La grimpeuse iranienne Elnaz Rekabi est-elle toujours en danger ?
Elnaz Rekabi aurait été arrêtée et placée en résidence surveillée après des excuses « forcées ».
Le 16 octobre, la grimpeuse iranienne Elnaz Rekabi participait aux finales des Championnats d’Asie sans hijab. Les inquiétudes concernant sa sécurité se sont accrues après qu’elle ait été portée disparue à l’issue de l’événement. Trois jours plus tard, elle est apparue devant les caméras, s’excusant auprès des journalistes de ne pas avoir porté son hijab. Elle a publiquement déclaré que l’absence de son voile avait été un accident « totalement involontaire » après avoir été appelée plus tôt que prévu pour grimper.
Mais ses déclarations auraient été faites sous la contrainte. D’après la BBC perse, Rekabi aurait été arrêtée directement après son allocution télévisée. Accueillie à l’aéroport comme une héroïne par des centaines de personnes qui scandaient son nom, la grimpeuse ne serait pas rentrée chez elle. Portant un sweat à capuche et une casquette noire, elle a été vue montant dans un van après l’interview. Selon la BBC, elle a rencontré le ministre iranien des sports le lendemain, portant les mêmes vêtements, ce qui a éveillé les soupçons quant au fait qu’elle n’était pas rentrée chez elle.
Toujours d’après la BBC, Elnaz Rekabi serait maintenant assignée à résidence et certaines sources affirment que le frère de Rekabi aurait été arrêté également.
Mais le gouvernement iranien a indiqué que Rekabi était « maintenant avec sa famille », niant toutes les accusations. Pourtant, les forces de sécurité iraniennes ont l’habitude de punir les athlètes et les personnalités politiques dissidentes.
« Avant de se rendre à Séoul, Rekabi a été contrainte de remettre un chèque de 35 000 euros et d’accorder une procuration complète à la fédération iranienne d’escalade pour vendre les biens de sa famille », a déclaré la source à BBC. La rumeur veut que les athlètes soient tenus de remettre ce type de garanties pour éviter qu’ils ne fassent défection.
Pour cause, ces dernières années, une trentaine d’athlètes iraniens ont fait défection dans d’autres pays pour éviter d’être punis pour avoir protesté contre le régime ultraconservateur. Kimia Alizadeh, médaillée de bronze en taekwondo aux J.O de Rio en 2016 (et première médaillée olympique iranienne), s’est par exemple réfugiée en Europe après avoir annoncé qu’elle ne voulait pas faire partie de « l’hypocrisie, des mensonges, de l’injustice et de la flatterie. » Shohreh Bayat et Mitra Hejazipour, deux joueuses d’échecs iraniennes, ont quitté l’Iran après avoir été exclues de la fédération nationale pour ne pas avoir porté leur hijab. Saeid Mollaei, champion du monde de judo 2018, a refusé de rentrer en Iran après avoir défié les ordres de se retirer d’un match qui, s’il avait gagné, l’aurait opposé à un adversaire israélien (l’Iran a interdit aux athlètes de concourir face à des Israéliens). « Même si les autorités de mon pays me disent que je peux rentrer sans problème, j’ai peur », avait déclaré Mollaei. « J’ai peur de ce qui pourrait arriver à ma famille et à moi-même ».
Depuis quelques semaines, des manifestations (au cours desquelles plus de 250 personnes auraient été tuées et des milliers arrêtées), ont été déclenchées après la mort de Mahsa Amini, 22 ans, après son arrestation pour port de vêtements « inappropriés », dans le cadre du renforcement des restrictions imposées par le président Raisi.
Elnaz Rekabi, première grimpeuse iranienne à avoir été médaillée aux Championnats du Monde, est devenue un symbole du mouvement anti-régime qui a balayé l’Iran au cours des cinq dernières semaines. Il s’agit peut-être de la première révolution de l’histoire à être menée par des femmes. Les manifestants réclament de vastes réformes, notamment le port facultatif du hijab pour les femmes. La travailleuse caritative irano-britannique Nazanin Zaghari-Ratcliffe, qui a passé six ans en détention à Téhéran, pense que la popularité des manifestations entraînera un changement durable en Iran, affirmant qu’elles ont atteint un point de « non-retour ».