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Jeux Olympiques d’escalade | Bassa Mawem, prêt pour un dernier sprint à Paris !

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À quelques jours seulement du lancement des épreuves d’escalade aux Jeux Olympiques de Paris, nous sommes allés à la rencontre de trois grimpeurs de l’équipe de France d’escalade.

Tout au long de cette série, nous vous invitons à découvrir les histoires inspirantes de ces athlètes hors du commun. Chacun d’eux incarne à sa manière les valeurs de l’escalade et porte en lui les espoirs d’une nation tout entière. Leur préparation minutieuse, leurs défis quotidiens et leurs aspirations pour les Jeux Olympiques vous seront dévoilés au fil de ces interviews exclusives.

Après Paul Jenft, c’est au tour de Bassa Mawem de se confier à notre micro !


Dans le monde de l’escalade, certains noms résonnent avec une puissance particulière. Bassa Mawem en fait indéniablement partie. Originaire de Guyane, cet athlète charismatique s’est rapidement imposé comme l’un des grimpeurs les plus rapides de la planète. Multiple Champion de France (2017, 2018, 2019, 2021, 2022, 2023), numéro 1 mondial (2018, 2019) et détenteur du tout premier record olympique de son sport (5,45 secondes aux JO de Tokyo en 2021), Bassa possède l’un des plus gros palmarès de la discipline.

Dans 72 heures, l’aîné de la fratrie Mawem s’apprête à prendre le départ des deuxièmes Jeux Olympiques de sa carrière, qui auront une résonance toute particulière pour lui. À 39 ans, le doyen de l’équipe de France d’escalade s’apprête à vivre la dernière compétition de sa vie. Paris 2024 marque donc l’aboutissement d’une carrière exceptionnelle et l’occasion de laisser un héritage impérissable pour Bassa Mawem.

Dans cette interview exclusive, il nous partage sa préparation minutieuse et l’importance particulière de ces Jeux pour lui. Il nous parle sans détour des défis auxquels il a fait face ces dernières années, et la manière dont il a surmonté toutes ces épreuves. Plongez dans l’univers d’un grimpeur au sommet de son art, prêt à vivre ses derniers moments en tant que compétiteur avec passion et intensité.

Salut Bassa ! Tout d’abord, comment te sens-tu à quelques jours des JO ?

Salut à tous ! Je me sens super bien. Je n’ai jamais été aussi fort. Donc je ne peux que me sentir bien ! J’ai passé ces derniers jours sur les hauteurs de Voiron, dans un Airbnb loué par la fédération pour que les athlètes soient au calme avant d’aller au Village olympique. Nous sommes maintenant arrivés à Paris, l’idée, c’était d’y aller le plus tard possible, histoire de se reposer nerveusement et d’arriver avec le plus de fraîcheur possible.

Donc je me sens bien, prêt à vivre pleinement cet événement, qui a une saveur particulière pour moi, puisque ce sont mes derniers moments, mes derniers instants en tant que compétiteur. Alors, je savoure chaque moment avec mes collègues de l’équipe de France, avec les entraîneurs, avec tout le staff. Il y a quelques jours, j’ai fait mon dernier entraînement. Le dernier de toute ma vie ! C’est un moment que j’ai vraiment apprécié, que j’ai partagé avec tout le monde et c’était vraiment cool.

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Ta préparation pour Paris 2024 s’est-elle déroulée comme tu le souhaitais ?

Oui, ma préparation pour Paris s’est déroulée comme je le souhaitais. Mais le niveau aujourd’hui a tellement explosé ! En fait, cette année de blessure, de récup, d’entraînement pour revenir dans la course… C’était l’année de trop, qui m’a trop éloignée du niveau actuel. [NDLR : Bassa Mawem s’est rompu le biceps lors des JO de Tokyo en 2021]

Donc là, je me rends à Paris avec mes armes, avec toute mon expérience et je vais tenter de faire de mon mieux pour pouvoir rivaliser avec le niveau international d’aujourd’hui.

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Quelles ont été les principales différences dans ton entraînement par rapport aux Jeux de Tokyo 2020 ?

