contactez-nous sur aventures-sans-voiture.fr. » Une belle invitation à prolonger le mouvement et à inspirer d’autres grimpeur·ses à franchir, à leur tour, le pas.