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Récit de trip: Une semaine en Espagne avec Thomas Joannes

« Montes le son Ben, y vamos en Catalunya !

Des vacances à rallonge, une météo ibérique qui a su se faire séduisante et surtout une envie de falaise qui nous rendait presque dépressifs dans l’enchaînement monotone de nos tours de fractionné à M’Roc sont les 3 principales explications à notre présence sur l’autoroute A7 au matin du lundi 12 janvier 2015 avec comme prometteuse destination… la Catalogne !

dessin espagne

Et puis très vite (c’est toujours rapide dans ce sens), nous laissons derrière nous la petite « ville » de Cornudella-de-Montsant pour attaquer les ultimes virages menant au pittoresque village de Siurana, il fait presque nuit et nous sommes fatigués, mais les dernières lueurs du soleil couchant nous donnent un aperçu de ce qui sera notre terrain de jeux pendant 9 jours : les longues dalles grises/orangées de Siuranella, l’improbable pilier d’El Cargol où le crépuscule semble s’attarder un moment ainsi que l’imposant dévers d’El Pati un peu plus à gauche avec ses voies mythiques qui nous appellent déjà… « Montes le son Ben, on est arrivés !!! »

Coucher de Soleil depuis le promontoire du village de Siurana

Coucher de Soleil depuis le promontoire du village de Siurana

Les deux premiers jours du trip furent à l’image du rêve que tous les grimpeurs normalement constitués font lorsqu’ils se préparent à partir en Catalogne en hiver ! La collante et le soleil étaient au rendez-vous, ce dernier étant très convoité au sein de nos journées nous a permis de visiter différent secteurs en fonction des expositions et nous garderons particulièrement des souvenirs de nos échauffements sous le soleil matinal au secteur de Siuranella-Est et de l’Olla. Comme l’envie de serrer les réglettes qui s’était (trop) fait attendre nous démangeait nous avons soulagé nos peines dans le fameux 8b de » Ramadan » dès le premier jour avec son crux sur micro-prises à faire grimacer une Nono Berthier (c’est vous dire comme les prises sont minuscules), mais Titom (Thomas Joannes) gardera le sourire et cochera même la voie à vue, bon début… L’après midi nous posions le campement au secteur « El Pati », réputation oblige nous n’avons pas résisté longtemps à venir grimper dans ce mythique secteur qui abrite des perles comme « La Rambla » 9a+ ou encore « Estado Critico » le premier 9a réalisé à vue par Alex Megos ! Un dévers plus que prononcé et des voies interminables font de cette partie de la falaise une référence pour qui veut se mettre des fights mémorables de rési en serrant des crougnes à 40m de hauteur… La principale difficulté était donc pour nous de canaliser notre envie de tout essayer et il faut bien avouer que nous n’avons pas surmonté le problème au vue des paires que nous avions posées dans la moitié des voies (bon ok j’exagère un peu !). Plus sérieusement, « Pati noso » 8c/8c+ et « Kale Borroka » 8b+ furent le lieu de nos plus beaux runs jusqu’à ce que la visibilité nous oblige à sortir nos lampes frontales pour ne pas se boiter sur le chemin du retour à la voiture ! Ces deux voies ont pour caractéristiques communes d’être des monstres de résistance (42 et 38m) et de présenter des crux sur réglettes tranchantes à souhait avec forcément une difficulté accrue pour Pati Noso et ses mouvements hyper aléatoires (dont un mouvements dynamique à la moitié de la voie qui a vu Titom grimacer à plusieurs reprises, cette fois-ci !), alors que Kale borroka présente une première partie de 30m très physique sur bonnes prises en fissure avant d’attaquer un crux où la taille des prises change considérablement au plus grand malheur de nos avant bras.

"Cronica" 8b

« Cronica » 8b

Bien que ces deux voies concentraient notre attention nous ne voulions surtout pas passer notre séjour à taper des essais dans les mêmes lignes et notre soif de diversité nous mena dans des voies toutes aussi classes les unes que les autres comme par exemple les lignes très typées bloc de « Migranya pronfunda » en 8b+ et sa voisine « Cronica » en 8b que Titom réalisera au premier essai, ou encore la colo unique à remonter du 8a+ « La cara que no miente » qui, pour seulement 15m d’escalade n’est pas un cadeau et va vous obliger à activer le mode bourrinage intensif !

Titom repère ses futures croix au secteur l'Olla

Titom repère ses futures croix au secteur l’Olla

Malgré l’application de crème « climb-on » avant de se coucher, la peau de nos doigt au matin du 3ème jour commence déjà à demander un « rest-day », mais nous décidions de faire confiance à la fameuse légende qui voudrait qu’il serait possible de grimper à Margalef avec des doigts broutés par le rocher de Siurana puisque le conglomérat et ses bi-doigts caractéristiques n’userait pas la peau au même endroit que les réglettes de calcaire… Aller, « Montes le son Ben, direction Marga ! ».