La différence par rapport à Tokyo, c’est que je ne me suis entraîné qu’en vitesse, donc ça déjà, c’était cool ! [NDLR : À Tokyo, l’épreuve d’escalade consistait en un format combiné vitesse/bloc/difficulté ; à Paris, la vitesse est une discipline à part entière].

L’autre différence par rapport à mes précédents Jeux, c’est que je n’ai pas eu beaucoup de temps pour me préparer, à cause de la gestion de ma blessure. Le processus a été long, plus long que ce que j’aurais voulu… Alors, j’ai dû changer ma façon de m’entraîner pour tenter de reprendre du niveau le plus rapidement possible. J’ai tenté des choses, on va voir ce que ça va donner. Lors de la Coupe du Monde de Briançon il y a quelques jours, j’ai battu un tout petit peu mon record personnel : je suis passé à 5,25 secondes. Et là, sur mes deux derniers entraînements, j’ai de nouveau battu mon record. Pas de beaucoup, mais je l’ai battu !

Je sais que je suis en mesure d’aller plus vite, mais maintenant, il ne reste plus qu’une seule échéance pour voir exactement de quoi je suis capable.


Je profite de chaque instant, parce que ce sont mes derniers moments, mes derniers instants en tant que compétiteur. J’ai fait mon dernier entraînement. Le dernier de toute ma vie !

Bassa Mawem


Quelles sont les compétences spécifiques que tu as travaillées le plus ces derniers temps à l’entraînement ?

J’ai bossé à fond sur la vitesse et la force. Par rapport à Tokyo, c’est le principal changement : j’ai poussé le développement de la force le plus loin possible pour pouvoir ensuite le retranscrire en vitesse. Mon objectif, c’est d’éclater mon record à Paris ! Mon résultat en compète, il ne dépend pas que de moi, donc je ne vais pas en parler. Par contre, j’ai vraiment envie de battre mon record !

Tu t’es fait discret sur le circuit international cette année [Bassa n’a participé qu’à une seule compétition internationale]. Pourquoi ce choix ?

Oui, je me suis fait discret sur le circuit international parce que je n’avais pas le temps de faire des compétitions. Quand tu te rends sur une compétition avec l’optique de performer, en tout cas de donner le meilleur de toi-même, il faut savoir que ça bouleverse complètement ton entraînement pendant un mois ! Je m’explique : trois semaines avant la compet, tu commences à te reposer, tu réduis ton volume pour faire en sorte d’arriver prêt le jour J. Ensuite, tu fais ta compet et la semaine qui suit, tu es HS. Je ne pouvais pas me permettre de perdre un mois dans ma préparation pour faire une compète, surtout que je connais le niveau actuel ; pour monter sur un podium de Coupe du Monde, il faut maintenant grimper sous les cinq secondes ! Et je ne suis pas en capacité de grimper sous les cinq secondes, donc ça n’aurait servi à rien. J’ai donc préféré m’entraîner.

Quelles leçons as-tu tirées de la Coupe du Monde de Briançon le mois dernier ?

Ce n’est pas vraiment des leçons que j’ai tirées de cette compétition. Déjà, mon objectif c’était de voir mon niveau sur une compétition. L’idée, c’était aussi de me replonger dans l’ambiance d’un grand événement ; il fallait que je recale mon échauffement, que je me remette en confrontation avec les autres, que je retrouve mon esprit de compétiteur.

Ce que je retiens, c’est qu’il faut que j’aille plus vite. C’est une certitude. Ça m’a également permis de voir ce que je peux potentiellement améliorer pour les JO. J’ai identifié deux petits points techniques à améliorer ; ce n’est pas gagné, car il faut déjà réussir à se les approprier, mais je vois ce que je peux faire pour pouvoir gratter un peu de temps, et ça, c’est bien.

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Es-tu satisfait de tes sensations ces derniers temps à l’entraînement ?

Oui, je suis très content de mes sensations et de mes derniers chronos. Je me sens léger (léger pour moi, parce que je pèse 80 kilos). Après, tout est possible dans cette discipline. Je ne me prends pas trop la tête parce que j’ai vraiment envie de vivre pleinement cette compétition. Je n’ai pas envie de la vivre avec du stress, de la pression, qui risque de me bouffer. J’ai envie de profiter de chaque instant de ces Jeux Olympiques, de profiter du public, de profiter de toute cette atmosphère. Ma famille sera présente pour me voir grimper sur la dernière compétition de ma vie, et j’ai vraiment envie de profiter de ça.

