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Le travail des membres inférieurs, la solution pour améliorer son explosivité ?

Force, puissance, vitesse…explosivité…mais aussi poids, masse par exemple. Nous avons de nombreuses occasions, au quotidien, d’utiliser un terme à la place d’un autre. Si demander le poids d’une femme ne se fait pas, il serait en réalité bien moins élégant de les questionner sur leur masse.

Force, puissance, vitesse… où placer l’explosivité dans tout cela ? Et cette explosivité recherchée en escalade peut-elle être améliorée par un travail des membres inférieurs ? Avec quelles méthodes ?

Définitions de l’explosivité :

On en trouve un certain nombre sur la toile et dans les ouvrages :

1- Capacité à produire la plus grande accélération sur soi-même ou sur un engin (Didier Reiss et Pascal Prévost, La bible de la préparation physique, Editions Amphora)

2- Faculté d’atteindre les plus grandes accélérations et donc la plus grande vitesse de mouvement possible (KOUZTNETSOW, 1975)

Et bien sûr, pour pimenter le tout (ce serait trop simple sinon !), on entend parler de Puissance – Force, Puissance – Vitesse, ou encore Force –Vitesse, chacune ayant un % théorique de la Répétition Maximale (RM) qui lui est attribué. Exemple, si vous êtes capable de tracter 100kg au maximum, on pourra dire qu’un travail Puissance – Vitesse se fera pour une charge de 30 à 45kg, alors qu’il sera plutôt de 45 à 70kg pour un travail Puissance – Force.

Ceci souligne déjà la complexité du travail de l’explosivité. Oui, il existe une corrélation entre vitesse et force maximale, mais ce n’est qu’une corrélation !

1) Début de réponse simplifiée

P = W/t = (F x d)/t = F x (d/t) = F x V

Avec :

La force F : exprimée en Newton (produit de la masse par l’accélération…)

Le travail W : c’est le produit d’une force par rapport à la distance appliquée, en Joule

La puissance P : le travail divisé par le temps, en Watt, donc le déplacement d’un corps (ou une partie) par rapport au temps.

Mais aussi (sans rentrer dans les détails) : la Vitesse (V), le temps (t), la distance (d).

Si 2 véhicules sont capables de rouler à 130km/h, le plus puissant sera celui qui atteint le plus rapidement cette vitesse. On retrouve dans cet exemple la notion d’accélération donnée dans la définition de l’explosivité.

2) En pratique

On comprend donc les relations existantes entre la Force, la Vitesse, et la Puissance. Dans le cas de l’explosivité, on cherche donc à augmenter la vitesse de contraction musculaire. Évidemment, on aimerait tous « développer le plus de force possible » en un minimum de temps, et ça, c’est compliqué car il faut faire des choix en permanence (et nous n’évoquons ici que le physique) !

Alors oui, il existe bien une thématique qu’il ne faut pas sous-estimer : le travail des membres inférieurs, car ils vont vous permettre de pousser, sauter, voler ! Si vous faites des exercices adaptés, vous allez obligatoirement progresser en explosivité. Mais attention, il faut aussi pouvoir faire le lien entre le haut et le bas du corps. Le moyen pour y parvenir : n’oubliez pas de travailler votre gainage !

En pratique, il faut donc trouver des exercices qui permettent d’augmenter la raideur des muscles et des tendons (attention, certains pensent que c’est le contraire de la souplesse, mais c’est faux).

3) Quelques conseils pour améliorer l’explosivité des membres inférieurs

1- D’abord la qualité, et non la quantité

Si vous travaillez à faible % de votre Répétition Maximale (si on reprend l’exemple, en soulevant 30kg au lieu de 100), vous pourrez bien évidemment faire bon nombre de répétitions. Et comme souvent en préparation physique, on cherche à transpirer, à en faire plus. Non. Faites 5 répétitions en y mettant toute votre intention plutôt que 25. Gardez de la « précision » dans le geste pour la série suivante.

2- Alterner les % par rapport à votre Répétition Maximale (RM)

Sans révéler les petits secrets de chacun (et sont-ils les meilleurs ?), ne faites- pas que des exercices à force maximale ! Pour les membres inférieurs, c’est bien de travailler sur des flexions à une jambe, mais pensez aussi aux différents sauts « faciles » à deux jambes (je vous laisse aller sur la toile pour les découvrir : dropjump, contre mouvement jump, squatjump par exemple.

3- L’intention

Lors des répétitions « faciles », l’idée n’est pas de prendre ça comme une récréation ! Mettez-y de l’intention, et vraiment !

4- Quelques méthodes

La vraie explosivité : répétitions à environ 30% de votre RM (par exemple 5 répétitions, 3 minutes de repos, 5 répétitions, 3 minutes, 5 répétitions)

La pliométrie : le principe est de créer un cycle étirement – détente au niveau musculaire, sans délai entre les deux phases (sinon on ne profite plus de l’énergie emmagasinée). Ce sont tous les sauts et bondissements, et l’intensité dépendra beaucoup de la hauteur de « chute ». On parle par exemple de pliométrie basse (foulées bondissantes), moyenne, ou haute (hauteur importante mais suffisamment raisonnable pour qu’il y ait étirement – détente). Il faut varier, et rester encore une fois dans le qualitatif.

