Arthur Le Bris est-il le premier Français à flasher un 8B+ bloc ?
Arthur Le Bris a réussi à flasher « The Dagger » à Cresciano, en Suisse. Initialement coté 8B+, cette performance ferait d’Arthur le plus jeune Français à flasher un bloc de ce niveau. Pourtant, le Parisien ne s’attribue pas ce César. Nous sommes donc allés à sa rencontre pour en savoir plus.
C’est la mine triste qu’Arthur a quitté Valence le week-end dernier… Lui qui visait la gagne au Championnat de France a dû se contenter de la 23ème place, ne passant même pas le cap des qualifications. Pourtant, le jeune homme de 21 ans fait partie des espoirs de l’équipe de France. L’année dernière, il s’était imposé sur la Coupe d’Europe senior de Liébana en Espagne, ce qui lui avait permis de prendre part à ses premières Coupes du Monde. Mais cette saison, malgré ses objectifs ambitieux, Arthur est passé à côté du Championnat de France.
Ce qui ne l’a pas empêché de se rendre à Cresciano, en Suisse, pour passer sa frustration sur le rocher. Preuve de sa bonne forme du moment, Arthur a flashé « The Dagger » 8B+. Grimpé pour la première fois par Toni Lamprecht en 2003, ce bloc est l’un des plus populaires au monde, répété au fil des années par les meilleurs grimpeurs de la planète, tels que Dave Graham, Nils Favre, Daniel Woods ou encore Vadim Timonov. En décembre 2022, William Bosi parvenait également à flasher ce bloc.
« Tellement fier de rejoindre le cercle très fermé des meilleurs flasheurs mondiaux et de marquer l’Histoire en devenant le premier Français à réaliser une telle performance », a d’abord plaisanté Arthur Le Bris sur son compte Instagram. Une plaisanterie ? Qu’à moitié. Car si la cotation de « The Dagger » n’avait pas évolué, alors Arthur aurait bel et bien été le premier Français à flasher un 8B+, rejoignant le cercle très fermé des grimpeurs à l’avoir fait (Daniel Woods en 2011, suivi d’Adam Ondra, Jimmy Webb, Ned Feehally, Jakob Schubert, Tomoa Narasaki, Florian Wientjes et Will Bosi).
Mais pour Arthur, « The Dagger » ne peut pas valoir 8B+. Pour la simple et bonne raison que depuis la première ascension de Toni Lamprecht, de nouvelles méthodes ont été découvertes, rendant le passage plus facile. « J’ai la sensation que “The Dagger” vaut entre 8A+ et 8B », commente notre Français. Quoi qu’il en soit, cela reste une très belle performance de la part d’Arthur.
Afin d’en savoir un peu plus, nous nous sommes entretenus avec l’intéressé, juste après qu’il ait fait la croix. Voici notre entretien :
Le Championnat de France ne s’est pas très bien passé pour toi. Comment expliques-tu cette contre-performance, alors que tu avais l’air plutôt en forme ?
Effectivement, le Championnats de France était le deuxième objectif de l’année pour moi, après le sélectif où j’ai terminé sixième. Je me sentais en super forme avant de venir à Valence et je savais après le sélectif que je pouvais jouer la gagne… C’est peut-être ce qui m’a desservi. J’ai sûrement voulu sauter les étapes en pensant que les qualifications seraient une formalité. Pendant les qualifications, je réalise un début de tour moyen et j’ai commencé à paniquer dans les deux derniers blocs, sans réussir à me ressaisir. Le niveau en France est tellement dense que je ne peux pas me permettre de faire ce genre d’erreur à ce niveau-là, je l’ai bien vu ce week-end. Chaque année, je fais des erreurs et c’est inévitable. J’essaye simplement d’en tirer des leçons et de ne pas les reproduire.
Est-ce pour cela que tu as décidé de partir grimper dehors en Suisse ?
Mon trip en Suisse était déjà prévu avant cette contre-performance au Championnat de France. J’adore grimper dehors, mais avec les compétitions, c’est difficile de trouver des créneaux pour y aller. Alors après ce mauvais résultat en compétition, j’avais juste envie de me faire plaisir dehors.
Avais-tu pour objectif de flasher « The Dagger », ou bien est-ce arrivé par hasard ?
J’avais deux objectifs au cours de ce trip : flasher « The Dagger » et faire « Dreamtime ». Je savais que « The Dagger » était un bloc très à méthode, où il est assez facile de se perdre, surtout au premier run. J’ai pris le temps d’analyser le bloc et je me suis décidé sur une méthode qui me paraissait la plus adaptée à mon gabarit. Je suis venu avec des potes qui travaillaient le
bloc et qui m’ont donné leurs méthodes et leurs sensations dans les mouvements, ce qui m’a beaucoup aidé dans le processus de flasher.
Raconte-nous ton run d’enchaînement ?
Depuis deux heures, je travaillais « Dreamtime » sans grosse progression, alors je me suis dit que c’était le moment de mettre mon run flash dans « The Dagger ». Après avoir bien visualisé le bloc, j’ai décidé de mettre mon run.
Le crux est situé au début, sur les 4-5 premiers mouvements avec une section de gainage de pieds, que je passe rapidement sans trop de difficulté. Puis, il y a un passage no-foot pour envoyer les contre-pointes au-dessus de la tête, avant de finir dans une presse très à calage. La partie en presse est moins intense mais une seule petite erreur et c’est la chute. Quelques secondes plus tard je me retrouve prêt à rétablir dans la dalle finale de « The Dagger ». Je savais que j’en étais capable, mais c’est autre chose de le faire ! Je suis très heureux d’avoir réussi à flasher cette ligne.
Mentalement, est-ce difficile de flasher un bloc à ce niveau ?
Depuis quelque temps, je cherche à flasher un bloc de ce niveau, mais je n’avais encore jamais réussi. Je trouve le processus de flasher un bloc super intéressant ; être capable de réaliser un bloc de ton niveau max sans jamais avoir grimpé dedans. Mentalement, il faut arriver à grimper dans le bon tempo sans se crisper et ne pas se perdre dans les enchaînements de mouvements. C’est un exercice très particulier, qui demande une grande concentration.
Pour toi, quelle est la cotation du bloc ?
Le bloc a été ouvert à 8B+ à l’origine, mais depuis, de nouvelles méthodes ont permis d’optimiser le passage et de le rendre plus facile. C’est assez dur de donner un avis objectif sur un bloc en mettant un seul essai, mais si je devais donner mon avis, je pense que « The Dagger » serait entre 8A+ et 8B. On pourrait le comparer à « Riverbed », un 8A+/B de Magic Wood que j’ai réalisé il y a deux ans. Les mouvements et le type d’effort sont similaires.
Tu deviens le premier français et l’un des rares grimpeurs au monde à avoir flashé un 8B+, ça représente quoi pour toi ?
Pour moi « The Dagger » n’est clairement pas 8B+, donc je ne suis pas le premier français à flasher 8B+, et actuellement je ne pense pas encore être assez fort pour flasher 8B+, mais j’espère l’être un jour !
La vidéo d’Arthur Le Bris lors de son flash de « The Dagger » :
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