Comment ton expérience des Jeux de Tokyo influence-t-elle ta façon d’aborder Paris 2024 ?

Mon expérience de Tokyo n’influence pas tant que ça ma façon d’aborder les Jeux de Paris… Elle l’influence seulement le sens où ce n’est pas la première fois que je vais participer à des Jeux Olympiques, donc ça me permet de venir avec un peu plus de légèreté.

C’est un honneur pour moi de participer à ces Jeux. C’est un honneur, à bientôt 40 ans, d’avoir la chance de dire que j’aurais disputé deux Jeux Olympiques dans ma carrière ! C’est déjà rare de pouvoir vivre cette expérience une fois, alors deux fois c’est juste incroyable !


Quand j’ai su que mon frère n’allait pas se qualifier pour les JO, ça a été un gros coup dur… J’étais prêt à lâcher ma place pour rejoindre Micka et arrêter ma carrière en même temps que lui.

Bassa Mawem


Récemment, des émeutiers ont brûlé le mur d’escalade de Nouméa, dont tu étais l’un des principaux responsables en tant que Directeur technique de la ligue de Nouvelle-Calédonie. Comment ce tragique événement a-t-il chamboulé ta préparation olympique ?

Il y a beaucoup de choses qui viennent chambouler et mettre un frein à la carrière d’un athlète. Avec mon frère, on n’a jamais eu une vie facile. On a sans cesse été confronté à tout un tas de problèmes, que ce soit familial, de couple ou professionnel, venu perturber notre préparation.

Mais là, pour le coup, ça ne m’a pas chamboulé uniquement professionnellement. Certes, j’ai perdu mon emploi, comme tous les autres salariés, mais psychologiquement, c’est allé bien plus loin que ça. Tout ce que j’ai mis en place, tout ce que j’ai créé a disparu avec une allumette ! Ça a été un choc. Un bouleversement total. Quasiment dix années de ma vie foutue en l’air ! Sans parler de tous les athlètes que j’entraîne là-bas, qui ont vu leurs projets sportifs partir en fumée.

Alors oui, ça a été vraiment très compliqué à gérer. La première chose que j’ai faite, c’est d’aider mes jeunes. Ils n’ont rien demandé, ils sont jeunes, ils ont des rêves, des ambitions. Moi, mon ambition pour eux, c’est faire en sorte qu’ils puissent vivre exactement ce que j’ai vécu : qu’ils entrent en équipe de France, qu’ils aillent faire des compétitions à l’international, qu’ils gagnent, qu’ils participent aux JO, etc. Du coup, je leur ai proposé de les accueillir en Alsace. J’ai dit à leurs parents : « Si vous voulez faire venir vos enfants, prenez-leur un billet d’avion, envoyez-les moi, je m’occuperai de tout ». J’ai deux jeunes de 15/16 ans qui sont partis quasiment du jour au lendemain de chez eux et qui sont venus me rejoindre. Voilà, j’ai pu sauver deux jeunes de tout ça. Je ne peux pas tout faire, mais j’ai déjà pu faire ça et j’en suis content.

Concernant le projet en Nouvelle-Calédonie, l’idée c’est de reconstruire une structure d’escalade le plus vite possible. Malheureusement, aujourd’hui, ce n’est pas la priorité du gouvernement, donc je ne sais pas quand cela va pouvoir se faire, mais je sais qu’avec Philippe Bocquet, le président de la Ligue, on travaille activement sur une reconstruction pour faire en sorte qu’il y ait de nouveau de l’escalade en Nouvelle-Calédonie.

La discipline a explosé ces derniers temps et les chronos ne cessent de descendre ! Comment rester dans la course quand on évolue, comme toi, sur le circuit international depuis près de 20 ans ?

Oui, c’est vrai que la discipline a complètement explosé. Ça a commencé juste avant les JO de Tokyo. En 2021, le record était à 5,20 secondes, et depuis, il a encore plus explosé ! [NDLR : le record du monde actuel est de 4,79 secondes, détenu par l’Américain Samuel Watson]. Depuis que l’escalade est aux JO, tout le monde a commencé à s’entraîner, donc forcément, le niveau a pris une ampleur considérable.

