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2017, la plus grosse année de l’Histoire de l’escalade !

- Le 23 décembre 2017 -

Oui, cette année 2017 a cassé les codes, repoussé les limites de notre sport. Jamais auparavant nous n’avions connu de telles performances, que ce soit chez les hommes ou chez les femmes.

L’invention d’une nouvelle cotation, des performances féminines hallucinantes et des personnalités qui dépassent leurs limites physiques et mentales… Oui, cette année 2017 a été riche.

Jusqu’à il y a cinq ans, seulement une dizaine de grimpeurs étaient capables d’enchaîner du 9a+, et une poignée de femmes grimpaient dans le 8c+. Cette année, nous avons vu trois fois plus d’hommes dans le 9a+ et de femmes dans le 8c+. En bloc, le constat est le même. Record de grimpeurs dans le 8C+ et de femmes dans le 8A+.

Retour sur les performances les plus marquantes de ces douze derniers mois.

26 février 2017 : Margo Hayes – « La Rambla » 9a+

© Matty Hong

Il n’aura pas fallu attendre longtemps pour comprendre que cette année 2017 allait bouleverser les standards.
Nous sommes le 26 février 2017, cette photo fait le tour du monde. Margo Hayes, la jeune prodige américaine de 18 ans, enchaîne « La Rambla ». Un mythe. « La Rambla » c’est l’un des 9a+  célèbres du monde. Située à Siurana, en Espagne, elle a été gravie par les plus grands : Sharma, Usobiaga, Ondra, Megos, Ghisolfi, Bouin… qui ont tous confirmé la cotation.

Ainsi, quand Margo Hayes annonce la première ascension féminine de cette voie, le monde de la grimpe est en délire. C’est la première fois qu’une femme vient à bout d’un 9a+ dont la cotation est confirmée. Car en 2015, la jeune Ashima Shirishi avait réalisé à 13 ans « Open Your Mind Direct », une voie initialement cotée 9a, mais qui vaudrait 9a+ depuis la casse d’une prise dans la partie finale. Mais depuis, personne n’a jamais répété la voie pour confirmer la cotation.

« La Rambla » aura demandé une semaine de travail à Margo. Une période courte pour une voie d’un tel niveau.

« J’étais en bonne forme physique, mais plus important encore, j’étais déterminé. Je pense que c’est finalement ce qui a rendu cela possible. L’esprit est si puissant ! »

Si déterminée que pour la petite anecdote, Margo a repoussé son vol retour, initialement prévu le jour de l’ascension, pour pouvoir disposer d’une journée de grimpe supplémentaire, se sentant proche du top. Une journée qui s’avérera fructueuse, puisque la jeune américaine fera la croix en ce 26 février.

« Au moment où j’ai clippé la chaîne, j’ai commencé à pleurer. Je me sentais submergée par l’excitation ! Je ne m’attendais pas à autant d’émotions. »

Sept mois plus tard jour pour jour, la jeune américaine était de nouveau sur le devant de la scène. C’est dans un autre mythe de l’escalade que Margo avait jeté son dévolu : « Biographie », probablement le 9a+ le plus célèbre du monde.

Après avoir travaillé la voie au début de l’été, c’est finalement le 24 septembre qu’elle atteindra le sommet. Après avoir été la première femme de l’Histoire à enchaîner un 9a+, Margo Hayes devenait la première grimpeuse à compter deux 9a+ à son actif.

03 juin 2017 : Alex Honnold – « Freerider » 7c, 1000m en solo

© National Geographic

Samedi 03 juin. Sous le soleil encore matinal, Alex Honnold atteint tranquillement le sommet de « Freerider ». Pas de corde accrochée à son baudrier. D’ailleurs, il n’en porte même pas. Oui, Alex vient de frapper fort. L’américain vient tout juste d’escalader en solo intégral El Capitan, cet énorme monstre de roche que tout le monde a déjà vu en photo. 1000 mètres de grimpe, sans aucune protection ni aucune sécurité dans « Freerider », une grande voie qui dont la cotation max est de 7c.

Un kilomètre vertical des plus extrêmes, la prouesse la plus dangereuse jamais réalisée de l’Histoire de l’escalade.

« Quand j’ai commencé à me mettre en tête cette ascension en solo de « Freerider », il y avait une demi-douzaine de longueurs où je me disais « Ooh c’est un mouvement effrayant ça, et là, c’est une séquence qui fait peur, et cette dalle-là, et cette traversée aussi et… » Il y avait tant de passages où je me disais « Ouuuuh ». Mais depuis quelques années, j’ai repoussé ma zone de confort, de plus en plus, jusqu’à ce que des objectifs qui me semblaient complètement fous, rentrent finalement dans le domaine du possible. »

Il est difficile de s’imaginer l’engagement mental et physique que demande un tel exploit. Un big wall plus haut que la plus grande tour du Monde, qui a longtemps fait rêver les grimpeurs de la planète entière.

