L’histoire incroyable de James Pearson qui enchaîne son premier 8C bloc !
Alors que tout semblait perdu et qu’il était déjà sur le chemin du retour, James Pearson a décidé de provoquer la magie de l’escalade. Celle qui transforme le dernier essai désespéré en run victorieux. C’est ainsi que le Britannique a fait demi-tour, a renfilé ses chaussons et réalisé la troisième ascension de ce qui est aujourd’hui le bloc le plus dur d’Albarracín, en Espagne.
« Junero Sit » est le premier 8C bloc que James Pearson enchaîne. Plutôt connu pour ses performances en trad, depuis que Caroline Ciavaldini et lui sont devenus parents, il consacre plus de temps à la pratique du bloc. James comptait déjà plusieurs croix en 8B à son actif, et en février 2020, il avait réussi à enchaîner son premier 8B+, signant la première ascension de « Ba-Boom », à Alcañiz.
C’est le grimpeur local Rubén Díaz qui a libéré « Juneru Sit » en octobre 2020, proposant la cotation de 8C. Cette ligne, située entre deux classiques (« El Apeadero » 8A et « Esperanza » 8A+) était l’un des plus vieux projets d’Albarracín. Nacho Sánchez a répété ce bloc en avril dernier, confirmant la cotation proposée par Rubén Díaz.
Le jour de son enchaînement, rien ne laissait présager que James Pearson allait fait la croix. Ce jour-là, le grimpeur de 36 ans a même failli annuler sa séance de grimpe avant même de partir. En effet, le brouillard s’était installé et une fine pluie tombait. Malgré tout, il a décidé de prendre son crash pad et de se rendre au pied du bloc.
La suite de cette journée incroyable, c’est James en personne qui nous la raconte :
« Je me suis échauffé comme d’habitude, puis j’ai commencé à essayer les mouvements. Je voulais essayer le pas du coincement de genou intrinsèquement, pour voir si j’allais enfin percer l’énigme, mais je n’ai même pas réussi me mettre en place depuis mon échelle, mon majeur gauche refusant de tenir la minuscule prise en inversé. J’ai donc commencé à essayer les premiers mouvements du bas, dans l’espoir de trouver un peu d’énergie inespérée, mais je zippais sans cesse… Les choses ne se présentaient pas bien !
Quelques essais plus tard, je me suis battu désespérément et j’ai réussi à atteindre le coincement de genou. Je me suis donc appliqué et j’ai travaillé la position de mon corps délicatement, pour me donner toutes les chances de réussir. Mon genou était parfaitement calé, il tenait, alors j’ai monté ma main gauche, ça marchait, je tenais, j’y arrivais enfin… Et puis….. Boum, j’ai heurté le crash pad ! Mes articulations étaient couvertes de sang.
J’ai mis quelques runs supplémentaires, mais je me sentais vide et épuisé. Lors d’un énième essai, je suis tombé au premier mouvement, sans même avoir le temps d’arquer la prise, j’ai donc décidé que c’était assez pour aujourd’hui. J’ai remballé mes affaires et j’ai commencé à marcher en direction du parking. Mais sur le chemin du retour, je me suis souvenu des héros d’escalade dans les films de ma jeunesse, des gens comme Chris Sharma, qui enchaînaient toujours leur projet le dernier jour, lors de leur dernier essai, au tout dernier moment, quand les choses semblaient perdues. Cela n’avait jamais marché pour moi, mais pour une raison quelconque, ce jour-là, j’ai décidé d’y retourner, pour un dernier essai.
Je pense que c’est la première fois que je me suis autant battu dans un bloc ! J’étais sûr que j’allais tomber à chaque mouvement, mais à chaque fois, je parvenais à tenir et à passer au suivant. Quand je suis arrivé au coincement de genou, je me sentais tellement mal que je n’ai même pas essayé de me placer correctement, je me suis contenté de me lancer désespérément pour aller chercher la prochaine prise. Quand je l’ai attrapée et que j’ai réalisé que je la tenais, j’ai soudainement été ramené dans l’instant présent, prenant conscience de ce que je venais de faire, mais aussi de mon épuisement total. Les trois mouvements suivants, normalement beaucoup plus faciles que les autres, ne m’ont jamais paru aussi durs, mais il était hors de question que je tombe ou du moins que j’abandonne sans avoir livré le combat de ma vie. Je me suis traîné jusqu’au sommet du bloc et je suis resté là, assis au sommet, à regarder les crash pads en souriant. C’était un moment très fort. »
James Pearson