Qu’est-ce qui permet de se maintenir à niveau? Les ambitions ! Quand tu as un gros projet sportif, tu t’entraînes. Quand tu as des rêves et que tu veux les réaliser, tu te donnes à fond ! C’est ce que j’ai fait, et j’en suis très fier !

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Cette année, tu disputes les Jeux Olympiques sans ton frère, Micka. Tu as même failli renoncer à participer sans sa présence. Aujourd’hui, comment vis-tu la situation ?

C’est vrai que quand j’ai su que mon frère n’allait pas se qualifier pour les JO, ça a été un gros coup dur. Je pense que ça a été le plus gros coup dur que j’ai eu à surmonter dans ma carrière. Quand j’ai réalisé qu’il n’allait pas se qualifier, j’ai un peu déprimé. J’avais perdu mon envie d’aller aux Jeux et je me suis demandé si ça servait vraiment à quelque chose d’y aller avec aussi peu d’envie. J’avais déjà eu l’opportunité de vivre des Jeux, alors j’étais prêt à lâcher ma place pour rejoindre Micka et arrêter ma carrière en même temps que lui. On s’était toujours dit que s’il y en a un qui se qualifiait, c’était comme si les deux étaient qualifiés. Mais ce n’était que des mots, dans la réalité, ce n’était pas vraiment le cas. Et c’est cette réalité-là qui m’a fait douter.

Mais au final, après quelques jours de réflexion, je suis me suis très vite remobilisé. C’est une fierté de pouvoir représenter notre famille sur ces JO à Paris, de faire vivre cet événement à l’ensemble des Français et à toutes les personnes qui nous ont soutenus.

Les derniers chronos que j’ai faits à l’entraînement et les résultats de la dernière compétition à laquelle j’ai participé montrent que j’ai toute ma place aux Jeux. Aujourd’hui, je suis le meilleur représentant français pour ces JO de Paris et je compte bien faire en sorte de repartir la tête haute.

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Tu disais vouloir arrêter ta carrière au top de ta forme, lors des Jeux de Paris. Nous y voilà ! Peut-on donc dire que tu es plus fort que jamais ?

Oui, en battant mon record personnel lors de la Coupe du Monde à Briançon, et de nouveau à l’entraînement lors de ma dernière séance il y a quelques jours, je peux dire que je suis au meilleur de ma forme. Après, pour rivaliser avec le niveau international, il va falloir être beaucoup plus rapide. Je ne sais pas si je suis en capacité de l’être, mais en tout cas, je vais tout faire pour l’être. Je vais tenter de me transcender, me transformer en Super Saiyan (rires) pour pouvoir gratter vingt centièmes de seconde. Tout est possible, donc je ne m’enlève pas ça de l’esprit. Je vais prendre le départ de ces JO en tant que conquérant et je vais tenter de me surpasser pour faire un truc incroyable.


Mon objectif, c’est d’éclater mon record à Paris !

Bassa Mawem


Que fais-tu ces derniers jours avant le début des épreuves d’escalade ?

Déjà je m’affûte à mort (et croyez-moi, ce n’est pas la partie la plus sympa !). Ça fait à peu près un mois que je suis au taquet sur l’alimentation. C’est très dur. C’est même horriblement dur. Ça fait un mois que je mange uniquement ce qu’il faut pour récupérer, uniquement ce qu’il faut pour la durée de mes entraînements et uniquement ce qu’il faut pour tenir le coup la journée. Là, je ne peux pas être plus affûté que ça. En plus de mon alimentation, j’optimise tout : mon sommeil, mon hydratation, le côté nerveux. J’ai désinstallé tous les réseaux sociaux et stoppé toutes les sollicitations médiatiques (à part vous). Je fais tout pour être le plus reposé possible !

Cette semaine, la FFME nous avait réservé un Airbnb dans une ville proche de Voiron, pour sortir du cadre familial, du cadre du travail et des sollicitations médiatiques. La fédération a autorisé mon frère à venir passer deux jours avec nous, donc c’était cool. On a passé de bons moments, on a joué à la pétanque, on est allé à la piscine. C’était vraiment chouette !