Pré-contraction antagoniste : sans matériel, plus facile pour les membres supérieurs (attention si vous envisagez de le faire sur les ischios jambiers !!!), ici pour information si vous envisagez d’expérimenter pour les bras. Par exemple, dips (80% à 90% de RM), puis tractions à 2 bras (30 à 45% de RM). Ah oui, la masse corporelle compte aussi dans les RM ! Quand vous tractez à un bras, vous n’êtes pas à 0kg de charge hein ?!

Méthode Bulgare, ou contrasté : le principe ici est d’alterner les contractions à haut % de RM, et à plus faible % (le plus rapidement possible). Par exemple, flexions à une jambe, puis flexions à 2 jambes. Le contrasté peut se faire de différentes manières. Par exemple 1 série à fort % de RM, 1 série à faible %, ou mixer les intensités dans une même série.

5- Alterner les exercices de préparation physique et des exercices spécifiques (sur pan ou bloc naturel)

4) Deux tests pour évaluer la puissance des membres inférieurs

1- Saut horizontal :

Ce n’est pas le test le plus intéressant pour l’escalade, mais en préparation physique, ça peut toujours servir ! Il s’agit « simplement » d’effectuer un saut horizontal, le plus loin possible, en arrivant équilibré. Faire 3 essais et prendre le meilleur des 3. Il est assez facile de mesurer la distance entre le point de départ et d’arrivée.

Quelques données (en cm) :

Femmes :

< 130 : insuffisant, de 131 à 170 : Moyen, de 171 à 190 : Bon, > à 190 : Excellent

Hommes :

< 179 : insuffisant, de 180 à 220 : Moyen, de 221 à 240 : Bon, > à 241 : Excellent

2- Saut vertical, ou Sargent Test

Déroulement

Marque (magnésie ou craie) de référence, la plus haute possible, pieds au sol

Puis se mettre de côté, et placer l’épaule à 15cm du mur environ (bras dominant pour le test)

Sauter le plus haut possible, 3 essais

tableau

5) Pour aller plus loin

Puisque nous en sommes à parler de vitesse, voici quelques données à ce sujet chez les enfants et adolescents (Cometti, 2006)

Périodes privilégiées pour développer la vitesse :

Temps de réaction : 7 à 10 ans

Vitesse gestuelle : 8 à 12 ans

Vitesse gestuelle contre résistance (bandes élastiques par exemple) : 13 à 15 ans

Fréquence gestuelle : 7 à 13 ans

Fréquence des appuis : 9 à 11 ans

Vitesse : 6 à 15 ans

Plutôt que de vouloir « charger » trop rapidement les jeunes à force quasi-maximale, il peut être judicieux de travailler sur la vitesse (et aussi l’endurance, la souplesse par exemple !).

En conclusion

Il faudrait encore une fois bon nombre de pages pour répondre à cette question. Mais il est évident que le travail des membres inférieurs vous permettra de progresser en explosivité ; si on ne grimpait qu’avec les bras, ça se saurait.

Si certains refusent un tel travail, c’est par crainte de « prendre du poids » (ou de la masse !) inutilement. C’est une possibilité, en effet, si vous faites trop de répétitions sur des % modérés, mais presque improbable si vous travaillez à force maximale ou si vous limitez le nombre d’essais pour le côté qualitatif. Ce n’est donc pas une bonne raison de vous en passer. A vous de passer de l’un à l’autre et de vous faire vos propres opinions sur la question.

Évidemment, comme votre escalade n’est pas « directement limitée » par les membres inférieurs (contrairement aux fléchisseurs des doigts, si vous êtes cramés…vous êtes cramés), vous pouvez largement travailler à votre rythme, tenter, expérimenter. Bien sûr, si vous projetez de faire un jeté monstrueux absolument le 12 janvier de l’année suivante, il va falloir optimiser un peu tout ça, mais bon… !

Les membres inférieurs sont importants en escalade, le travail d’explosivité est une possibilité, et cela se fait souvent de manière ludique. Dans une logique globale, d’optimisation, on ne peut le laisser de côté dans les planifications, y compris chez les enfants.

Et pour ceux qui refusent de consacrer du temps à cette thématique, pourquoi ne pas faire un peu de pliométrie à chaque fois que vous tombez d’un bloc, autant rentabiliser ce temps-là non ?! Mais prudence quand même si vous chutez d’une hauteur importante ! Il faut toujours trouver des avantages à ne pas réussir. Imaginez seulement, tout n’est pas perdu, vous pouvez travailler vos jambes en échouant dans un bloc, sympa non ?!

Bonne grimpe !

Thomas Ferry – Préparateur physique en escalade

 

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Publié le : 06 avril 2016 par Charles Loury

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