Ayant quitté le sol à 05h32 du matin, l’ascension complète lui aura demandé 03h56 d’effort. L’ascension de sa vie, qui, à tout moment, pouvait la lui coûter. Mais rien n’avait été laissé au hasard par l’américain, qui planifiait cet enchaînement depuis des années. Un rêve de gosse qui lui avait demandé des heures et des heures de préparation. Tout devait être calé au millimètre. Sa forme physique, mentale, ses chaussons, le taux d’humidité, le vent, la température, le timing… tout devait être réglé à 200%. L’année dernière, Alex avait déjà tenté l’ascension, mais avait dû rebrousser chemin en pleine voie, suite aux mauvaises conditions météorologiques.

Finalement, ce samedi matin de juin sera le bon. Après avoir avalé les 600 premiers mètres, Alex atteignait le véritable crux de cette grande voie. Un pas de bloc en dalle, où il faut tenir une unique prise de main de seulement 3mm d’épaisseur. Un passage extrêmement technique, où l’erreur est fatale. Calme, concentré, maîtrisant sa respiration, Alex passera le mouvement sans encombre. Quelques minutes plus tard, il se rétablissait au sommet d’El Capitan, souriant à la vie.

03 septembre 2017 : Adam Ondra – « Silence » 9c

Trois mois jour pour jour après cet exploit inouï, c’est un autre type de performance qui faisait trembler la planète grimpe. Le meilleur grimpeur du monde venait de réaliser la voie la plus dure du monde.

Adam Ondra enchaînait « Silence » en Norvège, et créait ainsi la cotation de 9c. Des années et des années d’acharnement. De remise en question, de doutes, de colère, d’énervement, de joie, de cris… et de silence. Car c’est dans un profond silence que s’est achevé ce projet. Le projet d’une vie pour Adam. Lui qui est pourtant habitué à extérioser sa rage avec ses cris stridents, ne parvient à laisser exploser sa joie au moment de clipper le relais.

Car oui, en ce premier dimanche de septembre, Adam Ondra a atteint le sommet de « Silence ». Une voie au style unique, qui compte plus de sept coincements de genou, et de nombreux passages la tête à l’envers. Des mouvements de contorsionniste, comme il n’en existe nul part ailleurs.

45 mètres d’escalade. Tout d’abord 20 premiers mètres en 8b, avant que les choses sérieuses commencent. Et elles commencent fortement. Un crux en 8C au style unique au monde, où il faut se retourner puis coincer son chausson à l’intérieur d’une fissure étroite, avant de pivoter autour de son genou pour se redresser, le pied toujours coincé dans la fissure. « Quand nous l’avons vu grimper dans le premier crux, qui est le plus dur, nous étions tous sans voix au bas de la grotte. Il l’avait passé de manière si parfaite ! À ce moment, je me suis mise à pleurer. Je savais que s’il ne tombait pas là, alors il allait enchaîner la voie. » commente Iva Vejmolová, sa compagne, au pied de la voie au moment de l’enchaînement.

Mais ce n’est pas terminé. La voie se poursuit dans un deuxième crux extrêmement exigeant, coté 8B bloc à lui seul.

Puis, avant d’attendre la fin de la voie, il faut passer par un troisième crux, coté 7C+. Et entre tout cela, des mouvements aléatoires et des repos que seul Adam est capable d’appréhender.

Après plus de quatre ans d’un travail intense, Adam Ondra vient, en ce 3 septembre 2017, d’enchaîner la voie la plus dure de la planète.

« Pour moi, c’est incontestablement le plus bel accomplissement de ma carrière de grimpeur. C’est ce que j’apprécie le plus, une voie dans laquelle j’ai mis beaucoup d’efforts et où j’ai dû aller puiser très loin dans mes ressources. Maintenant que ce projet est devenu réalité, c’est juste exceptionnel ! C’est une expérience unique et tellement intense. »

06 Septembre 2017 : Anak Verhoeven – « Sweet neuf » 9a+

© Sebastien Richard

Après l’incroyable ascension d’Adam Ondra, nous n’avions pas encore eu le temps de reprendre nos esprits qu’une autre performance voyait le jour. Enchaîner un 9a+ ? Ce n’était qu’une question de temps pour Anak Verhoeven.

La belge en effet profité de la coupure des compétitions internationales pour aller se ressourcer en plein air, en falaise. Et c’est dans le Vercors, en France, qu’Anak posera ses valises.

