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Baptiste Dherbilly signe la première répétition de « Salamandre » 9a/b en Haute-Savoie !

Baptiste Dherbilly dans le crux de "Salamandre" | © Etienne Seppecher

Le grimpeur haut-savoyard Baptiste Dherbilly a récemment signé la première répétition de « Salamandre » 9a/b à Double Cache, liberée par Fred Rouhling en 2007 et restée vierge d’ascension pendant près de dix ans. Très peu de voies réalisées par Fred ont été répétées, rendant cette ascension l’une des plus belles de la région. Et bien que comptant déjà quelques 8c et 8c+ à son actif, il s’agit là de la première voie dans le neuvième degré pour Baptiste.

Bien plus qu’une simple voie, « Salamandre » représente beaucoup pour ce jeune homme de 24 ans, qui revient avec nous sur cette aventure.

Retour en détails sur l’histoire de la première répétition de cette voie.

Un rêve de gosse ?

Étant enfant, nous avions tous des posters de nos idoles, trônant fièrement au-dessus de notre lit. Michael Jordan, Roger Federer, Zinedine Zidane… Pour Baptiste Dherbilly, c’était Fred Rouhling, pendu du bout des doigts dans le crux de « Salamandre ». Dans sa chambre parisienne, cette photo représente pour lui une vraie source de motivation.

Cette voie était un mythe pour moi. En effet j’ai débuté l’escalade dans un gymnase en région parisienne et le poster de Fred a été mon premier poster affiché dans ma chambre. Je me suis installé plus près des montagnes que quelques années plus tard, pour mes études.

Qui aurait cru que quinze ans plus tard il figurerait à la place de Fred Rouhling ? Cette même position, dans ce même crux… Après l’avoir contemplé toute son enfance, Baptiste allait le vivre, l’incarner, écrire sa propre histoire.

Durant des années, cette image au-dessus de mon lit m’a vraiment fait rêver. Je voulais voir si j’étais capable de réaliser ce mouvement et cette voie. Dès la première montée, j’ai trouvé que cette ligne avait quelque chose. Quelque chose de spécial, qui la rendait unique. J’ai tout de suite eu envie de m’investir.

L’aventure était lancée.

La voie.

Située sur la falaise de Double Cache, en Haute-Savoie, « Salamandre » (aussi connue sous le nom de « Attendez Piéton ») fut ouverte par François Ducastel, équipeur actif de la région et auteur de bon nombre de voies dures locales.

Une « Action Direct » à la française, qui demande une force incroyable dans les doigts, notamment dans le crux où les mono, bi et tri-doigts sont de rigueur. Cotant entre 9a et 9b, Fred Rouhling, ayant réalisé la première ascension, ne s’est jamais vraiment prononcé clairement sur la cotation, bien que le 9a+ semble probablement la difficulté la plus adéquate.

Alors qui de mieux pour nous décrire la voie que Baptiste lui-même ?

La voie fait environ 27 mètres. Tout commence par une approche d’une quinzaine de mètres, cotant autour de 8a. On franchit ensuite un premier surplomb et on arrive dans une belle coulée bleue. À partir de là, cela devient assez pauvre en prises… Il faut se mettre en place avec un tri-doigts main gauche et une pince plate dans l’autre main pour attraper ce fameux mono avec le majeur main droite. Ensuite, il faut envoyer la boîte et les clous dans un bi qui n’est pas si mauvais, mais mal orienté !

Décomposition du crux | © Etienne Seppecher

Pour moi, ce mouvement est un vrai condensé de l’escalade: aléatoire, précision, déséquilibre, contrôle et engagement. Ensuite il y a encore 7/8 mouvements difficiles avec un deuxième mono bien meilleur mais difficile à aller chercher, avec des petits pieds. Pour finir la section, on bascule son poids du corps sur une mauvaise épaule plate main gauche avant de tout envoyer sur un bon carré.

Du mythe à la réalité…

La transition entre le rêve et l’enchaînement ne s’est pas faite en un claquement de doigts. Durant deux mois, Baptiste ira environ deux fois par semaine dans son projet. Une cinquantaine de runs au total, répartis sur 17 séances.

Parvenir à réaliser ce crux, encore et encore. Puis réaliser des connexions depuis le bas, entre les différentes parties de la voie. Petit à petit, son corps acquiert les mouvements, et le rêve rentrait alors dans le domaine du possible.

Dans un premier temps il a fallu réaliser le crux en lui-même. Cela m’a pris deux séances pour réussir à attraper le mono et trois de plus pour réaliser le crux.

Ensuite, il m’a fallu travailler la mise en place et le mouvement en lui-même pour y arriver de façon plus fréquente.  La question suivante était de savoir si je pouvais le réaliser dans l’enchaînement. Je suis tombé plusieurs fois après ce crux. À partir de là je commençais à regarder la voie dans son ensemble et j’essayais de penser au maximum à chacun des mouvements tout en me disant que tout était possible.

Concentration dans le début de la voie | © Nicolas Mattuzzi

Cela s’est avéré frustrant car il y avait des séances où je tombais après le crux et puis la séance d’après, je me retrouvais pendu à la dégaine sous le crux, sans avoir l’impression d’avoir grimpé. 