Ta valise pour Paris est faite. Quelle est la chose la plus inattendue que tu as mise à l’intérieur ?

Alors la chose la plus inattendue que je vais emmener avec moi, c’est du piment (rires). En fait, c’est ma mère qui me prépare ce piment pour agrémenter un peu mon repas. Elle prépare une petite mixture avec des tomates, des concombres, des cornichons, des oignons et des piments.

De quoi va être composé ton repas la veille au soir de la compétition ?

La veille de la compétition, je vais manger exactement la même chose que ce que je mange depuis un mois, c’est-à-dire du riz blanc, le piment de ma mère et du saumon. C’est le repas que je prends tous les jours depuis un mois, et ça ne changera pas jusqu’à la fin des Jeux.

Avec quel athlète (tous sports confondus) rêves-tu de discuter au Village olympique ?

Franchement, je ne suis pas sport du tout… J’adore le sport, mais seulement quand je le vis, quand je le pratique. Discuter avec des athlètes, ça me plairait dans un cadre fun, par exemple, des fois, on fait des interviews avec des athlètes d’autres sports et je trouve ça hyper cool de m’entretenir avec eux et de partager des visions. Mais comme ça aux JO ? Non ! Les croiser et faire partie de cette même famille au Village olympique, ça me suffira. Marcher au même endroit que l’ensemble des meilleurs sportifs au monde me suffira largement, je n’aurais pas besoin de discuter avec eux.

As-tu un caleçon porte-bonheur ?

Ah non, désolé, je n’ai pas de caleçon porte-bonheur (rires). Ni de chaussons ou de tee-shirt porte-bonheur. Je n’ai rien de tout ça. Par contre, j’ai un rituel : tout ce que je fais, je le fais en commençant par la gauche. Ça veut dire que quand je mets mes chaussons, je commence par le gauche, quand j’enfile mes chaussettes, je commence par la gauche. En fait, tout ce que je fais dans ma vie, je commence par la gauche. Par exemple, quand je me retourne vers le mur de vitesse, je me retourne toujours par la gauche.

Aussi, j’ai une petite jeune qui s’appelle Camille, qui grimpe à la salle de Colmar, qui est une personne en situation de handicap. Elle est en fauteuil, on la suit depuis deux ans et peut-être que ce sera une future championne olympique ! Elle m’a donné un trèfle à quatre feuilles que j’ai accroché sur mon sac à magnésie. Comme ça, j’aurais une petite pensée pour elle pendant la compétition.

N’a-t-on pas trop de mal à s’endormir la veille d’une épreuve olympique ?

Ah, le sommeil… Le sommeil, j’avoue que c’est un peu chiant ! La veille de chaque grosse compétition, c’est toujours hyper dur de bien dormir ; c’est d’ailleurs pour ça qu’on dit que le sommeil qui compte ce n’est pas celui de la veille, c’est celui de l’avant-veille. Je vais tenter de dormir au mieux et ne pas me prendre la tête, parce que le jour de la compet, il faudra faire avec, qu’on ait bien dormi ou non.

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On te voit souvent te murmurer quelque chose avant de mettre un run. Qu’est-ce que tu te dis ?

« Grimpe bien et accélère », voilà ce que je me dis. C’est la seule chose que je me répète. Ma stratégie c’est de rester focus sur moi-même. C’est pour ça que sur les compètes, il faut que je sois très reposé parce que si je ne suis pas reposé nerveusement, je n’arrive pas à me concentrer uniquement sur moi-même. Donc quelle que soit la personne qui est à côté de moi, que ce soit un gars qui grimpe en 4,80 secondes ou en 5,50 secondes, l’objectif c’est de produire le meilleur de moi-même. Et ces deux petites phrases me permettent de me concentrer uniquement sur moi. « Grimpe bien et accélère ». C’est tout. C’est la seule chose que j’ai à faire, alors je me dois de le faire.

T’es-tu préparé une playlist spéciale JO ?

Non, je ne me suis pas préparé de playlist particulière. J’écoute plutôt du rap français en ce moment, parce que j’ai regardé l’émission Nouvelle École et ça m’a donné envie d’écouter du rap français. Sinon, d’une manière générale, en compétition, je mets de la musique qui bouge bien, des trucs bien trash, que ce soit du hip-hop, du rap, de la techno, etc. Ça me fait penser à rien, c’est que le son et le rythme de la musique, qui doit s’aligner sur mon rythme de grimpe.