Très vite, elle s’attaque à son projet : « Sang neuf », un 9a ouvert par Quentin Chastagnier, mais resté vierge d’ascension malgré les assauts à répétition de quelques forts grimpeurs. Durant ce petit séjour français, il ne faudra que trois essais à la belge pour venir à bout de cette voie, devenant ainsi la première gimpeuse de l’Histoire à signer la première ascension d’un 9a.

Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Était-il possible pour Anak de regrimper cette voie, et de la poursuivre dans « Home Sweet Home » 8c+ ? Ni une ni deux, la belge renoue la corde à son baudrier. Elle enchaîne de nouveau les 15 mètres déversants de « Sang neuf », et continue son chemin dans « Home Sweet Home ». Anak atteint le sommet de cette nouvelle ligne, qu’elle nomme « Sweet neuf », proposant 9a+.

Ainsi, c’est seulement la deuxième fois qu’une grimpeuse atteint la cotation mythique de 9a+, et c’est  la première fois qu’une femme signe la première ascension d’une voie d’un tel niveau.

Mais ce n’est pas tout, la folle année d’Anak Verhoeven n’était pas encore terminée ! Il y a quelques jours, c’est en Espagne que la belge a fait parler la poudre. Elle enchaînera ultra rapidement « Ciudad de Dios » 9a/9a+, sûrement l’ascension la plus rapide d’une voie de ce niveau par une femme.
Puis, afin de couronner l’année en beauté, elle viendra à bout de « Ciudad de Dios pa la Enmienda », qui n’est autre qu’une extension de son 9a/9a+ grimpé quelques jours plus tôt. Difficile pour elle de s’exprimer sur la cotation, mais ajouter encore un 8c à un 9a/9a+ rend la cote très très haute…

Et tout cela, après avoir participé à plus d’une dizaine de compétitions internationales dans l’année, la saison s’étant soldée par huit podiums !

22 Octobre 2017 : Angela Eiter – « La Planta de Shiva » 9b

© Elias Holzknecht

Elle n’avait prévenu personne. Elle n’a pas fait de bruit, pas fait de vague. Cette ascension a été une surprise pour tout le monde. Pourtant la performance est bel et bien là. Et quelle performance ! On parle là de la plus grosse performance féminine de l’Histoire. En effet, l’autrichienne Angela Eiter venait de devenir la première femme à enchaîner un 9b.

Cette ascension est le fruit d’un travail de longue date. Elle en avait parlé à peu de monde, mais la multiple championne du monde travaillait la voie depuis 2015. « J’ai immédiatement compris que cette voie était faite pour moi. Elle me fascinait. »

Au total, Angy se déplacera en Espagne à sept reprises durant les deux dernières années pour travailler la voie. Si réaliser chaque mouvement individuellement ne lui posera pas trop de problèmes, enchaîner l’intégralité de la voie aura été une autre histoire.

« Mes essais ont été en proie à de nombreux moments très frustrants. Je n’ai jamais réussi à relier les mouvements de la section la plus dure avant octobre de cette année. Et quand Jakob Schubert a signé la deuxième ascension de cette voie début 2016, et après qu’il ait expliqué avoir mis le combat de sa vie lors de son run d’enchaînement, je dois dire que ça m’a beaucoup intimidé. J’ai commencé à me demander si j’avais vraiment choisi la bonne voie à travailler… »

Ajoutez à cela la casse de deux prises dans la voie, et le fait qu’Angy se blesse au doigt et aux ischio-jambiers… et vous obtenez une grimpeuse pleine de doutes. « Cela m’a tellement frustré qu’au bout d’un moment, je me suis dit « Malheureusement, tu vas devoir abandonner… »

Mais la détermination sans faille de l’autrichienne a pris le dessus sur ses doutes. Non, Angy n’allait pas abandonner. Bien qu’extrêmement dure, elle prenait tout de même du plaisir dans cette voie. Tant et si bien qu’en mai dernier, ses sensations dans la voie sont au mieux. Puis quelques mois plus tard, en octobre, elle parvient pour la première fois à enchaîner la deuxième section. « Là j’ai réalisé et je me suis dit « Maintenant tu vas devoir mettre de vrais essais ! ». »

Deux jours plus tard, en cette journée du 22 octobre, l’autrichienne atteignait le sommet de « La Planta de Shiva » 9b, devenant la première femme de l’Histoire à atteindre ce niveau.

Car il est important de se remémorer que seuls 2 grimpeurs dans le monde ont atteint la cotation du dessus, le 9b+ : Chris Sharma et Adam Ondra.

Publié le : 23 décembre 2017 par Nicolas Mattuzzi

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