Cet aspect aléatoire est devenu intéressant, mais très frustrant également.

Contrairement à Fred Rouhling, je n’ai pas fait de séances spécifiques sur pan Güllich, étant donné que j’allais dans la voie 1 à 2 fois par semaine. Par contre je me suis ouvert un bloc à Cortigrimpe, dans la salle où je travaille, en essayant de reproduire au mieux le crux. 

J’ai également visionné des dizaines de fois la vidéo de Fred dans la voie, ainsi que mes propres runs. Il fallait à tout prix que je démystifie ce mouvement extrême !

Une première répétition pour les 10 ans de « Salamandre » !

Il aura fallu attendre quasiment 10 ans jour pour jour pour que cette voie soit enfin répétée. En ce jeudi 26 Octobre, les conditions sont toujours aussi bonnes que depuis ces derniers jours. Après être tombé à deux reprises dans les derniers mouvements de la voie quelques jours plus tôt, Baptiste est de retour au pied de la voie.

Finalement, à midi, son deuxième essai de la journée sera le bon. Après un gros combat physique, il parvient au sommet de la voie. Son projet, son mythe, venait de se concrétiser.

C’est ma première voie dans le neuvième degré, mais je pense qu’il faut voir au-delà de la cotation. Certes, il ne faut pas se mentir non plus, bien sûr que la cotation compte, mais ce qui m’a avant tout attiré dans cette voie, c’est son caractère et son côté extrême pour mon niveau.

Aujourd’hui cette voie représente un accomplissement personnel et une réelle aventure collective durant laquelle j’ai pu partager des instants passionnants. C’est surtout cela que je veux retenir, au-delà même de la cotation.

Je cherche vraiment à pousser mon escalade à son maximum. J’ai arrêté la falaise pour me lancer dans l’ouverture d’une salle d’escalade dans laquelle je travaille toujours. Cela fait deux ans maintenant et j’ai ressenti ce besoin de me lancer dans un nouveau projet, un nouveau défi… Et cette voie correspondait totalement à cela. Après avoir réalisé d’autres voies comme « Ordalie » et « XV station » je me suis dit « pourquoi ne pas essayer un cran au-dessus ? »

Le run de 12h00: le caillou froid, mais le dos au soleil ! | © Nicolas Mattuzzi

Alors comment cela se fait qu’une telle voie n’ait pas connu de répétition plus tôt que cela ?

À dire vrai je ne sais pas trop, commente Baptiste. Pourtant il y a beaucoup de forts grimpeurs dans notre région. Après il faut trouver le temps, les assureurs et les conditions. Il faut aussi avoir l’envie de s’investir quand on est juste dans le niveau. Les premières séances peuvent s’avérer frustrantes car on passe plus de temps dans le baudrier qu’à réellement grimper… 

Mais j’invite vraiment les grimpeurs à aller faire un tour sur la falaise, Double Cache, dans laquelle on trouve quelques bijoux d’escalade.

À l’époque, les voies ouvertes par Fred Rouhling, premier français dans le neuvième degré, avaient fait couler beaucoup d’encre. Mais peu de grimpeurs furent capables de répéter ses voies. Pour preuve, l’ascension de « Salamandre » par Baptiste est seulement la troisième voie de Fred à connaître une seconde ascension. Alors qu’en pense-t-il ?

L’époque dont tu parles, je ne grimpais pas encore, je n’étais même pas encore né à l’époque d’Akira donc je ne me prononcerais pas sur ces polémiques que je n’ai pas vécu. Tout ce que je peux dire c’est bravo à François Ducastel d’avoir laissé la voie intacte et bravo à Fred d’avoir pensé que c’était possible et d’avoir réalisé la première.

Ensuite, j’ai un peu côtoyé Fred ces derniers temps et je peux te dire que c’est quelqu’un de sympathique et surtout de très fort malgré qu’il ait moins grimpé ces derniers temps. Après le reste appartient au passé et ne me regarde pas. Je me trompe peut-être mais personnellement je n’ai pas de doute sur ses réalisations. C’était une autre époque et aujourd’hui l’escalade a évolué. Donc pas de jugement.

À peine Baptiste avait clippé la chaîne de « Salamandre », qu’il se tournait déjà vers d’autres projets:

Contrairement à ce que l’on peut penser, il reste de nombreuses voies à libérer ou à répéter dans la région. D’ailleurs j’invite les grimpeurs à venir faire un tour sur les spots de Haute-Savoie, c’est avec plaisir que je leur ferais découvrir les anciennes pépites du coin 😉

Si les conditions le permettent j’aimerais bien m’atteler à un projet sur la falaise du Suet et j’ai également des projets de grandes voies : avis aux motivés !!! 🙂

Pour conclure j’aimerais remercier toutes les personnes motivées (elles se reconnaîtront), m’ayant accompagné lors de toutes ces séances.

En attendant une vidéo complète qui sortira prochainement, voici de quoi vous tenir en haleine:

Publié le : 29 octobre 2017 par Nicolas Mattuzzi

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