C’est donc toujours en quête de soleil (nous tenions à revenir à Lyon avec un minimum de bronzage afin de rendre les potes un peu jaloux !), que nous empruntons la piste menant au secteur « Raco de les Espadelles » alias le secteur où il peut faire 28 degrés un 15 janvier ! Et oui presque trop chaud pour grimper, et en plus ça colle pas, et puis on a plus de peau, et… Toujours à râler ces français ! Grâce a toutes ces excuses on a réussi à se faire une journée farniente-climbing à l’espagnole, comprenez par là un schéma de type : Un run dans « Pal Oeste » (8c+)  puis bronzage, suivi d’un run dans « El ball del Triceps » (8b) puis re-bronzage, et une fin de journée faite de runs dans « Cocaina Pura i Dura » (8b+/8c) et de….bronzage ! Une journée si ensoleillée devait se finir par une soirée à la hauteur, et c’est donc dans une discothèque de Margalef… Ah non pardon, c’est donc sur la zone de camping sauvage à l’intérieur du canyon (le coin le plus perdu au monde) que nous nous sommes installés pour la nuit : le ciel étoilé et l’impression d’être à 400 km de toutes autre formes de civilisation nous feraient presque oublier l’interminable temps de cuisson des pates… »Montes le son Ben ! Elle est pas belle la vie de grimpeur ?! »

 

Tout ça c’était presque trop beau et la météo semblait vouloir nous rappeler en ce matin de vendredi 16 janvier que la saison hivernale pouvait aussi ne pas faire semblant en Catalogne, nous imposant pliage de tente et déjeuner sous la pluie et dans un brouillard qui, enveloppant l’ensemble du canyon, nous donnait l’impression d’un réveil au cœur de l’empire du Mordor… Nous avons rapidement pris la décision de retourner au camping de Siurana en faisant une halte épicerie à Cornudella, de toute façon et vu la tête de la météo iPhone, c’était jour de repos imposé…

C’est au cours de la nuit du vendredi au samedi, où nous avons bien cru que le vent allait faire tomber un pin sur notre tente et que le froid allait nous plonger dans un sommeil éternel  que notre trip Catalan se rapprocha du registre d’un trip en Alaska, à savoir du -8 degrés ressenti la nuit (peut être même moins, on ne sortait pas pour vérifier !) et rarement plus de 6 a 8 degrés la journée. Et comme si ce n’était pas assez, nos chers iPhones nous prévoyaient une combinaison de neige/pluie à partir de lundi…

 

repascamping

Affutage riz-pâtes au resto du camping

 

 

« Qui consulte trop la météo reste au bistrot » fut notre phrase de référence pour les deux jours qui suivirent cette nuit apocalyptique, et bien nous en a pris puisque quand le soleil sort au pied d’El Pati il ne fait pas semblant ! Alors certes on ne faisait pas les malins dans les premières voies de la journée où serrer un bac ou une réglette ne changeait strictement rien pour nos doigt tant l’onglée s’en était emparé mais quand même, quelle classe de grimper l’interminable 7b+ de « Mandragora  » (secteur Espero primavera) avec ses grands mouvements sur un rocher orange compact 5 étoiles ! Pour ceux qui cherchent une envolée verticale extraordinaire mais qui par contre n’aime pas trop chercher les prises nous le conseillons fortement ! Pour revenir au secteur El Pati, le 8a+ « la Boqueria » qui est un peu caché sur la partie gauche du mur de la Rambla vaut vraiment le détour avec un remonté de fissure suivi d’un mouvement de compression dans le final de la voie où on ne vous dira surtout pas où se trouve la réglette salvatrice tant on l’a cherché (bon ok regardez un peu à gauche, mais après je dit ça…) !

Bref vous l’aurez compris, ces deux derniers jours furent bien remplis, d’autant plus que le mode « falaise » s’était bien installé à ce stade du trip, vous savez, ces journées qui donnent l’impression de passer à 200 km/h de l’arrivée à la voie de chauffe à 11h à la pause pomme à 16h en passant par les sandwichs pain de mie au « jamon cuidado » à 14h, on se retrouve très vite à la binch « Estrella » de 19h !

Les ruelles bondées de monde du pueblo de Siurana

Les ruelles bondées de monde du pueblo de Siurana

Et presque aussi vite que la température avait baissé, la fin du trip avait sonné… Après une dernière nuit passée dans la voiture qui, à défaut de nous avoir permis de dormir, nous a permis d’être opérationnels et en place pour passer la première dès 9h du mat’, nous quittions Siurana sous la neige qui était responsable de ce départ prématuré de 2 jours… 2 jours qui nous auraient permis de défourailler nos projets tant il ne nous manquait pas grand chose pour enchaîner, mais bon on reviendra et peut être même dès février ( oui, nous sommes souvent en vacaciones)! Comme pour rendre jalouses les falaises ibériques qui nous disaient Adios plus tôt que prévu, nous avions décider de nous consoler en faisant une halte à Seynes et ses célèbres colonnettes sur la route du retour mais bon, aux yeux de ce qui nous tombait sur la tête à l’approche de Nîmes…. « Montes le son Ben, on rentre a Lyon ! »

Ben MARIOTAT

Publié le : 21 janvier 2015 par Charles Loury

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