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Dans la tête d’un routesetter…

Le routesetting, depuis quelques années, évolue et se professionnalise. En ce sens, même si les écrits à son sujet se trouvent assez limités, chaque contribution pousse la discussion un peu plus loin. Dans un milieu où le partage de l’information dépasse rarement le niveau individuel, c’est-à-dire que les ouvreurs apprennent en travaillant ensemble sur le terrain plutôt que par le partage de connaissances de façon publique (livre, articles, blogue, entre autres), on semble valoriser l’aspect pratique aux dépens de la croissance théorique ou même philosophique du routesetting. En soi, cette approche peut probablement être expliquée par la jeunesse du métier.

Par contre, cela ne signifie pas que cette rigueur intellectuelle n’existe pas au niveau du routesetting. Plusieurs ouvreurs possèdent une compréhension du routesetting très complexe et structurée, mais ce type de discussion reste habituellement “entre quatre murs”, rendant son partage ainsi que les discussions subséquentes plus difficiles. Il est important de mentionner qu’il existe des exceptions à cette situation, par exemple avec les cliniques d’ouvertures, mais celles-ci restent assez rares et restreintes.

Dans les prochains paragraphes, je tenterai d’expliquer ce qui se passe dans la tête d’un ouvreur. Lorsque l’on tente de comprendre un concept précis, il est toujours bien de saisir le processus derrière. Évidemment, il n’existe pas de règles ni de chemin précis à suivre, mais on note certainement un consensus général sur certains points. Il n’est pas exclu que certaines parties représentent ma vision ou celle de mes collègues. Écrire un article de la sorte, sur un sujet aussi subjectif que le routesetting, implique nécessairement quelques aspects qui relèvent de l’opinion. D’ailleurs, il faudra tenir compte du fait que cet article vise surtout l’ouverture commerciale qui est très différente de l’ouverture de compétition.

RENOUVELER SON INSPIRATION

Comme tous les emplois, celui d’ouvreur n’arrive pas à complètement se sortir d’un cadre routinier. Cette routine, à plusieurs égards, est l’un des pires ennemis de l’inspiration et de la créativité. Comment peut-on, lorsqu’on ouvre plus de 500 problèmes par années, constamment proposer des idées nouvelles et rafraîchissantes? Quelques habitudes simples peuvent être d’une grande aide.

1. S’éloigner des familiarités

Bien entendu, chaque ouvreur possède un style unique et influencé par ses propres forces et faiblesses. Lorsque l’on arrive à une impasse dans l’ouverture d’un problème, le premier réflexe est habituellement de s’appuyer sur nos forces pour s’en sortir. Ainsi, on s’en remettra aux types de prises et de mouvements qu’on connaît par coeur, et on produira un bloc qui ressemble à ceux qui ont déjà bien fonctionné dans la passé.

Les ouvreurs d’expérience, dans une certaine mesure, sont capables d’aller à l’encontre de leurs réflexes. Ainsi, dans la même situation, on devrait être en mesure d’explorer des zones de l’ouverture qui nous rendent moins à l’aise. Dans le contexte de travail avec une équipe d’ouverture de qualité, les routesetters peuvent (et doivent!) se permettre ce genre d’exercice. Au final, même si l’idée proposée est complètement rejetée à l’étape du forerunning, elle aura été bénéfique au niveau personnel (pour l’ouvreur) ainsi qu’au niveau du groupe (dans le traitement du bloc problématique). Si tous les ouvreurs proposent toujours des idées avec lesquelles ils sont à l’aise, on obtiendra des problèmes faciles à tester qui plairont habituellement aux clients, mais l’équipe d’ouvreur aura de la difficulté à comprendre et repousser ses limites. C’est donc une stratégie perdante pour tout le monde dans une optique de croissance à long terme.

Dans le même ordre d’idées, on peut faire un exercice similaire en terme de ressources. Même si l’on a accès à un nombre de prises et volumes varié et en grande quantité, il faut parfois choisir ceux qui nous branchent moins. Par exemple, j’adore ouvrir des blocs de compression avec des gros slopers et volumes glissants. J’aime proposer ce genre de problème, peu importe la difficulté requise. Par contre, pour rester un ouvreur complet, polyvalent et, surtout, en constante progression, il faut savoir rejeter ces réflexes dans la sélection des prises. De façon paradoxale, environ une fois par session d’ouverture, je sélectionne des prises qui ne m’inspirent pas afin créer mon inspiration.

2. Garder l’esprit ouvert

Les bons ouvreurs possèdent une connaissance détaillée des mécanismes d’ouverture, c’est-à-dire des composantes nécessaires afin de proposer certains mouvements spécifiques. Pourquoi avez-vous aimé le dernier problème que vous avez grimpé? Est-ce que l’ouvreur a utilisé des prises confortables?

Publié le : 24 mars 2017 par Nicolas Mattuzzi

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