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Quelle est la dernière personne à qui tu vas envoyer un message avant de prendre part à la compétition ?

Le dernier message que je vais envoyer, je vais l’envoyer à la famille, au travers un groupe WhatsApp où il y a toute avec ma toute famille, mes deux amis d’enfance et leurs femmes. Après, en privé, je vais envoyer un dernier message à ma compagne, avec qui je vais me marier dans peu de temps. Et à mon frère.

Tu auras réussi tes Jeux Olympiques si…….. ?

J’aurais réussi si……. [Bassa marque un temps de réflexion]. Non, en fait, j’ai déjà réussi ! Parce qu’être qualifié pour ces Jeux, c’est déjà un truc de fou ! Représenter la France aux Jeux de Paris, c’est un truc de taré ! Donc j’ai déjà réussi. Ces JO, ce ne sont pas juste des JO pour moi. Je pourrais les considérer simplement comme une compétition s’il y avait une suite ; mais pour ma part, il n’y en aura pas. Ils marquent vraiment la fin de ma carrière, alors pour moi, c’est un événement exceptionnel. C’est le dernier événement de ma vie ! C’est la dernière fois que je vais m’échauffer, la dernière fois que je vais côtoyer des gars avec qui je suis en compète à l’international depuis des années. C’est la dernière fois que je vais porter le maillot de l’équipe de France.

Donc j’ai déjà réussi mes Jeux en fait. Maintenant, je veux les terminer en beauté. À la fin de chaque entraînement, à la fin de chaque événement, de chaque saison, je me suis toujours dit que je voulais terminer à mon meilleur niveau. Le meilleur pour la fin. Nous y voilà.

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Quelle est la question qu’on ne t’a jamais posée en interview, mais à laquelle tu aimerais répondre ?

Mmmh c’est une bonne question ! Peut-être une question sur notre histoire. On est tellement particulier mon frère et moi ! On bosse tout le temps et on arrive quand même à produire de très belles choses. Aux yeux des autres athlètes, on passe pour des extraterrestres, parce qu’on travaille tellement à côté de nos vies d’athlètes, qu’ils se demandent comment on fait pour atteindre ce niveau-là, en bossant autant et en dormant si peu.

On ne me pose pas souvent la question « Pourquoi ? ». Pourquoi je me donne autant ? Pourquoi toute cette rage ? Pourquoi cette longévité ? Et si je devais y répondre, je dirais que c’est en réponse à une vie difficile. Le premier moteur de toute cette énergie, c’est la famille. On veut faire briller la famille Mawem. Le deuxième moteur, ce sont toutes les personnes qui n’ont pas cru en nous. Mon frère et moi on a toujours été dans le challenge, c’est-à-dire qu’à partir du moment où on nous dit clairement « ça va être compliqué » ou « vous n’allez pas y arriver », on va tout faire pour prouver le contraire ! Et je pense qu’on a prouvé suffisamment de choses maintenant…

Quelle est la première chose que tu feras une fois toutes tes épreuves terminées ?

Alors, la première chose que je vais faire déjà, c’est manger ! J’ai prévu de faire beaucoup de choses à la fin de ma carrière, mais la première d’entre-elles ça sera de manger (rires).

Ensuite, j’ai envie de faire la fête. J’ai envie de fêter la fin de ma carrière, de notre carrière à Micka et moi. J’ai envie de partir en vacances l’esprit libre, sans me dire « fais attention, reste actif, ne mange pas trop, il ne faut pas que tu reviennes avec trois kilos en trop, etc. ». Vivre une vie normale quoi ! Aller fêter les anniversaires de mes neveux, nièces, mes sœurs. Être présent pour eux, comme ils ont pu être présents pour mon frère et moi tout au long de ces années. J’arrive au bout d’une belle période de ma vie. Une période, c’est un début et une fin. Et là, c’est moi qui choisis la fin et je choisis la fin sur le plus bel événement de ma vie.

Alors, j’ai envie de dire merci à la vie, merci à tout le monde, merci, merci, MERCI !


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