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Escalade et nutrition – Le gras: un faux problème !

- Le 07 janvier 2020 -

Bientôt 20 ans que le Programme National Nutrition Santé nous rebat les oreilles avec des consignes du type « Pour votre santé, mangez moins gras… », injonctions complétées par un système de notation des aliments, le nutri-score, qui devrait permettre aux consommateurs de choisir les aliments les plus sains dans les rayons des supermarchés et qui estampille d’un D majuscule la moindre bouteille d’huile ou conserve de sardines. A cela s’ajoute la multiplication des aliments allégés en graisses et des régimes qui prônent (entre autres) la cuisson vapeur et le 0% de matière grasse, comme si l’éradication du gras de la nourriture pouvait éradiquer le gras qui s’installe autour de notre ventre. Mais est-ce vraiment aussi simple ?

On prend du poids lorsque nos apports énergétiques sont supérieurs à nos dépenses. Un raisonnement simpliste consisterait à penser qu’il suffit de diminuer les apports ou d’augmenter les dépenses pour revenir à l’équilibre et retrouver son poids de forme. C’est justement ce raisonnement qui incite traquer tous les aliments riches, notamment en graisses, pour les éliminer de l’alimentation car on apprend en école de diététique, mais aussi à la télévision ou à la cantine que les lipides apportent deux fois plus de calories que le glucide ou les protéines. Donc logiquement, éliminer le gras de l’alimentation revient à éliminer une bonne partie des calories ingérées. De là à penser que ce faisant, les apports énergétiques reviennent à l’équilibre avec les dépenses, il n’y a donc qu’un pas. Ce que ce raisonnement oublie, c’est que se priver de gras, c’est d’une part priver son organisme de nutriments indispensables et d’autre part atténuer la sensation de rassasiement et du coup…manger plus !

En effet, si les matières grasses ont toutes le même apport énergétique, le détail de leur composition est quant à lui bien différent. On distingue plusieurs types de graisses, classées selon des critères de saturation des atomes de carbone au sein des molécules. Plutôt que s’attarder sur ces considérations biochimiques, retenons que les acides gras essentiels (dénomination liée au fait que le corps ne sait pas les fabriquer lui-même) qui contribuent au bon développement du cerveau[1] et au fonctionnement du système immunitaire[2], se trouvent dans l’huile de colza, de lin, dans la graisse de canard et d’oie. Les autres huiles (olive, tournesol, arachide etc) apportent quant à elles des acides gras en majorité non essentiels mais intéressants en cuisine de par leur goût et leur stabilité à la cuisson. Cela étant, s’agissant des autres graisses telles que l’huile de palme, les mono et di-glycérides d’acides gras et les huiles hydrogénées (présentes dans les margarines et les aliments ultra-transformés), il est préférable de les éviter au maximum tant pour des considérations sanitaires qu’écologiques. En effet, la production d’huile de palme est responsable d’une catastrophe écologique en Indonésie et en Malaisie de part la déforestation et la dérégulation des écosystèmes qu’elle engendre[3]. De leur côté, les mono et di-glycérides d’acides gras, aussi connus sous l’appellation E 471, sont soupçonnés de favoriser l’apparition de maladies inflammatoires de l’intestin[4], de l’obésité et du diabète. Par ailleurs, les huiles qui subissent un traitement pour être solides à température ambiantes (hydrogénation), longtemps plébiscitées, sont désormais tombées en disgrâce à la suite d’études scientifiques publiées au début des années 2000 et montrant une augmentation du risque cardiovasculaire en lien avec leur consommation[5].

Sur le plan de la relation entre gras et rassasiement, il faut bien comprendre que le goût pour le gras est inné…jusqu’à une certaine dose. Il a même fait l’objet de recherches récentes qui concluent notamment à l’existence de récepteurs gustatifs spécifiques et catégorisent le gras comme une saveur de base, à l’instar de l’amer ou du salé[6].

On savait déjà que les matières grasses possèdent une force gustative liée à la sensation tactile agréable laissée sur la langue et dans la bouche ainsi qu’à leur capacité à solubiliser les molécules volatiles qui composent les arômes. En d’autres termes, les aliments sont meilleurs avec du gras, le leur ou celui qu’on ajoute en cuisine, tandis que leur goût est moins bien perçu si on le leur retire (il suffit de comparer du formage blanc ordinaire et du 0% pour s’en convaincre). Cette même étude a aussi prouvé que, contrairement à une idée reçue, l’appétence pour le gras n’est pas infinie : à partir d’une certaine concentration en lipides, les sujets éprouvaient du dégoût pour les échantillons testés. Cela conforte l’idée que la perception du goût est un élément fondamental dans le processus de rassasiement. En effet le rassasiement, c’est à dire ce qui nous fait perdre de l’intérêt pour l’aliment que nous sommes en train de consommer, est directement relié à nos sens et lorsque l’un ou plusieurs de nos sens sont saturés, l’attrait pour l’aliment diminue. C’est ainsi, par exemple, que le croustillant d’une biscotte sature l’ouïe ou au contraire, l’absence de bruit d’une purée finit par lasser. De même, lorsqu’on mange de manière attentive, on se rend compte que le goût d’un plat semble perdre en intensité au fur et à mesure que notre assiette diminue : il s’agit simplement du phénomène naturel de saturation des papilles.

Lorsqu’on cuisine tout à la vapeur ou qu’on consomme des aliments allégés, cette saturation intervient beaucoup plus tardivement, c’est à dire avec une quantité d’aliments plus importante que pour des aliments cuisinés avec un peu de graisse ou des aliments en contenant naturellement. La quantité ingérée étant plus importante (sans parler des adjonctions de sucre dans les produits allégés), sur le long terme il en résulte une prise de poids : manger light fait grossir.

En résumé, comme disait le philosophe[7] : le gras, c’est la vie. Eradiquer les graisses n’est pas la solution pour garder un tour de taille compatible avec son sport préféré et rester bien collé à la paroi. Au contraire, en consommer suffisamment et de bonne qualité permet de rester en bonne santé et de ressentir les signaux de rassasiement envoyés par le corps, signaux qui permettent de consommer les justes portions et de garder un poids de forme. Et pour éviter les huiles hydrogénées, l’huile de palme et autres additifs néfastes, la solution est simple : transformer soi-même les aliments. Une bonne fondue maison vaut mieux qu’un surgelé allégé !

[1] https://presse.inserm.fr/les-omega-3-indispensables-pour-le-cerveau-des-ladolescence/28815/

[2] https://www.futura-sciences.com/sante/actualites/medecine-omega-3-boostent-systeme-immunitaire-45613/

[3] https://www.geo.fr/environnement/huile-de-palme-ses-veritables-consequences-sur-lenvironnement-193387

[4] https://www.quechoisir.org/comparatif-additifs-alimentaires-n56877/e471-mono-et-diglycerides-d-acides-gras-p223785/

[5] https://www.anses.fr/fr/content/les-acides-gras-trans

[6] Cordelia A. Running, Bruce A. Craig, Richard D. Mattes, Oleogustus: The Unique Taste of Fat, Chemical Senses, Volume 40, Issue 7, September 2015, Pages 507–516, https://doi.org/10.1093/chemse/bjv036

[7] https://www.youtube.com/watch?v=x2QBDQXn3iU

 

Texte: Amandine Verchère

Publié le : 07 janvier 2020 par Charles Loury

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